Iran : les manifestations se poursuivent malgré la répression

Alors que la période de deuil de quarante jours se termine ce mercredi pour la jeune Mahsa Amini, dont la mort est à l’origine de l’actuelle vague de manifestations en Iran, la mobilisation ne faiblit pas. Ce, en dépit de la répression qui a fait à ce jour 141 morts, selon un bilan établi mardi par l’IHR, l’Iran Human Rights, une ONG basée à Oslo, en Norvège.
 
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Sur cette photo prise par un individu non employé par Associated Press et obtenue par l'AP hors d'Iran, des Iraniens protestent contre la mort de Mahsa Amini, 22 ans, après son arrestation par la police des mœurs, à Téhéran, le 1er octobre 2022.
© AP Photo/Images du Moyen-Orient
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Ce mercredi 26 octobre, jour qui marque la fin de la période de deuil de quarante jours pour feue la jeune Mahsa Amini, des fidèles se sont rassemblés dans le cimetière du Kurdistan iranien où elle est enterrée, pour lui rendre hommage malgré des mesures de sécurité renforcées. D’après nos confrères de l’AFP, qui s’appuient sur des vidéos diffusées sur les réseaux sociaux, plusieurs dizaines d’hommes et de femmes se sont réunis dans le cimetière Aichi de Saghez, la ville d’origine de Mahsa Amini, dans la province du Kurdistan, située dans l’ouest du pays, en criant « Femme, vie, liberté » ou encore « Mort au dictateur ».

Une commémoration malgré la pression des autorités

La veille pourtant, des militants iraniens affirment que les forces de sécurité ont mis en garde les parents de Mahsa Amini contre l’organisation de toute cérémonie de commémoration. L’agence de presse officielle IRNA a même publié un communiqué dans lequel elle précise : « Compte tenu des circonstances et afin d’éviter tout problème malheureux, il n’y aura pas de cérémonie marquant le 40ème jour (après la mort) de notre bien-aimée. » Une déclaration qui, d’après les militants des droits humains, a été faite sous pression.  

(Re)lire : "Iran : des fidèles se rassemblent sur la tombe de Mahsa Amini malgré les menaces"

Toujours selon nos confrères de l’AFP, des images postées par l’ONG Hengaw, un groupe de défense des droits des Kurdes d’Iran, basé en Norvège, ont en effet montré une présence massive des populations dès la veille de ce 40e jour, en dépit de la présence massive des forces de sécurité à Saghez, dont les entrées auraient été bloquées. Et ce mercredi, d’après des images mises en ligne par Hengaw, des dizaines d’habitants sont entrés dans la ville, à pied à travers les champs, le long des routes, en voiture ou en moto.

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Un peu moins de six semaines après le décès de Mahsa Amini le 16 septembre dernier, cette jeune Iranienne de 22 ans, décédée trois jours après son arrestation à Téhéran par la police des mœurs qui lui reprochait d’avoir enfreint le code vestimentaire qui impose notamment le port du voile pour les femmes, la mobilisation ne faiblit pas. La répression non plus. Elle a fait 141 morts, dont des enfants, selon un nouveau bilan publié ce mardi par l’Iran Human Rights.

Les mobilisations se poursuivent dans tout le pays

Pour Bernard Hourcade, directeur de recherche au CNRS, et membre du CERMI, le Centre de recherche sur le monde iranien : « L’on assiste à un mouvement de basse intensité, mais de forte intensité. De basse intensité, je veux dire par là que ce n’est pas une manifestation d’un million de personnes ou de cinq cent mille personnes, qui mobilise tout le monde, qui pose d’énormes problèmes et un challenge direct au gouvernement. Mais un combat, une manifestation de forte intensité, parce que l’on a, non pas une manifestation d’un million de personnes, mais mille manifestations de deux cents personnes et partout, de façon incontrôlable. Et donc, cette manifestation est forte parce qu’elle n’est pas organisée. Elle est volontaire et elle part du fond du cœur en quelque sorte. »

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Sur cette photo prise par un individu non employé par Associated Press et obtenue par l'AP hors d'Iran, des Iraniens protestent contre la mort d'une femme de 22 ans, Mahsa Amini, après son arrestation par la police des mœurs, à Téhéran, le 20 septembre 2022.
© AP Photo/Images du Moyen-Orient

Et toujours selon Bernard Hourcade, même si certains slogans appellent à la fin de la dictature en Iran, il s’agit d’abord d’un ras le-bol, d’une volonté de vivre librement. Et ce mouvement a vocation non pas forcément à s’étendre, mais à perdurer. « Ça va s’arrêter, précise Bernard Hourcade et ça va repartir pour un prétexte ou pour un autre, dans une université, dans une école… Il y aura toujours des filles dans un lycée qui diront : tiens je vais enlever mon tchador. Le directeur de l’école va arriver et lui dire : tu remets ton tchador ; non je ne veux pas le remettre... Ce genre d’incidents, il y en aura certainement très longtemps en Iran. Mais ça ne veut pas dire qu’on assiste à un mouvement révolutionnaire qui peut soulever l’ensemble de la population. »

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D’ailleurs, nos confrères de l’AFP affirment que des étudiants ont manifesté mardi dans plusieurs universités à travers l’Iran. « Les étudiants sont prêts à mourir mais pas à vivre dans l’humiliation », ont-ils scandé à l’université Shahid Chamran, à Ahvaz, dans le sud-ouest du pays. Et dans la province du Sistan-Baoutchistan, l’une des plus pauvres d’Iran, située dans le sud-est du pays, la ville de Zahedan a été touchée par plusieurs jours de violences déclenchées le 30 septembre dernier, lors de manifestations contre le viol d’une jeune fille, imputé à un policier. Selon l’Iran Human Rigths, ces violences ont fait au moins 93 morts. Dans cette même ville de Zahedan, toujours ce mardi, deux membres des Gardiens de la Révolution, l’armée idéologique de l’Iran, ont été tués par balles par des inconnus.