Fil d'Ariane
En 2018, le parti s’est contenté d’un peu plus de 4% des voix. Désormais, la formation politique est créditée de 24% des intentions de vote. Giorgia Meloni, présidente du parti post-fasciste Fratelli d’Italia (FDI), est donnée favorite aux élections du 25 septembre. Elle incarne un mouvement à l’ADN post-fasciste qu’elle s’efforce de « dédiaboliser » pour accéder au pouvoir.
Autrefois, FDI était un petit parti d’appoint situé à la droite de la Ligue de Matteo Salvini. Désormais, les rôles sont inversés. Celui qui jouait les faiseurs de roi n’est plus qu’aujourd’hui une force adjuvante au sein de la coalition de la droite et de l’extrême-droite dominée par FDI. Si Giorgia Meloni est élue, elle gouvernera avec le parti de Salvini (qui récolte entre 12% et 14% des intentions de vote) et Forza Italia (7%-9%), le parti de Silvio Berlusconi. Au total, la coalition cumule entre 46% et 48% des intentions de vote pour le 25 septembre.
Le parti Fratelli d’Italia est né en 2012 des cendres du Mouvement social italien (MSI). Ce parti néo-fasciste, fondé par d’anciens fidèles de Mussolini en 1946 après la chute de la République sociale d'Italie (régime de Bénito Mussolini dans le nord de l'Italie de 1943 à 1945), a été un acteur majeur de la politique italienne pendant 50 ans. Il s’est auto-dissout le 27 janvier 1995. Fratelli d’Italia a repris son emblème, la flamme tricolore. À 19 ans, Giorgia Meloni affirme à la chaîne de télévision française France 3 que Benito Mussolini était un « bon politicien. »
Finalement, les Italiens sont dans un tel désarroi que le profil de ce parti ne semble pas faire peur plus que ça.Ludmila Acone, spécialiste de l'Italie contemporaine
Si elle doit ménager une frange de sa base qui se réclame de ce parti-là, elle sait aussi que pour remporter les élections, elle doit rassurer l’aile modérée de sa famille politique. Dans un entretien au magazine britannique The Spectator, elle se défend en disant que « si j’étais fasciste, je dirais que je suis fasciste. »
« Mais à l’heure actuelle, la question du spectre de Mussolini n’est vraiment pas au centre de la campagne électorale », temporise Ludmila Acone, spécialiste de l’Italie contemporaine. « Finalement, les Italiens sont dans un tel désarroi que le profil de ce parti ne semble pas faire peur plus que ça », ajoute-t-elle.
Mais selon le quotidien de centre gauche italien La Repubblica, son récit est « contredit par les faits. » Le journal pointe du doigt une partie de l’entourage de la base du parti, restée sensible à ses racines. Dans un exercice consommé ‘équilibriste, Giorgia Meloni reconnaît encore aujourd’hui à Mussolini d’avoir « beaucoup accompli », sans l’exonérer de ses « erreurs » : les lois antijuives, l’entrée en guerre, l’autoritarisme. Elle se clarifie en disant que dans ses rangs, « il n’y a pas de place pour les nostalgiques du fascisme, ni pour le racisme et l’antisémitisme. »
La FDI a fait le pari d’être le seul parti à refuser de soutenir le gouvernement sortant d’unité nationale de Mario Draghi. En 2021, lorsque Mario Dragui, alors premier ministre, forme une grande coalition gouvernementale, Giorgia Meloni fait le choix de rester en dehors. Cela a permis à la FDI d’acquérir un statut d’outsider, qui a attiré de nombreux électeurs mécontents du gouvernement. « Le fait de ne pas être assimilée au pouvoir en place semble lui porter chance », analyse la spécialiste de l’Italie contemporaine Ludmila Acone. Selon Sofia Ventura, politologue à l’université de Bologne, la FDI « n’est pas vraiment perçue comme un parti post-fasciste mais plutôt comme un parti de protestation. » Pour faire leur choix dans les urnes, « la plupart de l’opinion publique italienne ne regarde pas l’aspect post-fasciste, mais plutôt l’aspect anti-système », analyse-t-elle sur le plateau du Journal International de TV5MONDE.
L’héritage de la résistance et de l’antifascisme porté par certains partis de gauche a un peu faibli.Ludmila Acone, spécialiste de l'Italie contemporaine
« D’un côté, les Italiens sont très perdus par rapport à la situation immédiate, à la fois économique énergétique et sociale », estime Ludmila Acone. Pour elle, cela montre aussi que « l’héritage de la résistance et de l’antifascisme porté par certains partis de gauche a un peu faibli. » Elle note que « les partis qui incarnent ces idées de résistance n’ont pas toujours été à la hauteur d’un point de vue économique et social et ont un peu déçu des électeurs qui auraient pu se rapprocher d’eux. »
D’un côté, il y a la perception d’une incapacité à gouverner et de l’autre, de vrais problèmes de société.Sofia Ventura, politologue à l'université de Bologne
Sofia Ventura considère que Giorgia Meloni « a su exploiter le malaise Italien pour en faire sa force. » La politologue explique que depuis la crise de 2008, « Il y’a un problème pour la classe moyenne : perte de travail, du niveau de salaire, les nouveaux boulots ne sont pas protégés par les syndicats… » et que tout cela créé un malaise, accentué par les crises plus récentes du Covid-19 et de l’inflation liée à la guerre en Ukraine.
Ainsi, « l’opinion publique est convaincue que ceux qui ont gouverné n’ont pas été capables de réagir de manière efficace à toutes ces crises. » « D’un côté, il y a la perception d’une incapacité à gouverner et de l’autre, de vrais problèmes de société », résume-t-elle.