Jacques Delors, architecte de l'Europe, est mort à 98 ans

L'ancien président de la Commission européenne, père de l'euro et figure de la gauche française, Jacques Delors, est décédé mercredi à 98 ans.

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Jacques Delors

Jacques Delors en 1987, alors président de la Commission européenne.

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"Il est décédé ce matin (mercredi) à son domicile parisien dans son sommeil". C'est sa fille, Martine Aubry, la maire socialiste de Lille qui a annoncé la mort de l'ancien homme d'Etat par communiqué à l'AFP.

Un homme du syndicalisme

Né en 1925 à Paris, Jacques Delors est issu dans une famille catholique pratiquante. Titulaire d'une licence de droit, il travaille ensuite à la Banque de France comme rédacteur. Bon connaisseur du dialogue social tout au long de sa carrière politique, il est un homme issu du syndicalisme chrétien. II milite et prend des responsabilités au sein de la CFTC, la Confédération française des travailleurs chrétiens.

Chargé de mission de Jacques Chaban-Delmas

Il gravit les échelons au sein de la Banque de France puis rejoint la gestion du Trésor (NDLR : à l'époque, l'équivalent du compte bancaire de la France) au ministère des Finances. En 1964, il suit le courant majoritaire non confessionnel de la CFTC et rejoint le nouveau syndicat la CFDT, la Confédération démocratique du travail. En 1969, le nouveau Premier ministre Jacques Chaban-Delmas (1969-1972), au lendemain de Mai 1968, cherche un haut-fonctionnaire capable de gérer les relations entre patronnat et ouvriers. Il devient chargé de mission du nouveau chef de gouvernement, classé à la gauche du parti gaulliste.

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L'expérience Chaban-Delmas ne dure que trois ans et Jacques Delors rejoint le Parti socialiste de François Mitterrand lors du congrès de Metz en 1979. En 1981, grâce à la victoire du candidat socialiste à la présidentielle, il est nommé ministre de l'Economie et des Finances du gouvernement de Pierre Mauroy (1981-1984). Contre l'avis d'une partie du parti socialiste, qui milite pour une politique redistributive; il défend la lutte contre l'inflation et milite pour une politique de rigueur. Il aura gain de cause avec l'application d'une politique d'austérité en 1983. C'est ce quel'on appelera le tournant de la rigeur. C'est la politique du franc fort pour préparer la future monnaie commune.

Président de la Commission européenne

De 1985 à décembre 1994, il est président de la Commission européenne. Jacques Delors a joué les architectes pour façonner les contours de l’Europe contemporaine : mise en place du marché unique, signature des accords de Schengen, lancement d'Erasmus, programme étudiant d’échange, réforme de la politique agricole commune, mise en chantier de l'Union économique et monétaire qui aboutira à la création de l'euro.

Il refuse de se présenter à l'élection présidentielle de 1995 alors qu'il était le grand favori des sondages, un renoncement spectaculaire à la télévision devant 13 millions de téléspectateurs.

"Je n'ai pas de regrets", mais "je ne dis pas que j'ai eu raison", avait-il déclaré au Point en 2021. "J'avais un souci d'indépendance trop grand, et je me sentais différent de ceux qui m'entouraient. Ma façon de faire de la politique n'était pas la même".

En mars 2020, il avait encore appelé les chefs d'État et de gouvernement de l'UE à plus de solidarité au moment où ces derniers s'écharpaient sur la réponse commune à apporter à la pandémie de Covid-19.

Avec ses centres de réflexion, "Club témoin" ou "Notre Europe" (devenu ensuite "Institut Jacques Delors", installé à Paris, Bruxelles et Berlin), il a plaidé jusqu'au bout pour un renforcement du fédéralisme européen, réclamant davantage d'"audace" à l'heure du Brexit et des attaques de "populistes de tout acabit".