Le cas échéant, sur quels soutiens internationaux Biya peut compter aujourd’hui ? La Chine surtout. Il y a une percée remarquable de ce pays au Cameroun. Les Chinois ont gagné un certain nombre de grands marchés : la
construction du port en eau profonde de Kribi, la
construction du barrage de Lom Pangar, plusieurs travaux routiers, etc. En février 2007, Hu Jintao, lui-même, est venu au Cameroun. En juillet 2011, Paul Biya lui a rendu la politesse en se rendant en Chine. Il est clair que pour nombre de dirigeants africains en délicatesse avec les valeurs de la démocratie, de l’alternance et des droits de l’homme, la Chine est un excellent partenaire.
Qui, aujourd’hui, peut prétendre à la succession de Biya ? Pour la présidentielle du 9 octobre prochain, il y a, en plus de Paul Biya, 22 autres candidatures. Ce sont celles qui ont été validées, parce qu’au départ il y a eu une cinquantaine de dossiers ! L’analyse que j’en fais est que, chaque Camerounais, au regard du bilan peu reluisant du président sortant, se sent un destin présidentiel. Chacun est convaincu de pouvoir faire mieux. Plus sérieusement, il y a un potentiel humain extraordinaire au Cameroun. Seulement, le jeu est faussé. Ce qui a découragé un certain nombre de personnalités capables de diriger ce pays. A l’intérieur même de l’appareil gouvernant, il y a quelques personnes intègres. Malheureusement, le système ne laisse la place à aucune ambition. Toute aspiration au pouvoir suprême est un crime. Ceux qui ont essayé de lorgner le fauteuil présidentiel ont payé de leur liberté. C’est pourquoi le culte de la personnalité du chef de l’Etat est devenu tout simplement surréaliste.
Voici ce qu’à dit un jour l’actuel ministre de l’Enseignement Supérieur, parlant de Paul Biya : « Nous sommes tous des créatures ou des créations du président Paul Biya, c’est à lui que doit revenir toute la gloire dans tout ce que nous faisons. Personne d’entre nous n’est important, nous ne sommes que ses serviteurs, mieux, ses esclaves. » Ce monsieur, soit dit en passant, est professeur des universités !
Dans quel climat vont se dérouler les élections de dimanche prochain ? Les Camerounais iront aux urnes le 9 octobre prochain dans un climat de désintéressement général, mais aussi de suspicion, à l’égard d’Elécam surtout, l’organe chargé de conduire le processus électoral. Personne ne croit à l’indépendance de ses membres dont certains sont d’anciens militants du parti au pouvoir. En plus, ils ont été nommés par le chef de l’Etat. Il n’y a pas d’engouement de la part du public pour cette élection. Les meetings ne sont pas populaires, contrairement aux années 1990 lors du retour au multipartisme. On parle d’un
chiffre officiel de 7,5 millions d’inscrits. Personnellement je n’y crois pas. Et même si c’était vrai, je doute que 50% de ces inscrits aillent vraiment voter le moment venu. Les malheureux Camerounais ne sont pas non plus servis par leurs hommes politiques. Leur niveau global est bas. Les regarder le soir à la télé dans l’expression des candidats pendant cette campagne est un véritable supplice. Ils n’arrivent à rien proposer quant aux problèmes réels des Camerounais.
Peut-il y avoir un soulèvement populaire, un « printemps camerounais » ? Le calme apparent qu’on observe au Cameroun cache en réalité un malaise profond. Des familles appauvries ont du mal à envoyer leurs enfants à l’école, à les soigner ou à manger décemment. Les injustices sociales sont criardes. Il y a des motifs de soulèvement à tous les coins de rue. Les gens sont désespérés et ne croient plus aux valeurs du travail et de l’effort comme moyens d’ascension sociale. Chacun cherche le meilleur piston qui lui permettra de grimper l’échelle sociale. L’écart entre les riches et les pauvres est insupportable. Les gens ruminent leur colère. Le Cameroun est en réalité une énorme poudrière et l’étincelle peut venir de n’importe où. A tout moment. Ce qui me chagrine par-dessus tout est qu’on a tué chez les Camerounais la simple capacité à s’indigner. C’est le plus lourd héritage que ce régime va nous laisser.