Fil d'Ariane
L'acteur et scénariste Jean-Pierre Bacri est mort lundi d'un cancer à l'âge de 69 ans. L'homme, figure du théâtre et du cinéma français, occupait une place de choix auprès du public pour ses rôles d'anti-héros râleurs et désabusés mais profondément humains. Il avait écrit plusieurs pièces de théâtre et des films avec Agnès Jaoui.
"Il est mort en début d'après-midi", à Paris, a simplement déclaré son entourage.
Le comédien et auteur confiait il y a quelques années ne pas aimer les héros. Je "ne crois pas aux types éclatants de bonheur": "traquer le vécu, la sobriété, la pudeur", "refuser la tricherie" est une profession de foi. Parfois catalogué comme l'acteur d'un seul rôle, celui de l'éternel bougon, il détestait pourtant qu'on lui colle "cette étiquette": "Je ne joue pas toujours des personnages râleurs !", s'était emporté l'acteur auprès de l'AFP en 2015.
Dans les rôles qu'il choisissait, ou ceux qu'il écrivait avec Agnès Jaoui, Jean-Pierre Bacri pourfendait le sectarisme culturel, le conformisme, les chapelles, la servilité...
C'est son père qui lui avait transmis cette morale, lors de son enfance à Castiglione (Algérie), où il naît en mai 1951. Facteur, il travaillait le week-end dans le cinéma de la ville et avait fait découvrir le 7e Art à son fils.
En 1962, la famille émigre à Cannes, où Jean-Pierre Bacri entreprend des études de lettres.
Quand il monte à Paris et pousse la porte d'un cours d'art dramatique, c'est d'abord l'écriture qui l'intéresse.
En 1977, il écrit sa première pièce, "Tout simplement", vite suivie de trois autres. Parallèlement, Jean-Pierre Bacri décroche de petits rôles à la télévision et sur les planches.
En 1982, son personnage de proxénète dans "Le Grand Pardon" d'Alexandre Arcady le fait connaître du grand public.
Deux ans plus tard, il est nommé aux César comme meilleur acteur dans un second rôle pour son personnage de flic dépassé et taciturne dans "Subway" de Luc Besson.
Mais son talent n'éclate vraiment qu'au côté d'Agnès Jaoui qu'il rencontre en 1987 au théâtre dans "L'anniversaire" de Pinter. Très vite, les "Jacri" -- comme les surnommait le cinéaste Alain Resnais -- mettent en commun leur humour acide et leur don d'observation pour écrire à quatre mains.
Leur première pièce "Cuisine et dépendances" (1992) est un succès vite adapté au cinéma, tout comme "Un air de famille" (1996).
Alain Resnais fait appel à eux pour les scenarii de "Smoking/NoSmoking" (1993) et "On connaît la chanson" (1997). Puis Agnès Jaoui passe derrière la caméra pour "Le goût des autres" (2000).
Ces dernières années, l'acteur tournait moins, se limitant à deux films par an et revendiquant son droit à la paresse.
En 2017, il avait également joué dans "Grand froid" de Gérard Pautonnier et "Santa et Cie" d'Alain Chabat.
Et dans "Le Sens de la fête" d'Olivier Nakache et Eric Toledano, il est irrésistible dans le rôle de Max, organisateur d'un mariage où rien ne se déroule comme prévu, un rôle d'éternel bougon taillé sur mesure. Parmi ses tout derniers films, "Place publique", d'Agnès Jaoui, en 2018.
Jean-Pierre Bacri a été récompensé cinq fois aux César, où il a reçu quatre fois le trophée du meilleur scénario avec Agnès Jaoui, pour "Smoking/No Smoking", "Un air de famille", "On connaît la chanson" et "Le Goût des autres", et une fois celui du meilleur acteur dans un second rôle pour "On connaît la chanson".
Le metteur en scène et directeur de théâtre Jean-Michel Ribes était un proche de Jean-Pierre Bacri. Invité du 64 sur TV5MONDE, il commente la disparition de son ami.