Italie : démission du Premier ministre Mario Draghi

Le Premier ministre italien Mario Draghi a annoncé en conseil des ministres sa démission ce 14 juillet dans la soirée. Une démission qui a été refusée par le Président de la République Mattarella.
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Mario Draghi
Mario Draghi, le 4 juillet, à Canazei, rendant hommage aux victimes de l'avalanche dans le massif des Dolomites. Le Premier ministre italien a remis sa démission au Président de la République ce soir, qui l'a refusée.
© AP Photo/Luca Bruno
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"Je veux vous annoncer que ce soir je remettrai ma démission au président de la République" Sergio Mattarella, a déclaré le Premier ministre italien ce 14 juillet en conseil des ministres.

Cette annonce est intervenue après la décision du Mouvement 5 Etoiles (M5S, antisystème), membre de la coalition au pouvoir, de boycotter ce 14 juillet après-midi un vote de confiance au Sénat.
 "La majorité d'unité nationale qui a soutenu ce gouvernement depuis sa création n'existe plus. Le pacte de confiance fondant l'action de ce gouvernement a disparu", a expliqué Mario Draghi. La coalition soutenant le Premier ministre rassemblait jusqu'ici toutes les forces politiques représentées au parlement, à l'exception du parti d'extrême droite Fratelli d'Italia.

Majorité théorique

Mario Draghi dispose donc théoriquement d'une majorité pour gouverner même sans les 5 Etoiles, mais l'ex-patron de la Banque centrale européenne avait affirmé à plusieurs reprises qu'il n'y aurait pas de gouvernement sans eux.

Il était en effet arrivé aux affaires début 2021 pour constituer une coalition d'"unité nationale" susceptible de surmonter l'urgence pandémique et la crise économique qui s'est ensuivie. Hormis le parti Fratelli d'Italia de Georgia Meloni (extrême droite), les principales formations représentées au parlement sont entrées dans la coalition, du centre-gauche (Parti démocrate, Italia Viva) à la Ligue (extrême droite, anti-immigration), en passant par le parti de Silvio Berlusconi Forza Italia (centre droit), et le Mouvement 5 Etoiles.

Frictions avec le M5S

Mais les frictions n'ont pas cessé avec le M5S, que ce soit à l'intérieur du parti ou au sein du gouvernement.

Et conformément à l'annonce faite le 13 juillet au soir par Giuseppe Conte, prédécesseur de Mario Draghi et actuel patron du M5S, les sénateurs de son parti n'ont pas participé au vote de confiance demandé par l'exécutif sur un décret-loi contenant des mesures d'environ 23 milliards d'euros pour aider les familles et les entreprises face à l'inflation.

Or, sans le soutien des M5S, Mario Draghi considère que son gouvernement devient "politique" et estime n'avoir pas été mandaté pour conduire un cabinet de cette nature, alors même qu'il n'a pas besoin de leurs voix, ni à la Chambre des députés, ni au Sénat.

"Depuis mon discours d'investiture au parlement j'ai toujours dit que ce gouvernement aurait continué seulement s'il avait une perspective claire de réaliser le programme de gouvernement sur lequel les forces politiques avaient voté la confiance (...) Ces conditions n'existent plus aujourd'hui", a-t-il justifié ce 14 juillet.

Mais le président Mattarella vient de refuser sa démission, probablement pour éviter d’avancer les législatives prévue en 2023.
 

Blocage sur le décret-loi d'aides au pouvoir d'achat

Les M5S sont opposés à une mesure contenue dans le décret-loi sur les aides en faveur du pouvoir d'achat, une aide budgétaire pour faciliter la construction d'un incinérateur d'ordures à Rome.

"Il faut répondre au malaise social qui augmente de manière claire et décidée. Les irresponsables, ce n'est pas nous, ce sont ceux qui ne donnent pas de réponse au pays", a plaidé Mariolina Castellone, cheffe des sénateurs du M5S, au Sénat ce 14 juillet.

Mais le mouvement a aussi, voire surtout, des arrière-pensées électoralistes, selon les analystes.

Un M5S en quête de popularité

"Le M5S s'écroule dans les sondages et a besoin de récupérer de la visibilité (...). Il veut être au centre de l'attention", a expliqué à l'AFP Lorenzo Codogno, ancien économiste en chef du Trésor italien et professeur invité à la London School of Economics.
 

Le M5S, vainqueur des dernières élections législatives, en 2018, avec 32% des voix et une majorité relative au Parlement, n'a cessé depuis de dégringoler dans les intentions de vote, aujourd'hui à 10%-11%, et nombre de ses élus l'ont quitté depuis.
Un tiers de ses députés, environ 50, a fait scission et a suivi l'ancien chef du M5S, l'actuel ministre des Affaires étrangères Luigi Di Maio, qui a récemment créé son propre parti, Ensemble pour l'avenir (IPF).

Chute des cours à la bourse

L'incertitude régnant sur l'avenir du gouvernement Draghi n'a pas manqué de causer des turbulences sur les marchés: la Bourse de Milan a chuté de plus de 3% ce 14 juillet en fin de journée, et le coût de la dette de l'Italie est reparti à la hausse, signe de la nervosité ambiante.

Le spread, le très surveillé écart entre les taux d'intérêt allemand et italien à dix ans, a atteint 218 points, en hausse de 6,08%, après être monté jusqu'à 224 points.