Toomaj Salehi est désormais privé de communications téléphoniques dénoncent ses soutiens. Le rappeur, devenu héraut de la cause des femmes en Iran, a été condamné à mort le 24 avril. La France, l'Italie, et des experts de l'ONU dénoncent cet état de fait.
Capture d'écran du clip "Meydoone Jang" de Toomaj.
Toomaj Salehi, 33 ans, qui utilise son prénom comme nom de scène, a été arrêté en octobre 2022. Il a été condamné à mort le 24 avril pour "corruption sur terre" par le tribunal révolutionnaire d'Ispahan.
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Il a soutenu, via ses chansons et sur les réseaux sociaux, le mouvement de contestation déclenché après la mort le 16 septembre 2022 de Mahsa Amini, une jeune Kurde iranienne détenue par la police des moeurs, qui lui reprochait d'avoir enfreint le strict code vestimentaire imposé aux femmes.
"La permission de téléphoner de Toomaj a été supprimée dans la prison Dastgerd d'Ispahan", selon le compte X officiel qui porte son nom et qui est contrôlé désormais par un administrateur.
"Cela signifie qu'il n'a plus aucun contact avec sa famille et le monde extérieur", a-t-il ajouté. "De plus, dans le but d'exercer sur lui une pression psychologique maximum, tous les prisonniers de Dastgerd ont l'interdiction de lui parler et ont été menacés de punitions sévères s'ils le font".
La députée allemande Ye-One Rhie, qui suit activement son dossier, a posté ce commentaire sur X : "Soyons clairs: c'est de la torture".
La condamnation à mort du rappeur a été dénoncée le 28 avril par la France, l'Italie, et les experts d'un groupe de travail de l'ONU. Des manifestations de soutien ont été organisées ce weekend dans plusieurs villes du monde, notamment Toronto, Paris et Sydney.
Le 30 avril , dans une tribune dans le quotidien français Le Monde, un collectif d'artistes, d'écrivains et de militants des droits humains, dont Chirinne Ardakani, avocate et présidente de l'Association Iran justice; Elisabeth Badinter, philosophe; François Cluzet, comédien; Agnès Jaoui, comédienne, demande au président de la République Emmanuel Macron d'agir au plus vite pour sauver l'artiste.
Nous vous demandons, monsieur le Président, de prendre fermement position contre la politique totalitaire de la République islamique d'Iran en agissant par tous les moyens politiques et diplomatiques pour faire lever définitivement la condamnation à mort de Toomaj Salehi et celle des autres prisonniers politiques condamnés au même titre, et pour obtenir leur libération. Signataires de la tribune du Monde du 30 avril 2024
"Ce chanteur de rap a pris le risque de manifester, mais a surtout été catalyseur des idéaux de cette population iranienne avide de liberté et de démocratie", soulignent-ils.
Ils ajoutent que "le rap, que Toomaj manipule avec ardeur, s'est révélé être un formidable outil politique dénonçant le totalitarisme du régime et sa corruption, encourageant le peuple à ne faire qu'un et à se soulever pour la liberté".
"La France doit désormais assumer son rôle de garante des valeurs démocratiques et abolitionnistes de la peine de mort. Le respect des droits humains ne peut être une valeur négociable", ajoutent-ils.
Les soutiens du jeune artiste ont lancé sur les réseaux sociaux une campagne sous le hashtag #SaveToomaj (#SauverToomaj). "C'est une terrible nouvelle et nous devons tous nous indigner et faire tout ce qui est en notre pouvoir pour #sauverToomaj. C'est un héros national", a écrit sur X l'actrice britannique d'origine iranienne Nazanin Boniadi.
Le verdict survient dans un contexte de répression accrue en Iran, notamment contre les femmes, et une augmentation en flèche des exécutions. Selon Amnesty International, 853 personnes ont été exécutées en 2023, une hausse de 48% par rapport à 2022. Depuis le début de l'année, déjà 130 ont été exécutées, selon l'ONG IHR basée en Norvège.
Le verdict contre Salehi est tombé peu après la condamnation d'un autre rappeur, Saman Yasin, à cinq années de prison. Il avait initialement été condamné à mort.
Selon son avocat, il a subi des tortures et été contraint à des aveux forcés.
"Nous appelons à leur libération immédiate", a déclaré l'adjoint de l'envoyé spécial américain sur l'Iran, Abram Paley. Les condamnations des deux rappeurs "sont les derniers exemples de la brutalité des abus perpétrés sur ses propres citoyens par le régime, son mépris des droits humains et la peur du changement démocratique espéré par les Iraniens".
À Genève, dix experts indépendants des Nations unies ont dénoncé ce verdict.
"Aussi dures que soient les chansons de Salehi à l'égard du gouvernement, elles sont une manifestation de la liberté artistique et des droits culturels", ont-ils indiqué dans un communiqué, signé par cinq rapporteurs spéciaux et les cinq membres du Groupe de travail sur la détention arbitraire.
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Ils se disent "alarmés par l'imposition de la peine de mort et les mauvais traitements présumés à l'encontre de Monsieur Salehi qui semblent uniquement liés à l'exercice de son droit à la liberté d'expression artistique et à la créativité".
Plusieurs centaines de personnes incluant des membres des forces de l'ordre ont été tuées et des milliers arrêtées au cours des manifestations qui se sont déroulées en octobre et novembre 2022 en Iran, avant de refluer.
Neuf personnes ont été exécutées en lien avec ce soulèvement, selon des ONG. Six autres sont menacées d'exécution imminente, selon l'ONG Iran Human Rights.