Fil d'Ariane
La guerre entre Israël et le Hamas fait rage. Les États-Unis ont renouvelé leur appel à poursuivre les efforts vers la mise en place effective d'un État palestinien. Mais rares sont ceux qui s'attendent au succès d'une telle initiative après des décennies d'échec. Analyse.
Joe Biden le 3 novembre 2023.
Vendredi 3 novembre, le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken a effectué un nouveau déplacement en Israël. Au cours de sa visite officielle, le secrétaire d’État américain a affirmé à Tel-Aviv que la solution à deux États représentait "la meilleure voie, peut-être même la seule".
"C'est le seul moyen d'assurer une sécurité durable" à Israël et "la seule façon de garantir que les Palestiniens réalisent leurs aspirations légitimes à un Etat qui leur soit propre", a-t-il dit.
Avant de prendre la direction de la Jordanie pour assister à un sommet avec plusieurs pays arabes, Antony Blinken a appelé à la mise en place de "pauses humanitaires" permettant l'acheminement de l'aide internationale à Gaza. Une proposition aussitôt balayée par le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu.
L'administration du président Joe Biden a fait face à une pluie de critiques dans le monde arabe pour son soutien aux représailles d'Israël après l'attaque sanglante du Hamas le 7 octobre.
En réponse, la position des États-Unis a connu un changement subtil de ton ces derniers jours. Plusieurs responsables américains ont notamment rappelé avec insistance le besoin de minimiser l'impact du conflit sur les civils palestiniens.
Pour Brian Katulis, chercheur à l'Institut du Moyen-Orient à Washington, l'appel à une solution à deux États lancé par Washington représente un signal que "nous ne nous enfonçons pas dans un tunnel ténébreux sans lumière au bout". "Aussi irréaliste que cela puisse sembler à court terme, il est important de continuer à le dire, si ce n'est que pour envoyer le message aux acteurs de la région (...) de notre réengagement à un certain horizon", comportant "au moins une idée d'un avenir différent", estime-t-il.
Appeler à une solution à deux États ne signifie pas qu'il y aura un État palestinien.
"Appeler à une solution à deux États ne signifie pas que c'est l'objectif établi et qu'il y aura un État palestinien après cela", a affirmé un diplomate basé à Washington, travaillant pour un allié des États-Unis. "C'est plus que les Américains veulent forcer le début d'une conversation sur ce qui vient après", a-t-il ajouté, sous couvert de l'anonymat.
En Israël, au moins 1.400 personnes ont été tuées selon les autorités depuis le début de la guerre, en majorité des civils le jour même de l'attaque sans précédent du Hamas. Dans la bande de Gaza, les bombardements israéliens incessants, opérés en représailles, ont fait plus de 9.227 morts, dont 3.826 enfants, selon le ministère de la Santé du Hamas.
Bien avant les attaques du 7 octobre, le soutien à la mise en place effective d'un Etat palestinien semblait s'évaporer petit à petit. Un sondage mené plus tôt cette année par le Pew Research Center avançait que 35% des Israéliens estimaient que leur pays pouvait coexister pacifiquement avec un Etat palestinien indépendant, soit une chute de 15 points par rapport à il y a dix ans. Une chute similaire a été observée du côté palestinien.
Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu est un farouche opposant à l'idée d'un Etat palestinien. Depuis plusieurs mois, il se trouve à la tête du gouvernement le plus à droite de l'histoire du pays.
Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu assiste à une conférence de presse avec le ministre de la Défense Yoav Gallant et le ministre Benny Gantz. Base militaire de Kirya à Tel Aviv, Israël - 29 octobre 2023.
Quelques semaines avant les attaques du Hamas, Benjamin Netanyahu avait affirmé à la tribune de l'ONU que l'idée d'une solution à deux États appartenait au passé, tandis que le futur était celui de la normalisation des relations d'Israël avec les États arabes. Une perspective qui s'est également assombrie depuis le 7 octobre.
Dans une tribune publiée après ces attaques, Anthony Cordesman, chercheur au Center for Strategic and International Studies, note que chaque tentative précédente d'aller vers une solution à deux États a en réalité mené à de nouveaux épisodes de violences ou de tensions. Le conflit actuel montre qu'une "solution à deux États n'est peut-être pas totalement enterrée mais tellement proche d'être défunte que chaque tentative de la ressusciter ne s'apparente à rien d'autre que de la diplomatie zombie", écrit-il.
Pourtant, Brian Katulis, qui a travaillé dans les Territoires palestiniens après les accords d'Oslo, estime qu'il n'existe pas réellement d'alternative, mettant en doute la possibilité qu'Israéliens et Palestiniens puissent coexister dans un même Etat. "Aussi irréaliste que puisse sembler l'idée d'une solution à deux États pour certains, c'est sûrement l'option la plus réaliste", affirme-t-il.