Fil d'Ariane
Longtemps cantonné au rôle de trublion infréquentable de l'extrême droite, Itamar Ben Gvir est devenu une figure incontournable de la politique en Israël au point de s'imposer comme la clé de voûte d'un gouvernement de droite mené par le Premier ministre Benjamin Netanyahu. Il est à la tête de Otzma Yehudit, "Force juive", un des trois partis issus du sionisme religieux.
Avocat de formation, Itamar Ben Gvir est devenu député en avril 2021, après des années à militer au sein de l'extrême droite.
Ce père de six enfants, qui vit dans une colonie parmi les plus radicales de Cisjordanie occupée, défend l'annexion par Israël de ce territoire où vivent 2,9 millions de Palestiniens.
Il prône également le transfert d'une partie de la population arabe d'Israël, jugée déloyale, vers les pays voisins, et ne craint jamais de se rendre là où les tensions sont les plus fortes, mettant, selon ses détracteurs, le feu aux poudres.
À Jérusalem-Est, il clame "Vive le peuple d'Israël" sur l'esplanade des Mosquées, appelé Mont du Temple dans la tradition juive, épicentre des tensions. En mai 2021, alors que des violences dans le quartier de Cheikh Jarrah, où des familles palestiniennes sont menacées d'expulsion, sont le prélude à un embrasement, il y établit son bureau parlementaire en soutien aux colons.
Mi-octobre 2022, alors que des heurts y opposent à nouveau colons, forces israéliennes et Palestiniens, il s'y rend, sort une arme devant tous, avant de la ranger.
Le lendemain, ce père de 46 ans publie sur Twitter une photo de lui tout sourire avec deux de ses enfants, fusils en plastique en main, avec pour légende: "Après les émeutes (...) j'apprends aux enfants comment se conduire avec les terroristes".
Né en banlieue de Jérusalem de parents séfarades, Itamar Ben Gvir puise son idéologie anti-arabe dans celle du rabbin extrémiste Meir Kahane, dont le mouvement Kach a été banni en Israël après l'assassinat en 1994 de 29 Palestiniens en train de prier à Hébron, en Cisjordanie, par un de ses sympathisants, Baruch Goldstein.
Itamar Ben Gvir, qui a milité dans Kach, a longtemps eu un portrait de Goldstein dans son salon mais dit avoir pris quelques distances depuis.
"J'ai changé (...) je disais il y a 20 ans qu'il fallait expulser tous les Arabes, je ne le pense plus, mais je ne vais pas m'excuser", dit-il dans un entretien à l'AFP à Tel-Aviv. "Je viens sauver le pays; je suis en guerre contre les djihadistes et ceux qui veulent attaquer le pays".
C'est un démagogue qui s'alimente de la peur, de la frustration et de la colère.
Yossi Klein Halevi, chercheur, à propos d'Itamar Ben Gvir.
"Les gens veulent marcher sans risque dans la rue (...) les gens veulent faire une distinction claire entre ceux qui sont loyaux à l'Etat d'Israël --nous n'avons pas de problème avec eux-- et ceux qui agissent pour saper l'existence de notre cher pays", a-t-il encore déclaré fin octobre 2022.
"Ben Gvir a réussi à faire croire qu'il est désormais sinon modéré, au moins un extrémiste plus respectable, ce qu'il n'est pas", affirme Yossi Klein Halevi, chercheur à l'institut Shalom Hartman. "C'est un démagogue qui s'alimente de la peur, de la frustration et de la colère".
Inculpé des dizaines de fois depuis son adolescence pour incitation à la haine ou des violences, le député, également connu pour ses positions anti-LGBTQ, se vante d'avoir été innocenté dans 46 cas. C'est sur la recommandation des juges qu'il a entrepris des études de droit, pour se défendre lui-même, se targue-t-il.
Mais quand il ne vocifère pas, l'homme au visage mafflu apparaît presque affable, du genre que "les journalistes adorent interviewer", relève M. Klein Halevi. "Il trouve toujours une bonne citation".
En se rendant ce mardi 3 janvier 2023 sur le site ultra-sensible, Itamar Ben Gvir prend le risque d'électriser encore davantage une situation déjà très tendue.
Le 28 septembre 2000, la visite sur l'esplanade d'Ariel Sharon, alors leader de l'opposition de droite israélienne, avait été perçue comme une provocation par les Palestiniens. Le lendemain, des heurts sanglants ont opposé Palestiniens et policiers israéliens qui ont tué sept manifestants par balle, marquant le début de la seconde Intifada, ou soulèvement palestinien contre l'occupation israélienne, après celle de 1987-1993.