Iran : qui est le rappeur dissident Toomaj Salehi, arrêté et passible de la peine de mort ?

L’activiste iranien a été arrêté fin octobre, après avoir apporté son soutien aux manifestations anti régime. Dès son interpellation, les ONG pour les droits humains avaient assuré qu’il pourrait être condamné à mort par Téhéran. La décision rendue par la justice iranienne le 27 novembre vient confirmer leurs pires craintes.
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IRAN-TOOMAJ SALEHI
Le rappeur dissident Toomaj Salehi apparait dans un clip vidéo qu'il a publié sur sa chaîne YouTube le 24 octobre 2022, soit quelques jours avant son interpellation. 
Capture d'écran YouTube
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Il s’appelle Toomaj Salehi. Rappeur iranien, il est en prison depuis plus d’un mois. Arrêté fin octobre après avoir exprimé son soutien aux manifestations hostiles au pouvoir en place, le jeune homme risque aujourd’hui la peine de mort.

C'est ce qu'annonce l'Autorité judiciaire d’Iran dimanche 27 novembre.  Toomaj Salehi est notamment accusé d'être un "ennemi de Dieu" et de "corruption sur terre". Ces crimes sont passibles de la peine capitale en Iran.

"Le procès n'a pas encore eu lieu mais l'acte d'accusation contre Toomaj Salehi a été rédigé et renvoyé" devant les tribunaux d'Ispahan (centre), a déclaré Assadollah Jafari, le chef de l'Autorité judiciaire de la province du même nom, cité par l'agence de la justice Mizan Online

"Vous avez affaire à une mafia"

"Il est accusé de corruption sur terre en répandant des mensonges sur internet, de propagande contre le système, d'avoir constitué et dirigé des groupes illégaux dans le but de perturber la sécurité en coopérant avec un gouvernement hostile à l'Iran et d'avoir incité à commettre des actes violents", a-t-il ajouté.

Avant son arrestation, le rappeur avait critiqué le pouvoir dans une déclaration à la chaîne canadienne CBC. "Vous avez affaire à une mafia prête à tuer la nation tout entière (...) afin de conserver son pouvoir, son argent et ses armes", disait-il.

Des “aveux forcés”, d’après plusieurs activistes 

Le 2 novembre, l'agence officielle iranienne Irna avait diffusé une vidéo montrant selon elle M. Salehi, bandeau sur les yeux, disant avoir "commis une erreur". Des "aveux forcés", ont dénoncé des militants. Pour expliquer ces propos, Irna a aussi montré des images d'une précédente vidéo postée par le rappeur, où il menace les forces de sécurité en disant: "Allez-vous en. Ce n'est pas un conseil d'ami". "J'ai dit que vous deviez partir. Mais ne je parlais pas de vous", dit-il sur la seconde vidéo.
 
Salehi n'a rien fait d'autre que d'exercer sa liberté d'expression. Il doit être libéré.
Article 19, groupe de défense de la liberté d'expression.

"Les médias officiels, extrêmement inquiets, partagent des aveux forcés du rappeur Toomaj Salehi, obtenus clairement sous la contrainte", a écrit sur Twitter le groupe de défense de la liberté d'expression Article 19. "Salehi n'a rien fait d'autre que d'exercer sa liberté d'expression. Il doit être libéré."

Selon le militant Omid Memarian, basé aux Etats-Unis, il existe "des preuves claires de l'usage de la torture et de mauvais traitements contre les manifestants" dans cette vidéo. Les défenseurs des droits humains accusent régulièrement l'Iran d'avoir recours à des aveux forcés de prisonniers politiques qui sont diffusés par les médias officiels à des fins de propagande.
 
Sévère répression aux contestations historiques contre le régime des mollahs

L'Iran est le théâtre d'un mouvement de contestation déclenché le 16 septembre par la mort de Mahsa Amini. Cette jeune femme, une Kurde iranienne de 22 ans, est décédée après son arrestation par la police des moeurs à Téhéran.

 Plus de 2.000 personnes ont été inculpées, selon les chiffres officiels. Au moins 416 personnes ont été tuées dans la répression des manifestations, selon un dernier bilan diffusé par l'ONG Iran Human Rights (IHR). 15.000 autres ont été arrêtées en marge des manifestations, selon le Rapporteur spécial de l'ONU sur l'Iran.

La justice iranienne a déjà prononcé six condamnations à mort depuis le début des manifestations. Les autorités locales dénoncent ces protestations comme des "émeutes" encouragées selon elles par l'Occident.

Des dizaines de personnalités interpellées

Les proches de Toomaj Salehi avaient affirmé que son procès s'était ouvert le jour même de son interpellation. Un procès à huis clos, sans aucune représentation juridique. 

Selon les médias officiels, Toomaj Salehi a été arrêté alors qu'il tentait de quitter l'Iran par la frontière ouest. Mais sa famille a par la suite réfuté cette version, assurant qu'il se trouvait à ce moment-là dans la province de Chaharmahal-Bakhtiari (sud-ouest).
 
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Des dizaines de journalistes, d'avocats, de personnalités de la société civile et de la culture, ont été arrêtés depuis le début des manifestations.