Une roquette tirée de la bande de Gaza a explosé ce matin mardi 26 février 2013, sans faire de blessé. Elle a été revendiquée par un groupe armé issu du mouvement Fatah affirmant qu'il s'agissait de "représailles" à la mort samedi 23 février 2013 d'un Palestinien détenu par Israël. Pour certains experts, toutes les conditions sont réunies pour déclencher une troisième "guerre des pierres".
Pour la première fois depuis l'opération israélienne dans le territoire palestinien et les trois mois de trêve qui l'ont suivie, une roquette a été tirée en Israël de la bande de Gaza. Elle a explosé près d'Ashkelon, dans le sud du pays, sans faire aucun blessé. Le tir a rapidement été revendiqué par les Brigades des martyrs d'Al-Aqsa, un groupe armé issu du Fatah, le parti de Yasser Arafat et de l'actuel président palestinien Mahmoud Abbas. La veille du tir, lundi 25 février, les Brigades avaient promis de venger la mort d'Arafat Jaradat, un membre de leur organisation décédé le samedi 23 février 2013 dans les geôles israéliennes. C'est donc "A titre de première riposte à l'assassinat du prisonnier héroïque Arafat Jaradat" que les Brigades des martyrs d'Al-Aqsa ont revendiqué le tir dans un communiqué. Agé de 30 ans et père de deux enfants, Arafat Jaradat avait été arrêté le 18 février 2013 à la suite d'incidents près de la colonie juive de Kiryat Arba, dans le sud de la Cisjordanie occupée. Selon Abdel Nasser Ferwana, un responsable du Ministère des prisonniers palestiniens, Arafat Jaradat aurait été soumis à des interrogatoires du 19 au 22 février dans le centre de détention de Jalama, puis transféré à la prison de Megiddo où il est décédé samedi 23 février en début d'après-midi.
Arafat Jaradat assassiné?
Des Palestiniens portent le corps du détenu Arafat Jaradat le 24 février 2013 à Hébron (Photo AFP/Hazem Bader)
Les résultats de l'autopsie, à laquelle a participé un médecin-légiste palestinien, "prouvent qu'Israël l'a assassiné" a déclaré Issa Qaraqaë, le ministre palestinien des prisonniers, lors d'une conférence de presse organisée dès le dimanche 24 février à Ramallah. Pour l'Autorité palestinienne, il n y a aucun doute, Arafat Jaradat est décédé à la suite de "tortures". Le porte-parole du Hamas, au pouvoir à Gaza, Sami Abou Zouhri, a d'ailleurs affirmé quelques heures après que la roquette ait explosé en Israël que "l'occupant portait la responsabilité du meurtre d'Arafat Jaradat et de toutes les conséquences qui en découlent." Pourtant, Israël dément fermement toute responsabilité dans la mort de son prisonnier. La porte-parole de l'administration pénitentiaire israélienne Sivan Weizman a d'abord indiqué qu'il s'agissait probablement d'une "crise cardiaque" pour laisser ensuite la parole aux services secrets israéliens qui se sont contentés d'évoquer un "malaise". La mort d'Arafat Jaradat intervient alors qu'onze prisonniers palestiniens ont entamé une grève de la faim, pour protester contre leurs conditions de détention. Des manifestations de soutien se sont multipliées en Cisjordanie, où des milliers de Palestiniens avaient manifesté leur solidarité avec leurs compatriotes détenus. Mardi 19 février, ils avaient observé une grève de la faim d'une journée en leur honneur, ce qu'ils ont renouvelé dimanche 25 pour protester cette fois contre la mort d'Arafat Jaradat.
Les obsèques d'Arafat Jaradat en images
25.02.2013Récit : R.Vincent, Montage : M.Pidoux de la Maduère
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Une situation explosive
Heurts entre forces de sécurité israéliennes et manifestants palestiniens, le 25 février 2013 à Hébron (Photo AFP/Hazem Bader)
La question que se posent certains observateurs sur place : la mort d'Arafat Jaradat sera-t-elle l'étincelle responsable d'une troisième Intifada ? La situation est en effet explosive. L'Autorité autonome de Mahmoud Abbas subit une crise économique et financière catastrophique. Actuellement, seule la moitié des salaires de janvier a été payée aux employés administratifs, fonctionnaires, enseignants, médecins, personnel hospitalier et surtout, forces de sécurité. "Combien de temps avant que les jeunes policiers palestiniens, à qui on demande de s'interposer entre manifestants et forces israéliennes, arrêtent d'obéir aux ordres? Combien de temps avant que ces jeunes policiers palestiniens non payés et accusés de traitrise par la population décident de rendre l'uniforme?" s'interroge Emilie Baujard, journaliste spécialisée sur le conflit israélo-palestinien sur son blog. Une inquiétude que partage Charles Enderlin, correspondant de France 2 à Jérusalem dans un article intitulé "Intifada 3?" La crise économique et financière que subit l'Autorité palestinienne à cause de "l'arrêt des transferts effectués par les donateurs traditionnels" autant de la part des Etats-Unis que de la Ligue arabe alarme tout particulièrement Israël. "Craignant un effondrement du système sécuritaire palestinien, indispensable au maintien du calme dans la région, Benjamin Netanyahu a ordonné le déblocage de cent millions de dollars et leur transfert à l'Autorité. Il s'agit des sommes provenant de la collecte des taxes douanières et de la TVA pour le compte des palestiniens et qu'Israël retenait en représailles à la dernière initiative d'Abbas à l'ONU." Contacté par TV5 monde, Charles Enderlin confirme qu'il y a en ce moment "une profonde grogne, un profond malaise mais pas encore l'étincelle. Il y a des heurts quotidiens, des accrochages en ce moment même du côté de Hébron entre l'armée israélienne et des jeunes palestiniens, mais on est encore loin d'un soulèvement généralisé. Il y a des régions entières en Cisjordanie qui sont absolument calmes."
Un retour au calme est-il possible ?
Le président israélien Shimon Peres (Photo AFP/Andreas Lazarou)
"L'Autorité palestinienne comprend que revenir à la violence constituerait une catastrophe, c'est d'ailleurs ce que disent ses dirigeants, nous devons agir ensemble pour ramener le calme" a déclaré le président israélien Shimon Peres mardi 26 février. Une injonction au calme qu'avait déjà formulé son Premier ministre Benjamin Netanyahu au cours du week-end. "Les Israéliens veulent le chaos, nous le savons, mais nous ne les laisserons pas faire" avait répondu le président palestinien Mahmoud Abbas, lors d'un discours à Ramallah le lundi 25 février. "Nous voulons la paix et la liberté pour nos prisonniers et nous ne nous laisserons pas entrainer dans leurs manœuvres, malgré leurs tentatives" avait-il ajouté. Charles Enderlin témoigne à cet égard du "profond malaise qui règne au sein de l'autorité palestinienne", résultat de "la crise fiscale, qui est gravissime, la construction qui se poursuit à un rythme accéléré dans les colonies israéliennes et réduit le territoire palestinien comme une peau de chagrin, l'affaire des détenus palestiniens(...) il y a une colère qui gronde sur fond de crise économique et sociale, mais aussi politique en raison du gel total du processus de paix". Le correspondant insiste aussi sur le fait que "l'autorité palestinienne ne peut rétablir le calme que dans les villes autonomes qu'elle contrôle c'est à dire 5,6,7% du territoire palestinien, pas plus. Ce qui se passe à l'extérieur de ces villes, la police palestinienne n'y a pas accès, selon les accords". Charles Enderlin espère que les 100 millions de dollars promis par Benjamin Netanyahu pourront "alléger le fardeau financier de l'Autorité palestinienne, ça permettra peut être de payer les salaires du mois de janvier..."