“Tous les jours, des rassemblements ont lieu à Téhéran“
Entretien avec Yashar Mohtasham, membre à Paris du collectif “Where is my vote ?“ qui conteste l'élection du président Ahmadinijad.
Suite aux répressions policières, le mouvement d'opposition n'est-il pas en train de s'essouffler en Iran ? Le mouvement ne faiblit pas. Pendant la manifestation du 30 juillet, un nouveau slogan a été lancé : "liberté, indépendance et république iranienne". Mir Hossein Moussavi répète souvent qu'il ne veut pas sortir du cadre de la Révolution islamique. Mais le mouvement s'est rendu compte que seule la démocratisation du régime pouvait faire bouger les choses. En 1998, j'avais déjà participé à des manifestations mais cela avait duré moins d'une semaine. Aujourd'hui, le mouvement de contestation perdure depuis près de deux mois. Comment ce mouvement de contestation continue t-il à s'exprimer ? Tous les jours, des rassemblements ont lieu dans différents quartiers de Téhéran. En général, une voiture circule et lance des slogans quand des réunions s'organisent au coin d'une rue. Vingt minutes plus tard, les forces de l'ordre régulières arrivent et préviennent les manifestants que les bassidjis, les miliciens des Mollah, vont débarquer. Une certaine solidarité s'est créée entre les policiers officiels qui sont de jeunes appelés iraniens et les manifestants. Une forme de désobéissance civile s'est aussi mise en place. Vers 21 heures, quand le grand journal du soir est diffusé à la télévision, les gens branchent leurs appareils électroménagers pour provoquer une surchauffe et des coupures d'électricité. Ils boycottent également les produits dont on voit la pub à la télévision d'État. Ce qui a déjà entraîné des effets : les entreprises arrêtent d'acheter des annonces publicitaires. Et le soir, les gens continuent de monter sur les toits des immeubles pour crier "Dieu est grand" mais aussi pour dire "A bas la dictature" , "A bas le dictateur". Tout ceci montre que le mouvement de résistance n'est pas fatigué. Aujourd'hui, quand on traverse Téhéran, on passe nécessairement à travers les gaz lacrymogènes.
Le procès d'une centaine de manifestants qui s'est tenu le 1er août à Téhéran ne va t-il pas calmer le jeu ? Cette technique ne date pas d'hier. En Iran, on vit la répression depuis 30 ans. On a déjà vu ce genre de procès monté de toute pièce. Mohammed Ali Abtahi, l'ancien vice-président qui s'est repenti lors du procès, a perdu 15 kilos depuis son arrestation (voir la photo ci-contre). On n'est pas dupe. Sur Facebook, on a remis des prix aux meilleurs acteurs de cette comédie dramatique. Ce n'est pas ça qui va faire taire la contestation. Comment analysez-vous la situation politique en Iran ? La situation est inédite. Aujourd'hui, Ahmadinejad ne peut plus rien faire. C'est la légitimité du guide suprême qui est contestée. Or, cette légitimité ne va pas revenir par la mascarade de l'investiture attendue mercredi. Il y a des divisions au coeur même du pouvoir, au sein du clergé iranien. Attendez-vous un geste de la communauté internationale ? Les gouvernements occidentaux sont relativement silencieux. Sans doute en raison des otages français et américains qui sont détenus dans les prisons iraniennes. Ils préfèrent rester discrets le temps des négociations. Aujourd'hui, nous leur demandons, non pas d'intervenir, mais de nous soutenir. Il existe une société civile en Iran. Nous avons des syndicats, des leaders politiques, des associations de femmes... Nous sommes capables de nous mobiliser. Nous avons juste besoin d'un soutien des puissances occidentales. Seuls huit pays dans le monde, dont la Russie, ont officiellement félicité Ahmadinejad pour sa réélection. A Paris, sous quelle forme allez-vous continuer à protester ? Le collectif "Where is my vote" a décidé de se rassembler tous les soirs de 17 h à 19 h devant l'ambassade iranienne, jusqu'au 7 août. Cette semaine est très importante. On va assister à l'investiture d'Ahmadinijad et on va célébrer les 150 ans de luttes qui ont abouti à la monarchie constitutionnelle, première étape de la démocratie en Iran. Propos recueillis par Camille Sarret3 août 2009