Fil d'Ariane
Répartition des ministères, partage des postes clés et manœuvres de sabotage: les tractations pour former une coalition du « changement » visant à remplacer le Premier ministre, Benjamin Netanyahu, entrent, mardi 1er juin, dans leur phase finale en Israël, à la veille de la date-butoir.
Le marathon de négociations se poursuit entre les équipes des principaux dirigeants de la gauche, du centre et d'une partie de la droite, dont la formation "Yamina", de Naftali Bennett.
Le chef de file de la droite radicale est pressenti comme le successeur du poste dans le cadre d'une rotation au pouvoir. Dimanche 30 mai, il s’est rallié en dernière minute au centriste Yaïr Lapid.
Cette alliance détonante va de la gauche à son parti de droite, en passant par le soutien des députés arabes.
Ce mariage contre-nature s’est négocié au prix fort : le poste de Premier ministre en premier pour M. Bennett qui sera ensuite repris par Yaïr Lapid. C’est lui qui a été chargé par le président, Reuven Rivlin, début mai, de dégager une majorité de coalition pour sortir Israël de deux ans de crise politique.
L’échéance arrive à terme mercredi 2 juin à 23h59 locales. L’occasion de présenter le profil de ces deux hommes du "changement".
(Re)voir : Israël : une "coalition extravagante" en passe d'être formée
L’ancien conseiller de Benjamin Netanyahu, devenu son rival, a su mener sa barque. L'homme d'affaires de 49 ans, père de quatre enfants, qui a fait fortune dans la tech, est une figure du courant "nationaliste religieux."
Malgré une arrivée sur le tard dans le jeu politique, il a, depuis 2013, occupé cinq postes ministériels. Le dernier, celui de la Défense en 2020, l'a mené à organiser une spectaculaire mobilisation de l'armée pour gérer la crise lors du pic de la pandémie de coronavirus dans le pays.
Il n’y a jamais eu d’Etat Palestinien
Naftali Bennett, chef du parti "Yamina", qui estime qu'il n'y a pas d'occupation israélienne en CisJordanie
Présenté comme mort politiquement il y a deux ans, il a réuni à s’imposer comme « faiseur de rois » dans la prochaine coalition gouvernementale.
Après avoir servi dans la prestigieuse unité « Sayeret Matkal », à l’instar de son ex-mentor, il a pris, au début des années 2000, la posture du défenseur de la "start-up nation" avec son entreprise de cybersécurité Cyotta.
D’abord membre du Likoud, il prend par la suite la tête du Conseil de Yesha, principale organisation représentant les colons israéliens en Cisjordanie.
Ces derniers, séduits par ses sorties nationalistes, deviendront son fonds de commerce politique.
Il estime, par exemple, que l’occupation israélienne en CisJordanie n’existe pas car « il n’y a jamais eu d’Etat Palestinien ». A l’égard des prisonniers palestiniens, il avait déclaré que « les terroristes doivent être tués, pas libérés ». A l’Iran, il avait promis un « Vietnam » si la République islamique continuait, d’après lui, de s’implanter militairement en Syrie.
En 2012, il prend les rênes de la formation de droite, Foyer Juif, qui s'est ensuite greffé à d'autres micro-partis pour former "Yamina" (« A droite »).
Son parti politique prône l’ultralibéralisme, une ligne dure envers l’Iran et notamment une annexion de près des deux tiers de la CisJordanie. A titre personnel, il incarne un certain libéralisme des valeurs notamment sur la question LGBT.
A la tête du parti Yesh Atid ("Il y a un futur"), M. Lapid, 57 ans, est un personnage connu des Israéliens. Ancien présentateur vedette et très populaire du talk show le plus regardé du pays dans les années 2000, il représente la classe moyenne laïque à travers sa formation créée en 2012.
Il est le fils du défunt journaliste et ancien ministre de la Justice Tommy Lapid. Sa mère, Shoulamit, est un des maîtres du polar israélien, avec une série d'enquêtes mettant en scène une journaliste.
Il signe personnellement ses premiers textes pour le quotidien Maariv, puis décroche une chronique au Yedioth Aharonot, titre le plus vendu du pays.
L’homme est un touche-à-tout : il boxe en amateur, s'adonne aux arts martiaux, écrit des romans policiers et des séries télé, compose et interprète des chansons et joue même au cinéma. Il s’impose peu à peu comme l’incarnation de l’Israélien moyen.
Patriote, libéral, laïc, il a pour objectif de chasser « le roi Netanyahu » selon ses dires et à « briser les barrières qui divisent la société israélienne".
S’il parvient à réunir l’appui de 61 députés, cette coalition marquerait, la fin du règne de M. Netanyahu devenu Premier ministre il y a 25 ans, de 1996 à 1999, puis reconduit à ce poste en 2009. Soit le Premier ministre le plus pérenne de l’histoire du pays.
Pour l’heure, il dispose du soutien de 57 députés. Pour les quatre restant, il compte sur les partis arabes israéliens, qui devraient apporter leur soutien au gouvernement sans chercher de portefeuilles ministériels. Si M. Lapid présente son accord mercredi soir, il aura sept jours pour répartir les portefueilles et obtenir un vote de confiance du Parlement.
A la veille de l’échéance, il se veut prudent sur ses chances de succès. "Jusqu'à la formation du gouvernement, il y a encore beaucoup d'obstacles, a-t-il ainsi estimé. C'est notre premier test, pour voir si nous pouvons trouver des compromis intelligents et atteindre notre but le plus important."
(Re)voir : Israël : qui est Yaïr Lapid, chargé de former un gouvernement ?