Qui rencontrer ? En s'adressant aux cyberactvistes syriens (que nous avons rencontré à Beyrouth), il est facile de trouver des Syriens prêts à témoigner. Mais à qui faire confiance ? En l'absence d'un solide réseau, nous avons été contraint de passer par les comités, réseaux d'opposants et d'exilés à l'étranger, notamment en France. Ainsi, nous avions constitué un réseau de contacts dans les principales villes syriennes en proie à la répression. Énorme avantage : nos contacts se connaissent tous pour avoir étudié ensemble à l'étranger. De quoi limiter un minimum les mauvaises surprises.
CERTAINS PARLENT EN MESSAGES CODÉS Extrait de communication de notre contact à Homs, professeur d'université. - Bonjour, comment ça va ? - Bien, merci. - Nous aurions souhaité venir à Homs, quelle est la situation ? - Oh, vous savez, j'ai beaucoup de travail à l'université. Mais là, ça va, les étudiants sont en vacances... Il sait qui nous sommes. Mais rien n'assure que sa ligne n'est pas écoutée. C'est pour cette raison que certains parlent en messages codés ou utilisent des lignes téléphoniques jordaniennes, comme ce contact que nous avons à Derra. - Tu es de quelle nationalité ? - Algérienne. - Et tes amis ? - Ils sont Suisses. - Toi, c'est bon. Les autres non. - Penses-tu pouvoir traverser la frontière pour nous rejoindre en Jordanie ? - Impossible. L'armée est positionnée tout autour de la ville. Si tu sors, ils tirent sans sommation. L'heure de faire le bilan. Il y a encore deux mois, c'était encore possible. Plus aujourd'hui. Passer la frontière donne la quasi-assurance de se faire arrêter. Seule solution, se rapprocher le plus possible du pays, par la Jordanie ou le Liban, pour rencontrer des réfugiés.
450 DOLLARS POUR PASSER LA FRONTIÈRE Depuis Beyrouth, nous organisons un déplacement à Wadi Khaled, petit village enclavé situé à trois heures de route de la capitale libanaise.
Des familles syriennes y sont réfugiées depuis de longues semaines , notamment depuis que le village syrien voisin Tell Kalakh a été assiégé par l'armée. Sur la frontière, la sécurité n'est pas vraiment garantie. Des réfugiés ont déjà été abattus par les forces de sécurité de Bachar el-Assad alors qu'elles tentaient de rejoindre le Liban à pied. Pour s'y rendre, il faut débourser d'abord 250 dollars : c'est le prix de la sécurité et d'un fixeur/traducteur. "Le samedi, c'est quand tu as les meilleures histoires. Après la répression du vendredi de la colère, les Syriens fuient", nous assure un fixeur qui travaille aussi pour Reuters. A cela, il nous faut encore ajouter 200 dollars pour un chauffeur d'une compagnie qui a l'habitude de travailler avec les taxis, "même en temps de guerre". Au total donc, 450 dollars. Trop cher pour nous. Nous envoyons des emails aux rédactions que nous connaissons, leur demandant si elles sont intéressées. Sans succès. Déjà fait, déjà vu, pas intéressés, "tant que nous ne rentrons pas en Syrie". Avec regrets, nous renonçons. En deux jours,
près de 150 personnes sont mortes dans la seule ville de Hama. Une nouvelle fois, les images sont arrivées au compte-goutte. Nous sommes impuissants. Frustrés. Depuis le début de la contestation le 15 mars 2011, plus de 1600 civils ont été tués, d'après l'Observatoire syrien des droits de l'Homme. Près de 3000 personnes seraient portées disparues et quelque 12000 ont été emprisonnées.