"Je suis Alévi": le candidat de l'opposition Kemal Kiliçdaroglu brise un tabou

Dans une vidéo publiée sur Twitter, le candidat à l'opposition Kemal Kiliçdaroglu annonce pour la première fois son appartenance à la minorité alévie. Victime de persécutions par le passé, elle est encore considérée comme hérétique par certains sunnites rigoristes.
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Kiliçdaroglu
L'opposant turc Kiliçdaroglu chante l'hymne national turque
AP
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Le candidat de l'alliance de l'opposition turque à la présidentielle, Kemal Kiliçdaroglu, a pour la première fois évoqué publiquement son appartenance à la minorité alévie, bousculant un tabou majeur en Turquie.

"Je pense qu'il est temps d'évoquer avec vous un sujet très particulier, très sensible. (...) Je suis Alévi, je suis un musulman sincère", a-t-il ainsi affirmé dans une vidéo diffusée mercredi soir sur Twitter.
 

Les Alévis, dont les rites et règles diffèrent de ceux de l'islam orthodoxe, ont été victimes de discriminations et de massacres par le passé en Turquie, et restent considérés comme des hérétiques par certains sunnites rigoristes. 

Certains conservateurs sunnites refusent même de manger un plat cuisiné par un Alévi, le considérant comme "impur".

Une minorité victime de discriminations

Kemal Kiliçdaroglu, qui pourrait devenir le premier président turc alévi, promet s'il est élu en mai de mettre fin aux discriminations et aux "disputes confessionnelles qui ont fait souffrir" la Turquie, pays majoritairement musulman mais constitutionnellement laïque.

Avant sa candidature, des observateurs affirmaient que Kemal Kiliçdaroglu, né dans la région historiquement rebelle de Dersim (rebaptisée Tunceli, dans l'Est), à majorité kurde et alévie, peinerait à convaincre les électeurs sunnites conservateurs.

De nombreux opposants au président Erdogan, y compris parmi les conservateurs, ont salué le message de Kemal Kiliçdaroglu.

"Il est possible de vivre sur ces terres sans discriminations, dans l'égalité, la fraternité et la paix", a réagi Selahattin Demirtas, l'ancien co-président du Parti démocratique des Peuples (HDP), pro-kurde, incarcéré depuis 2016.

"Nous pouvons mettre fin ensemble à cet ordre véreux en choisissant l'éthique, la justice et la sincérité au lieu de la polarisation et de la politique identitaire", a tweeté le parti de la Félicité (islamiste), créé par Necmettin Erbakan, mentor du président Erdogan, mais passé dans l'alliance de l'opposition.

Lire : Kemal Kiliçdaroglu, le principal opposant qui pourrait renverser Recep Tayyip Erdogan

Le ministre de l'Intérieur, Suleyman Soylu, a cependant accusé le candidat de l'opposition de tenter de se "victimiser".

"Ce n'est pas nous qui disons qu'un Alévi ne peut être élu (...). Ce n'est pas un problème pour nous. Nous avons dépassé tout cela", a-t-il affirmé.

Une tentative de victimisation

Recep Tayyip Erdogan avait dans le passé visé cette minorité, reprochant à ses membres d'être "dominants" parmi les juges en Turquie et d'inventer "une nouvelle religion".

Au cours de l'actuelle campagne,le président Turc n'a pas ouvertement attaqué son opposant, chef du Parti républicain du peuple (CHP), sur son identité religieuse.

Début avril, il y a cependant fait allusion, après que Kemal Kiliçdaroglu a marché par erreur sur un tapis de prière sans avoir retiré ses chaussures.

"Ceux qui ne connaissent pas la direction de la prière marchent avec leurs chaussures sur le tapis de prière. Vous allez leur montrer la bonne direction le 14 mai", a-t-il lancé lors d'un meeting à Istanbul.