Iran : où en est le mouvement de contestation, un an après la mort de Mahsa Amini ?

Il y a un an, le 16 septembre 2022, la Kurde iranienne de 22 ans Mahsa Amini décède à l’hôpital des suites de ses blessures. La police des mœurs l’avait arrêtée trois jours plus tôt et lui reprochait de ne pas correctement porter son voile islamique. D’importantes manifestations ont eu lieu en Iran, d’abord contre cette répression, ensuite, plus généralement contre le régime. Comment la population conteste aujourd'hui le pouvoir des mollahs ?

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manifestation Mahsa Amini
Mahsa Amini, morte à 22 ans, est devenue le visage de la révolte iranienne de cette année 2022. 
©AP Photo/Ariel Schalit
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Après chaque prière du vendredi, la population majoritairement sunnite de la ville de Zahedan scande toujours, un an après, “Zan, Zendegi, Azadi” (“femme, vie, liberté”, en persan). Cette localité de l’Est iranien avait été sévèrement réprimée le 30 septembre 2022 : 67 personnes avaient été tuées par les autorités.

Mais cette colère exprimée est de plus en plus rare dans un pays majoritairement chiite où le nombre de manifestations s’est réduit en l’espace de quelques mois. Dans le même temps, la surveillance et la répression se sont accrues en Iran, particulièrement à Téhéran.

À la veille de la date anniversaire de la mort de Mahsa Amini, six personnes soupçonnées de planifier des manifestations à cette occasion ont été interpellées. “Les opposants appelaient au chaos”, relaye l’agence de presse de la République islamique, contrôlée par le pouvoir. 

Des manifestants brûlant des voiles et enflammant des conteneurs à ordures lors de protestations à Téhéran

Des manifestants brûlant des voiles et enflammant des conteneurs à ordures lors de protestations à Téhéran, le 22 septembre 2022.

Capture AFPTV

Les habitants, comme des ONG, font aussi état d’une présence policière particulièrement élevée dans les régions en première ligne des manifestations de l’an dernier. Le Kurdistan iranien est notamment concerné, lieu d’où est originaire Mahsa Amini.

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La source média référencée est manquante et doit être réintégrée.

Le débit des connexions Internet aurait aussi été ralenti et le président iranien Ebrahim Raïssi menace même ceux qui créeront “l’instabilité dans le pays” d'en payer “un prix élevé”.  

Augmentation de la répression

“Le pouvoir a gagné, constate le sociologue à l'EHESS, à Paris, et spécialiste de l'Iran Farhad Khosrokhavar, avant d'ajouter : l'hyperrépression a fonctionné. Les manifestations ont quasiement disparu depuis mars-avril"

La révolution dans le pays n'est qu'à ses débuts

Didier Idjadi, sociologue et exilé politique iranien

En un an, les autorités iraniennes ont commis des dizaines d'homicides illégaux, des exécutions et des dizaines de milliers d'arrestations arbitraires, des tortures, dont des viols de détenus, des actes de harcèlement et des représailles envers les femmes qui défient les lois, recense dans un communiqué Amnesty International.

L'ONG constate aussi un "regain de discours officiels haineux" qualifiant l'abandon du voile de "virus", de "maladie sociale" et de "trouble". Depuis 1979, ne pas le porter est une infraction du code vestimentaire en vigueur depuis la Révolution islamique de 1979.

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Mais le sociologue et exilé politique iranien Didier Idjadi nuance que “la révolution dans le pays n'est qu'à ses débuts” et qu’elle ne nécessite pas une chute immédiate du pouvoir : “Le régime est quand même en crise interne”.

La chercheure spécialiste de l’Iran à l'EHESS Amélie Chelly prévient qu’il n’y a pas “d’essoufflement de la contestation dans les esprits. Le mouvement est en dents-de-scie mais c’est le plus durable qui ait existé dans le pays”.  

Les formes de manifestations se sont diversifiées 

Forte mobilisation sur les réseaux sociaux, affichage dans les rues, expressions artistiques ou encore grèves dans les usines, la colère d’une partie majoritaire de la population s’est adaptée aux répressions.

Refuser le voile, c’est aussi et surtout rejeter le régime

Azadeh Kian, sociologue spécialiste de l'Iran

“Les manifestants scandent des slogans anti-régime directement à leurs fenêtres, depuis mercredi soir à Téhéran et à Shiraz”, témoigne Azadeh Kian, sociologue franco-iranienne à l'université Paris-Diderot.

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La solidarité des femmes et des hommes s’est aussi renforcée en opposition au pouvoir religieux. Cela est symbolisé par des rassemblements mixtes, mais aussi par des danses publiques et des rites où les protestataires brûlent le voile. La chercheure ajoute que “le voile est un symbole idéologique du régime. Le refuser, c’est aussi et surtout rejeter le régime”.

Des femmes iraniennes, dont certaines ne portent pas le foulard islamique obligatoire, marchent dans le centre de Téhéran, Iran, samedi 9 septembre 2023.

Des femmes iraniennes, dont certaines ne portent pas le foulard islamique obligatoire, marchent dans le centre de Téhéran, Iran, samedi 9 septembre 2023.

AP Photo/Vahid Salemi

À la veille du premier anniversaire de la mort de Mahsa Amini ce samedi 16 septembre, l'auteure et réalisatrice franco-iranienne Marjane Satrapi publie un roman graphique collectif pour soutenir la révolte, une véritable ode aux femmes iraniennes. Traduit et publié dans plusieurs langues, le livre titré "Femme, vie, liberté" est surtout mis en ligne gratuitement en persan.

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La société iranienne développe ”la culture de la joie de vivre”, explique Farhad Khosrokhavar : les femmes et les hommes sont plus frontaux, arrogants et vont directement contre les interdits du pouvoir. L’hymne italien antifascite datant du 19ème siècle “Bella Ciao” est écouté et repris par les manifestants en Iran. C'est l’un des exemples les plus marquants.

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