Fil d'Ariane
Shimon Peres, un des pères fondateurs d'Israël et prix Nobel de la paix est décédé dans la nuit de mardi à mercredi, à Tel Aviv. Son cercueil sera transféré demain à la Knesset, le parlement israélien. Il sera inhumé vendredi à Jérusalem dans le cimetière du mont Herzl où reposent nombre des grandes figures israéliennes, dont Yitzhak Rabin a indiqué le porte-parole des Affaires étrangères Emmanuel Nahshon à l'AFP.
De nombreux dirigeants et personnalités du monde entier sont attendus aux obsèques, Barack Obama, François Hollande, le Prince Charles, le pape François, ou encore Ban Ki Moon.
— Shimon Peres (@PresidentPeres) September 28, 2016
"En regardant en arrière, la seule faute que nous avons commise c'est de n'avoir pas assez rêvé. Rêvons plus grand, regardons droit devant, et rendons le monde meilleur, un endroit de paix pour tout le monde", peut-on lire sur le tweet sous forme d'épitaphe, posté ce mercredi matin, sur le compte officiel de Shimon Peres.
Shimon Peres a été présent sur le devant de la scène politique pendant plus de 65 ans, depuis la création de l'Etat d'Israël en 1948 jusqu'à la fin de son mandat de président (2007-2014).
Il était un vétéran de la politique, fervent partisan du dialogue avec les Palestiniens comme seul moyen de parvenir à la paix. Le fait marquant de cette longue carrière fut la signature des accords d'Oslo en 1993, dont il est un des principaux architectes, et pour laquelle il obtient le prix Nobel de la paix, conjointement avec le Premier ministre de l'époque Yitzhak Rabin et le président de l'Autorité palestinienne Yasser Arafat.
Mais Peres sera mort sans voir se réaliser l'établissement d'un Etat palestinien, qui devait être l'aboutissement de cet édifice diplomatique.
Même après avoir quitté la présidence à 90 ans, il était resté actif à travers son Centre Peres pour la paix, qui continue de promouvoir la coexistence entre juifs et Arabes, alors que les perspectives de règlement du conflit israélo-palestinien ont rarement été plus sombres.
Figure historique de la gauche israélienne, membre du Mapaï --le parti du fondateur d'Israël David Ben Gourion-- , puis du parti travailliste, Shimon Peres n'a pas toujours été un homme de dialogue.
Né à Vishneva en 1923, dans ce qui était alors la Pologne et aujourd'hui le Bélarus, arrivé onze ans plus tard en Palestine alors sous mandat britannique, Peres était l'ultime représentant d'une génération de dirigeants qui ont fait leurs premières armes, au propre comme au figuré, au moment de la création d'Israël.
Classé parmi les "faucons" travaillistes, M. Peres a cautionné, alors qu'il était ministre de la Défense dans les années 1970, les premières colonies juives en Cisjordanie, un territoire palestinien occupé par Israël.
Il était Premier ministre quand l'aviation israélienne a bombardé le village libanais de Cana, tuant 106 civils en avril 1996, ce qui lui a valu une traversée du désert.
Celui qui rejetait autrefois tout compromis avec les pays arabes hostiles disait avoir été converti après 1977 et la visite historique du président égyptien Anouar el-Sadate à Jérusalem conduisant au premier traité de paix arabo-israélien (1979).
"Il n'y a pas d'alternative à la paix. Faire la guerre n'a pas de sens", disait-il en 2013. Le processus de paix a un "objectif clair": avoir "un Etat juif appelé Israël et un Etat arabe appelé Palestine qui ne se combattraient pas mais vivraient ensemble dans l'amitié et la coopération".
Entré en politique à 25 ans grâce au "vieux lion" David Ben Gourion, le fondateur de l'Etat hébreu rencontré en faisant de l'auto-stop, Shimon Peres a fait preuve d'une ténacité à toute épreuve.
Il détenait peut-être un record d'échecs au Parlement --en ne parvenant pas à décrocher de majorité lors des législatives de 1977, 1981, 1984, 1988 et 1996--, si bien qu'une image d'"éternel perdant" lui a longtemps collé à la peau. Mais il s'était relevé à chaque fois.
Il avait exercé de très nombreuses fonctions ministérielles: deux fois chef du gouvernement (1984-1986 et 1995-1996), ministre des Affaires étrangères, de la Défense, des Finances, de l'Information, des Transports ou encore de l'Intégration.
Israël lui doit ses puissantes entreprises d'armement et ses industries aéronautiques. Artisan de la coopération militaire avec la France dans les années 1950, il est considéré comme le "père" du programme nucléaire israélien.
Après avoir quitté ses fonctions de président, il n'avait rien perdu de sa vivacité et avait continué à sillonner le monde, en tant qu'orateur prisé dans les congrès mondiaux.
Cet éternel battant avait confié en 2012 à l'AFP que le secret de sa longévité consistait à faire de la gymnastique tous les jours, à manger peu et à boire un ou deux verres de bon vin. Il précisait qu'il ne dormait que quatre ou cinq heures par nuit.
De nombreux responsables ont rapidement rendu hommage à l'ancien président israélien et prix Nobel de la paix, Shimon Peres, saluant unanimement son engagement en faveur de la paix.
"Une lumière s'est éteinte, mais l'espoir brillera pour toujours", peut-on lire sur le compte twitter de la Maison blanche.
“A light has gone out, but the hope he gave us will burn forever.” —@POTUS on the passing of Shimon Peres: https://t.co/kfiWabFROR pic.twitter.com/hC021MJlBD
— The White House (@WhiteHouse) 28 septembre 2016
"Ce soir, Michelle et moi nous joignons à tous ceux qui, en Israël, aux Etats-Unis et dans le monde entier, rendent hommage à la vie extraordinaire de notre cher ami Shimon Peres, un père fondateur de l'Etat d'Israël et un homme d'Etat dont l'engagement pour la sécurité et la recherche de la paix était fondé sur son inébranlable force morale et sur son indéfectible optimisme", a déclaré le président américain, Barack Obama, soulignant que Shimon Peres n'avait jamais cessé de croire en la possibilité de la paix.
L'ancien président américain Bill Clinton, qui supervisa en 1993 la signature à Washington des accords d'Oslo entre Israéliens et Palestiniens, a rendu hommage à "un génie au grand coeur", "un fervent avocat de la paix, de la réconciliation et d'un avenir dans lequel tous les enfants d'Abraham construiraient un meilleur lendemain".
"Je n'oublierai jamais combien il était heureux il y a 23 ans lorsqu'il a signé les accords d'Oslo sur la pelouse de la Maison Blanche, ouvrant une ère d'espoir dans les relations israélo-palestiniennes", s'est-il remémoré.
Le président français, François Hollande, a pour sa part estimé qu'"Israël perd un de ses hommes d'Etat les plus illustres, la paix un de ses plus ardents défenseurs, et la France un ami fidèle". "Shimon Peres appartient désormais à l'Histoire, qui a été la compagne de sa longue vie", a écrit François Hollande dans un communiqué.
Avec Shimon Peres, Israël perd un homme d'Etat illustre, la paix un ardent défenseur et la France un ami fidèle https://t.co/6dbaqggRXR
— François Hollande (@fhollande) 28 septembre 2016
Pour l'ex Premier ministre britannique Tony Blair, ancien émissaire du Quartette pour le Moyen-Orient, "Shimon Peres était un géant de la politique, un homme d'Etat qui restera comme l'un des plus grands de notre époque et de toutes les époques, et quelqu'un que j'aimais profondément".
Autre hommage, celui du Premier ministre canadien Justin Trudeau.
Shimon Peres était par-dessus tout un homme de paix. Mes plus sincères condoléances à ses proches et à la population d'Israël.
— Justin Trudeau (@JustinTrudeau) 28 septembre 2016
"Même dans les heures les plus difficiles, Shimon Peres est resté un optimiste, croyant aux chances de réconciliation et de paix", commente également sur Twitter Ban Ki Moon, le secrétaire général des Nations Unies.
Even in the most difficult hours, Peres remained an optimist about the prospects for reconciliation & peace. - BKM. https://t.co/iwuX2gQwWR pic.twitter.com/fN4yJKH0Jx
— UN Spokesperson (@UN_Spokesperson) 28 septembre 2016
Des réactions plus mitigées se font aussi entendre. A l'exemple de Leila Shahid. L'ancienne déléguée générale de l'Autorité palestinienne en France et ex-ambassadrice de la Palestine auprès de l'Union européenne, estime pour sa part, sur Franceinfo que "pour les Palestiniens, il restera l'homme qui n'a pas mis en œuvre les accords d'Oslo." Selon elle, il est "celui qui n'a pas su succéder à Yitzhak Rabin après son assassinat, celui qui a d'ailleurs perdu les élections face à Netanyahu et, pour cette raison-là, il a été décevant pour les partisans de la paix palestiniens mais aussi israéliens. Et puis surtout, l'homme qui a, au lieu de continuer à défendre le parti travailliste, a choisi d'aller avec Ariel Sharon."