Japon : large victoire de Shinzo Abe aux législatives
La coalition de Shinzo Abe a largement remporté les législatives au Japon, selon les sondages sortie des urnes, alors qu'un puissant typhon sèmait le trouble sur le scrutin.
Un militant du Parti démocrate constitutionnel, opposé au Parti libéral-démocrate de Shinzo Abe, sous la pluie.
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Le chef du gouvernement japonais Shinzo Abe a remporté une large victoire aux élections législatives anticipées de dimanche, selon les sondages de sortie des bureaux de vote.
La coalition formée par le Parti libéral-démocrate (PLD, droite) de Shinzo Abe et le parti Komeito (centre-droit) était en passe de remporter 311 sièges sur les 465 de la chambre basse, selon des estimations de la chaîne privée TBS, et il pourrait ainsi atteindre le record de longévité d'un Premier ministre japonais.
Pas troublé par la Corée du Nord
Le Premier ministre conservateur aurait ainsi gagné son pari d'obtenir un nouveau mandat à la tête de la troisième économie mondiale, sur fond de menaces nord-coréennes.
Avec cette confortable majorité, il se trouvera encore davantage conforté dans son attitude de fermeté vis-à-vis de la Corée du Nord, qui a déjà tiré deux missiles au dessus de l'archipel nippon. M. Abe est favorable à la position de l'allié américain consistant à maintenir "toutes les options" sur la table, sous-entendu y compris militaire, contre Pyongyang.
"Je soutiens la posture de Shinzo Abe de ne pas céder face à la pression nord-coréenne. Je veux qu'il continue à faire preuve de cette ferme volonté en coopérant avec les Etats-Unis et la Corée du Sud, c'est pour moi un point important dans cette campagne", a déclaré à l'AFP Yoshihisa Iemori, un patron d'entreprise qui a voté dimanche à Tokyo.
A l'issue d'une brève campagne de 12 jours centrée sur l'économie et la question nord-coréenne, des millions de Japonais ont bravé dimanche des pluies diluviennes à l'approche d'un puissant typhon.
Si les intempéries n'ont pas perturbé la logistique du scrutin, elles pourraient avoir favorisé l'abstention, bien s'il soit possible au Japon de voter plusieurs jours à l'avance. Quelque 21,4 millions d'électeurs, sur environ 100 millions de Japonais en âge de voter, ont ainsi voté avant dimanche, un record.
M. Abe a bénéficié d'une opposition affaiblie et morcelée et composée essentiellement de deux partis fraîchement créés avant le scrutin.
Le Parti de l'Espoir, après l'effet médiatique du coup de théâtre de sa création par la charismatique gouverneure de Tokyo, Yuriko Koike, devrait remporter 50 sièges, selon TBS.
Le nouveau Parti démocratique constitutionnel du Japon a réalisé un score meilleur que prévu mais se trouvait lui aussi loin derrière la coalition de M. Abe. "La victoire du PLD est simplement due au fait que l'opposition n'a pas pu former un front uni", a déclaré à l'AFP le politologue Mikitaka Masuyama, de l'Institut national d'études politiques.
Défis économiques
La coalition de M. Abe serait donc en passe de maintenir sa majorité des deux tiers à la chambre basse, comme c'est déjà le cas au Sénat. Il s'agit là d'une condition nécessaire pour convoquer un référendum proposant de réviser la Constitution pacifiste, dictée en 1947 par les Etats-Unis après la reddition du Japon à la fin de la Deuxième Guerre mondiale et dont l'article 9 consacre la renonciation "à jamais" à la guerre.
Enferré dans des scandales de favoritisme qui ont pesé sur sa cote de popularité, M. Abe, 63 ans, a joué fin septembre la carte de la dissolution de la chambre basse, plus d'un an avant le scrutin prévu.
Mais la vraie surprise est venue de Yuriko Koike qui a fondé et pris la tête du Parti de l'espoir. Cette femme de droite de 65 ans, une ex-vedette de la télévision au sens aigu de la communication, ancienne ministre de M. Abe et elle aussi nationaliste, a ainsi précipité la décomposition du principal parti d'opposition, le Parti démocrate, tandis que Yukio Edano, défenseur de son aile gauche, a créé le Parti démocrate constitutionnel.
Mme Koike a vu toutefois sa cote de popularité fondre en ne se présentant pas au Parlement, dans un pays où la Constitution impose que le Premier ministre soit choisi parmi les députés ou les sénateurs.
"Je pensais voter pour le Parti de l'espoir s'il était assez fort pour battre le gouvernement Abe. Mais ce parti s'est retrouvé dans la confusion (...) je suis assez déçue", a dit à l'AFP une retraitée de 80 ans, Kumiko Fujimori. "Notre temps de préparation était court. C'était une bataille très difficile", a déclaré samedi soir Mme Koike à des médias locaux avant de s'envoler pour Paris, où elle devait participer à une conférence internationale de maires engagés contre le réchauffement climatique.
Face au vieillissement de la population japonaise, à la déflation qui mine l'économie depuis deux décennies et à une croissance poussive, M. Abe vante sa politique de relance dite "abenomics", faite de largesses budgétaires et d'une politique monétaire consistant à alimenter le marché en liquidités.
Mme Koike lui a reproché de ne pas procéder à des réformes structurelles et a promis de geler un projet de hausse de la TVA. Elle s'est aussi démarquée de M. Abe en plaidant pour une sortie progressive du nucléaire.