Ir7al, le cri de la jeunesse arabe - carnet de route #5

Image
Ir7al, le cri de la jeunesse arabe - carnet de route #5
Partager4 minutes de lecture

« So fresh », l’histoire d’un taximan du désert récalcitrant

Rallier Le Caire à Amman, rien de plus simple... par avion. Mais quand il s'agit de rejoindre la capitale jordanienne par la route, les choses se compliquent... En tout, 900 kilomètres de route, dont cinquante en bateau.Image retirée. Il y a d'abord deux bonnes heures de bus entre la capitale égyptienne et Suez, berceau de la révolution. Et première embûche à la sortie du véhicule : nous sommes contrôlés par un militaire qui fait de l'excès de zèle. La présence militaire est importante à Suez : le canal est un lieu de passage stratégique pour les bateaux qui relient la mer Méditerranée à la mer Rouge. Depuis la révolution, il est interdit de s'y promener, même pour les habitants. Notre trépied a attiré l'attention. Notre projet de reportage à Suez s'évapore. Le militaire nous met sur le dos un chauffeur de taxi. Nous décidons de continuer notre chemin. Nous voici au départ des micro-bus, lieu informel, on y trouve de vieilles caisses qui font la route jusqu'à Nuweiba, sur les rives de la mer Rouge. Au programme : 350 kilomètres de traversée dans le désert du Sinaï. Café à la main, Hajj Gaber, 58 ans, la peau excessivement bronzée, est notre chauffeur. En Egypte, ces habitants du désert sont appelés les "Saiid" et sont connus pour leur entêtement. Nous l'apprendrons plus tard et à nos dépends. Depuis trente ans, il fait le trajet entre Suez et Nuweiba. Km 0 : A 60 km/h, nous approchons de la zone militaire et du premier check-point aux portes du désert du Sinaï. Image retirée. Notre chauffeur pour quatre heures nous offre une cigarette. - Non, merci, nous ne fumons pas. - Chez nous, on ne refuse jamais une invitation. Toi (en désignant Sami), tu as le droit de ne pas fumer. Tu as  les dents blanches... Nous voilà en train de tirer sur les plus mauvaises cigarettes de notre vie. - Ne vous inquiétez pas, s'il y en a plus, j'en rachèterai... Image retirée. Km 60 : Dans une de nos conversations, Hajj Gaber nous précise qu'il est polygame. Nous roulons toujours à 60 km/h. - Avec "l'ancienne", j'ai eu quatre enfants (elle a 56 ans). La deuxième a 21 ans. "So fresh", j'y vais doucement. Pas d'enfants tout de suite. Est-ce que vous voulez épouser une de mes filles ? Eclats de rire. - Une fois, mon cousin a ramené une Allemande. Elle parlait une "langue étrangère". On l'a habillé de manière traditionnelle et on lui a appris à faire du pain. Quelques mois plus tard, elle a demandé le divorce. Vous, vous ne pourriez pas me ramener une fille de chez vous ? Image retirée. Km 120 : Encore à 60 km/h. Nous avons soif. Hajj Gaber a faim. Nous nous arrêtons au milieu du désert dans un petit café dont il connaît le patron... L'occasion aussi de reposer le moteur de sa veille Peugeot 504 qui a fait plusieurs fois la distance du contour du globe. Nous payons nos consommations et lui offrons le repas. - J'aimerais bien que vous me preniez moi et mon taxi en photo. Vous pourrez me donner la pellicule ? - L'appareil photo est numérique. - Ah, j'ai un ordinateur à la maison. Je regarderai avec ma fille, comment il faut faire. Il est convenu que nous nous arrêtions dans une dizaine de kilomètres pour prendre quelques clichés. Km 170... : Toujours à 60 km/h et déjà la quatrième cigarette. Nous avons payé pour l'entier du taxi mais Hajj Gaber décide de prendre un autostoppeur en plus. Le soleil est en train de se coucher sur le désert. - Est-ce qu'on s'arrête pour prendre une photo du coucher du soleil ? - Attends, je connais un endroit. - Oui, mais le soleil se couche. Arrêtez-vous. - Attends ! (il fait un geste de la main à plusieurs reprises. Il ne veut rien entendre). Image retirée. Km 250... : Le soleil s'est couché depuis longtemps. Nous sommes plus qu'à 100 kilomètres de notre destination. Déjà cinq heures que nous roulons ... à 60 km/h. - Je suis désolé, j'aurai voulu m'arrêter avant le coucher du soleil. Mais je ne suis pas arrivé à temps. Je voulais éviter de rouler la nuit, c'est plus dangereux. - ... - Vous voulez que je prenne quelle route ? Celle qui longe la mer depuis Taba ou par le désert qui rejoint directement Nuweiba ? La première est plus sûre. - La première. Impossible de s'endormir, Hajj Gaber s'arrange pour nous tenir éveiller en nous proposant la musique de son radiocassette qui déconne. Il lui aura fallu près de vingt minutes pour le faire fonctionner. Km 320 : Nous venons de dépasser Taba, tout près de la frontière israélienne. En face, de l'autre côté de la mer Rouge, nous pouvons voir la Jordanie et l'Arabie Saoudite. - Vu que j'ai fait un détour par Taba, je vous demanderai 30 pounds de plus... Nous arrivons péniblement à  Nuweiba. Il nous aura fallu près de sept heures pour traverser le désert. Pour rejoindre Amman, il nous faudra encore prendre le "speedboat" pour Aqaba et rejoindre la capitale, après trois bonnes heures de route. Image retirée. Image retirée.