Fil d'Ariane
Dix experts indépendants des Nations unies se disent jeudi "alarmés" par la condamnation à mort d'un célèbre rappeur iranien, Toomaj Salehi, emprisonné pour son soutien au mouvement de contestation de 2022 déclenché après la mort de Mahsa Amini.
Capture d'écran d'un clip du rappeur Toomaj Salehi.
"Aussi dures que soient les chansons de M. Salehi à l'égard du gouvernement, elles sont une manifestation de la liberté artistique et des droits culturels", ont-ils indiqué dans un communiqué, signé par cinq Rapporteurs spéciaux et les cinq membres du Groupe de travail sur la détention arbitraire.
Ils se disent "alarmés par l'imposition de la peine de mort et les mauvais traitements présumés à l'encontre de M. Salehi qui semblent uniquement liés à l'exercice de son droit à la liberté d'expression artistique et à la créativité".
En outre, ont-ils ajouté, "les exécutions à l'issue de procès inéquitables constituent une privation arbitraire de la vie".
Ces experts sont nommés par le Conseil des droits de l'homme de l'ONU mais ne s'expriment pas au nom de l'organisation.
Mercredi 24 avril, un média local iranien, citant l'avocat du rappeur, a rapporté que le tribunal révolutionnaire d'Ispahan l'avait condamné "à la peine de mort pour corruption sur Terre".
Le rappeur de 33 ans avait été arrêté en octobre 2022. Il avait soutenu via ses chansons et sur les réseaux sociaux le mouvement de contestation déclenché après la mort le 16 septembre 2022 de Mahsa Amini, une jeune Kurde iranienne détenue par la police des mœurs, qui lui reprochait d'avoir enfreint le code vestimentaire strict pour les femmes.
"La critique de la politique gouvernementale, y compris par le biais de l'expression artistique, est protégée par le droit à la liberté d'expression et le droit de participer à la vie culturelle", ont fait valoir les experts indépendants de l'ONU.
"L'art doit être autorisé à critiquer, à provoquer, à repousser les limites dans toute société", ont-ils insisté.
Plusieurs centaines de personnes, dont des membres des forces de l'ordre, ont été tuées et des milliers arrêtées au cours des manifestations qui se sont tenues en octobre et novembre 2022 en Iran, avant de refluer.
Neuf personnes ont été exécutées en lien avec ce soulèvement, selon des ONG.
Les experts de l'ONU indiquent avoir reçu "des allégations selon lesquelles il est de plus en plus fréquent que des artistes, des activistes et des journalistes soient arrêtés et détenus pour des accusations telles que la 'publication de fausses nouvelles ou 'propagande contre l'État' ".
La France et l'Italie ont condamné également la condamnation à mort du rappeur.
"La France condamne avec vigueur cette décision qui s'ajoute aux nombreuses autres condamnations à mort et exécutions injustifiables liées aux manifestations de l'automne 2022 en Iran", indique le ministère français des Affaires étrangères dans une déclaration.
Ces condamnations et les "nombreuses autres violations graves et inacceptables des droits et libertés fondamentales commises par les autorités iraniennes, ne peuvent tenir lieu de réponse aux aspirations légitimes de liberté du peuple iranien", ajoute la diplomatie française.
Le ministre italien des Affaires étrangères Antonio Tajani a lui aussi souligné "condamner fermement" la décision de la justice iranienne.
"Le gouvernement (italien) s'oppose à la peine de mort en tous lieux et circonstances. Nous continuons de défendre la liberté et les droits de l'homme de par le monde", a-t-il ajouté dans un communiqué sur les réseaux sociaux.