Italie : le plan antisismique en question

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Clocher Amatrice
A Amatrice, l'horloge du clocher est restée bloquée à l'heure du tremblement de terre. 
Vigili del Fuoco via AP
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Alors que les secours tentent de venir en aide aux survivants du puissant séisme qui a fait plus de 270 morts dans le centre de l’Italie, le président du Conseil, Matteo Renzi, appelle à mettre en place un nouveau modèle de prévention. Un discours que les Italiens sont tristement habitués à entendre après chaque catastrophe sismique.
En 2009, le tremblement de terre de l’Aquila a tué plus de 300 personnes. Située dans les zones montagneuses des Apennins, cette ville de plus de 72 000 habitants se trouve dans une zone hautement sismique. Ce séisme qui, par ailleurs, avait causé de lourdes pertes patrimoniales, a traumatisé l’Italie. 
 
Des scientifiques italiens ont été condamnés, avant d'être acquittés en appel en 2014, à six ans de prison en première instance pour avoir sous-estimé les risques d'un séisme dans cette ville. Cette condamnation, ainsi qu'un rapport indépendant, ont révélé la vulnérabilité du bâti vis-à-vis des tremblements de terre, les défaillances dans l’organisation des secours et la gestion de crise ; puis les difficultés à reloger les populations touchées à court, moyen et long termes. 

Ces conclusions résonnaient comme un « plus jamais ». Et pourtant. Au petit matin du 24 août, un puissant séisme de magnitude 6,2 a de nouveau frappé le centre de l’Italie. A ce jour, le bilan est de plus de 270 morts, 387 blessés, et il est encore impossible d’établir le nombre de disparus. Contrairement à 2009, cette fois, ce sont des villages qui sont le plus touchés : Pescara del Tronto (Marches), Accumoli et Amatrice (Latium).

Amatrice, symbole de la destruction

Parmi ces localités, Amatrice - le village aux cent églises- est désormais le symbole de la destruction. L'un des plus beaux villages d’Italie, selon le Ministère de la culture, n'est plus que décombres et désolation. Ici, dans le centre de l’Italie, un tremblement de terre n’a rien d’inattendu.  « Il s'agit d'un séisme typique de la région », explique Pascal Bernard, sismologue à l’Institut de physique du globe de Paris, interrogé par Le Monde« Toute la chaîne de montagnes des Apennins, qui parcourent sur mille kilomètres l’Italie du nord au sud, est en train de s’étirer », ajoute-t-il. Déjà, les Italiens de l’époque médiévale écrivaient sur les mouvements telluriques qui secouent la région, rappelle The Washington Post.

Les habitants de ces communes priaient donc pour que « ça tienne ». D’autant que des bâtisses centenaires faisaient le charme de ce village médiéval. Mais ça n’a pas tenu. Ce qui étonne la population, encore abasourdie, c’est qu’une école « rénovée en 2012 pour l’adapter aux normes antisismiques, a été réduite à l’état de décombres mercredi », note également Le Monde.

Des bâtiments récents endommagés

Une enquête a été ouverte par le procureur de Rieti, ville proche du lieu de la catastrophe, pour évaluer d’éventuelles malversations à Amatrice et dans les villages concernés. D’autres établissements scolaires récents sont également endommagés, selon La Repubblica. « Le début de l’année scolaire est compromis », ajoute le quotidien italien. La structure d’un hôpital d’Amatrice est également mise en cause, note Il Tempo

Ecole Amatrice
On aperçoit une salle de cours dans une école détruite à Amatrice, une des localités les plus touchées. 
AP Photo/Antonio Calanni
Nous devons changer de mentalité
Matteo Renzi

Le président du Conseil italien est le premier à dénoncer ces irrégularités : « Nous sommes les meilleurs pour gérer les situations d’urgence, mais cela ne suffit pas. Nous devons changer de mentalité. Nous avons besoin d’un nouveau modèle de développement, mais aussi de prévention ».  Matteo Renzi fait référence à de nombreux villages italiens « très beaux, mais qui risquent beaucoup plus »

Flavia Perina du site d’information Linkiesta répond au chef du gouvernement italien: « Les fonds alloués à la prévention du risque sismique ont fondu de 145 millions d’euros en 2015 à 44 millions aujourd’hui ». Les plans d'austérité successifs sont en cause. Et « les fonds publics et privés [qui restent] sont tous investis dans des périphéries modernes sans âme ni beauté ».
 
Le séisme d’Aquila avait montré « qu’une construction de qualité respectant les règles parasismiques en vigueur permettait de garantir un bon comportement structural avec une certaine marge de sécurité. Au contraire, les bâtiments ne respectant pas une qualité minimale de béton sont presque systématiquement détruits ou fortement endommagés », écrit le Ministère de l’écologie français

Avant après Amatrice
Des images de satellite de DigitalGlobe montrent l'ampleur de la destruction à Amatrice. 
DigitalGlobe via AP
« L’Italie est bon dernier de la classe européenne avec 1,1 % de son budget dédié à la culture » alors que le pays compte 49 sites inscrits au patrimoine mondial de l’Unesco, selon l’Opinion. Le tremblement de terre du 24 août a endommagé ou détruit 293 bâtiments historiques, selon le ministère italien de la Culture.
 
Eglise détruite
Une église endommagée à Accumuli, le 26 août 2016. 

Il serait inexact d'affirmer qu’aucune leçon n’a été retenue depuis 2009. « Plusieurs programmes de reconstruction de logements intégrant toutes les normes parasismiques ont été menés sur le territoire de l'Aquila après le séisme (maisons individuelles légères et immeubles d'habitations collectives), souligne le ministère de l’environnement français. Le séisme a conduit à une révision plus sécuritaire en matière d’évaluation de la sismicité locale ». Mais il est encore tôt pour dire que tout a été fait pour éviter l'effondrement des trois communes.

Le gouvernement italien a proclamé l’état d’urgence dans les régions concernées. Il a également promis la mise en œuvre d’un plan de prévention des séismes dans la péninsule et débloqué une première aide de 50 millions d’euros. 
 
Matteo Renzi a également promis que les villages ravagés par le tremblement de terre seraient reconstruits. Et des efforts seraient faits pour mieux protéger les bâtiments et infrastructures des catastrophes naturelles. Le gouvernement Renzi et ses successeurs ont un délai à tenir. « Un tremblement de terre de niveau 6 survient tous les quinze ans », précise Linkiesta