Fil d'Ariane
Cette Romaine de 45 ans, qui est parvenue à "dédiaboliser" son parti pour arriver au pouvoir exactement un siècle après Mussolini, doit être reçue avec ses alliés dans la matinée par le président de la République Sergio Mattarella dans le cadre des consultations précédant la nomination d'un gouvernement.
Ces consultations, entamées jeudi et qui s'achèvent à la mi-journée, devraient aboutir à la nomination attendue de Giorgia Meloni, dont la coalition dominée par l'extrême droite dispose de la majorité absolue tant à la Chambre des députés qu'au Sénat.
"Nous sommes prêts à donner à l'Italie un gouvernement qui affronte les urgences et les défis de notre temps avec conscience et compétence", a tweeté jeudi soir Giorgia Meloni.
Domani, insieme a tutta la coalizione del centrodestra, saliremo al @Quirinale per le #consultazioni con il Presidente della Repubblica #Mattarella. Siamo pronti a dare all'Italia un Governo che affronti con consapevolezza e competenza le urgenze e le sfide del nostro tempo. pic.twitter.com/GZzxDKzz4l
— Giorgia Meloni ن (@GiorgiaMeloni) October 20, 2022
Au moment où la troisième économie de la zone euro affronte comme ses voisins une situation économique difficile due à la crise énergétique et à l'inflation, sa tâche s'annonce ardue, d'autant qu'elle devra gérer deux alliés turbulents: Matteo Salvini, le dirigeant populiste de la Ligue antimigrants, et Silvio Berlusconi, le chef déclinant de Forza Italia.
Les deux hommes renâclent à accepter l'autorité de Giorgia Meloni dont le parti a remporté 26% des voix aux élections du 25 septembre, contre seulement 8% pour Forza Italia et 9% pour la Ligue.
Avant même la nomination de Giorgia Meloni, les médias de la péninsule se sont fait l'écho des multiples passes d'armes entre les trois dirigeants sur la répartition des postes au Parlement et au sein du futur gouvernement.
Elle-même atlantiste et favorable au soutien à l'Ukraine face à la Russie, elle a dû affronter cette semaine les propos polémiques de Silvio Berlusconi, qui a affirmé avoir "renoué" avec Vladimir Poutine et imputé à Kiev la responsabilité de la guerre.
Des déclarations du plus mauvais effet alors que l'arrivée au pouvoir de cette coalition à dominante eurosceptique est suivie de près par les chancelleries. Giorgia Meloni s'est sentie obligée de rectifier le tir mercredi en affirmant que l'Italie fait "pleinement partie et la tête haute" de l'Europe et de l'Otan.
La composition de son gouvernement devrait, elle aussi, refléter ce désir de rassurer les partenaires de Rome. L'ancien président du Parlement européen Antonio Tajani, membre de Forza Italia, est donné favori pour les Affaires étrangères, et Giancarlo Giorgetti, un représentant de l'aile modérée de la Ligue déjà ministre dans le gouvernement sortant de Mario Draghi, tient la corde pour l'Economie.Oratrice de talent, Giorgia Meloni, une chrétienne conservatrice hostile aux droits LGBT+ ayant pour devise "Dieu, patrie, famille", a cependant promis de ne pas toucher à la loi autorisant l'avortement.
Giorgia Meloni et ses ministres pourraient prêter serment dès ce week-end devant le président de la République avant de s'attaquer aux nombreux défis qui les attendent.
L'inflation dans la péninsule a augmenté en septembre de 8,9% sur un an et l'Italie risque d'entrer en récession technique l'an prochain, au côté de l'Allemagne. Les marges de manœuvre sont limitées par une dette colossale représentant 150% du produit intérieur brut (PIB), le ratio le plus élevé de la zone euro après la Grèce.
Eurosceptique, Giorgia Meloni a renoncé à militer pour une sortie de l'euro, mais elle a promis de défendre davantage les intérêts de son pays à Bruxelles. Et ce alors que la croissance dépend de près de 200 milliards d'euros de subventions et de prêts accordés par l'Union européenne dans le cadre de son fonds de relance post-pandémie.
Coincée entre le marteau de ses "alliés" et l'enclume de Bruxelles et des marchés, Giorgia Meloni paraît déjà sur le fil du rasoir avant même d'avoir pris ses fonctions, presque une tradition dans un pays connu pour son instabilité gouvernementale chronique.