UNE QUESTION D'INFLUENCE Les Israéliens espèrent qu’en agitant les rumeurs de guerre, ils réussiront à pousser les Occidentaux à prendre des mesures encore plus radicales contre l’Iran. Après la remise du rapport de l’AIEA, le Conseil des gouverneurs de cette instance doit se réunir les 18 et 19 novembre pour décider soit d’accorder un délai supplémentaire à l’Iran pour se mettre en conformité avec les exigences de l’Agence, soit de porter l’affaire devant le Conseil de sécurité des Nations Unies. L’Iran est déjà frappé depuis plusieurs années par une série de sanctions économiques et militaires [les dernières datent de juin 2010]. Celles-ci ont mis à mal l’économie iranienne, et sans doute ralenti le programme nucléaire. Mais c’est sans doute « la guerre de l’ombre » menée contre les installations iraniennes, à travers par exemple le virus Stuxnet et les assassinats ciblés de scientifiques iraniens, qui s’est révélée la plus efficace pour retarder les responsables iraniens. [En 2010, le virus informatique Stuxnet attaquait des milliers d’ordinateurs dans les installations techniques iraniennes, dont la centrale de Bouchehr. Par ailleurs, plusieurs scientifiques travaillant sur le nucléaire ont été assassinés la même année.] Les Iraniens sont aussi engagés dans cette guerre de l’ombre, comme l’a montré la tentative d’assassinat de l’ambassadeur saoudien à Washington, à la mi-octobre.
UN CONTEXTE RÉGIONAL PESANT Le printemps arabe joue un rôle essentiel dans le retour des velléités guerrières israéliennes. Le contexte régional a énormément changé pour Israël, qui s’était ménagé une entente cordiale avec la plupart des dictateurs de la région. Plusieurs incidents, comme la mort de policiers Egyptiens à la frontière [le 18 août] ou l’attaque contre l’Ambassade d’Israël au Caire [le 9 septembre], ont marqué un changement des relations entre les deux pays, dans l’ère post-Moubarak. Par ailleurs, les relations sont également extrêmement tendues avec la Turquie depuis le raid contre la flottille de la liberté en direction de Gaza en mai 2010 [neuf Turcs ont été tués]. Israël risque à nouveau de se retrouver entouré de régimes hostiles que Téhéran serait susceptible d’aider. Il serait donc préférable pour l’Etat hébreu de lancer dès à présent un avertissement clair à ses Etats en formation, y compris par le biais de frappes contre l’Iran. Cette escalade verbale arrive aussi au moment où les Etats-Unis ont décidé de retirer leurs 39000 soldats d’Irak. Comme le souligne le journaliste Mahmoud Kiyan-Ersi dans
Mardomak, ce retrait va entrainer un regain de l’influence iranienne dans ce pays, Téhéran ayant déjà des liens privilégiés avec le Premier ministre Nouri Al-Maliki. Sans oublier que l’Iran continue à soutenir le régime syrien, dont la chute parait lointaine. Après le départ des Américains d’Irak, Israël risquerait donc de se retrouver face à un axe Iran-Irak-Syrie qui ferait tourner l’équilibre régional en faveur de Téhéran. Néanmoins, les Américains n’ont pas manqué d’ajouter qu’ils renforceraient leur présence dans le Golfe arabo-persique, montrant clairement qu’ils n’étaient pas prêts à abandonner la région aux mains de l’Iran.
LE RÔLE DE LA MÉTÉO Il ne resterait que quelques semaines pour attaquer avant que les nuages de l’hiver n’obscurcissent le ciel iranien et compliquent les opérations. Reste que si attaque il y avait, elle ne devrait intervenir qu’au printemps prochain, les Etats-Unis et Israël laissant sans doute dans les prochaines semaines une dernière chance à la diplomatie.