Fil d'Ariane
La mère de Tetsuya Yamagami, l'homme accusé d'avoir assassiné, vendredi 7 juillet, l’ancien premier ministre japonais, Shinzo Abe, est affiliée à l'Eglise de l'Unification. L’organisation, également connue sous le nom de "secte Moon", l’a confirmé lundi 11 juillet. Le suspect souhaitait se venger de celle-ci en visant l’ex-dirigeant du pays. Cette mouvance religieuse, née en Corée du Sud, a de longue date cultivé des liens avec des responsables politiques. Ce, en érigeant un empire économique mondial.
Personnage très controversé, Sun Myung Moon (1920-2012) est issu d’une famille d'agriculteurs originaire de l’actuelle Corée du Nord. De son vivant, il assurait avoir eu, à l'âge de 15 ans, une vision de Jésus-Christ. Ce dernier lui enjoignait de poursuivre sa mission afin que l'humanité parvienne à un stade de pureté "sans péché".
Réfugié de Corée du Nord, il est rejeté par les Eglises protestantes sud-coréennes le considérant comme un hérétique.
Dès lors, il fonde, en 1954, sa propre Eglise, à Séoul. Celle-ci va très rapidement se mêler de politique en adoptant d’abord une ligne farouchement anticommuniste. Elle s’attire ainsi la sympathie du régime militaire de Corée du Sud de l'époque.à l’instar de Richard Nixon aux Etats-Unis. Il lui apporte son soutien lors du scandale du Watergate. En France, elle entretient brièvement des relations avec le Front national dans les années 80.
Progressivement, la "secte Moon" se mue en un empire économique présent dans de nombreux secteurs, à savoir la construction, l'alimentation, l’automobile, le tourisme, l’éducation, les médias etc. Par conséquent, Sun Myung Moon devient milliardaire.
Il effectue une première tournée mondiale en 1965 et s'installé aux Etats-Unis au début des années 1970. Il y est condamné et passe plus d'une année en prison dans le pays au début des années 1980.
Connue pour célébrer des mariages collectifs de masse, l'Eglise de l'Unification est aujourd'hui aux mains de la veuve de son fondateur, Hak Ja Han, sa seconde épouse, avec laquelle il a eu une dizaine d'enfants.
En 2012, l'organisation affirme comptabiliser trois millions de fidèles à travers le monde.Une estimation largement exagérée, selon des experts. Son influence aurait nettement reculé depuis les années 1980, en raison des changements sociaux et politiques en Corée du Sud. Divers scandales et scissions internes, avant et après la mort de son fondateur, participent de ce recul.
Outre en Corée du Sud, l'Eglise est principalement présente aux Etats-Unis. Elle y est dorénavant prénommée "Fédération des familles pour la paix et l'unification mondiales". Plusieurs dizaines de milliers d’affiliés résideraient par ailleurs au Japon.
Lors de ses aveux, l'assassin présumé de Shinzo Abe, Tetsuya Yamagami, un ancien membre de la marine japonaise, déclare en vouloir "à une certaine organisation". Raison pour laquelle il décide de tuer l’ex-premier ministre pensant qu’il était de mèche avec celle-ci.
Des médias locaux ont rapidement évoqué une organisation religieuse, sans la nommer, et affirmé que l’assaillant en voulait à celle-ci parce qu'elle aurait obtenu des dons importants de sa mère, mettant leur propre famille en grande difficulté financière.
Le président de la branche japonaise de l'Eglise de l'Unification, Tomihiro Tanaka, a confirmé lundi 11 juillet, que la mère du suspect était membre de l'organisation depuis 1998 et qu'elle s'était retrouvée en difficulté financière vers 2002.
"Nous ignorons les circonstances qui ont conduit cette famille à la banqueroute", a-t-il toutefois assuré. Selon ses dires, les dons pour son Eglise se font de manière volontaire tandis que les montants sont déterminés par le donateur.
Tomihiro Tanaka a aussi souligné que Shinzo Abe n'avait "jamais" été l'un de ses membres ou conseillers.
Cependant, des organisations proches de l'Eglise de l'Unification invitent régulièrement des personnalités politiques de premier plan pour des conférences sur le thème de la paix dans le monde.
L'ancien président américain, Donald Trump, s'est ainsi exprimé en ligne pour l'un de ces colloques en 2021. Shinzo Abe a, pour sa part, été critiqué par un groupe d'avocats japonais pour avoir envoyé un message vidéo lors d'un événement similaire.
Ces avocats, qui défendent des Japonais accusant la secte de les avoir ruinés, avaient aussi protesté quand l’ex-premier ministre avait envoyé un message de félicitations lors d'une grande cérémonie de mariages collectifs organisés par l'Eglise en 2006.
(Re)voir : Japon : qui était Shinzo Abe, le "faucon" nippon ?