L'analyse de Slimane Zeghidour, 64' du 27 février 2018
4 minutes de lecture
Le Saint-Sépulcre - tombeau présumé du Christ et lieu saint de la chrétienté - a rouvert ses portes ce mercredi après trois jours de fermeture, décidées en protestation par les structures religieuses qui en ont la garde. Les autorités israéliennes sont revenues sur les mesures nouvelles de taxations et transmission de patrimoine qui menaçaient les congrégations chrétiennes de Jérusalem.
Marche arrière, toute. Le gouvernement israélien a annoncé mardi la suspension des actions fiscales et législatives qui avait conduit les Églises à la décision exceptionnelle de fermer le Saint-Sépulcre, lieu le plus saint du christianisme à Jérusalem.
La municipalité israélienne de Jérusalem gèle la collecte de taxes annoncée récemment sur les biens immobiliers des Églises qui ne sont pas des lieux de culte, précise un communiqué des services du Premier ministre Benjamin Netanyahu.
Plus encore, le travail sur une proposition de loi israélienne dans laquelle celles-ci voient une atteinte à leurs droits de propriété est également mis en suspens.
Le Premier ministre et le maire de Jérusalem Nir Barkat se sont entendus sur la création d'un groupe de travail « qui négociera avec les Églises une solution » sur la question des taxes.
Portes closes
Pour la troisième journée consécutive, le Saint-Sépulcre, lieu le plus saint de la chrétienté et destination touristique majeure à Jérusalem, était encore fermé mardi en guise de protestation contre les politiques israéliennes.
Les chefs des Églises grecque orthodoxe, arménienne et catholique, qui partagent la garde du site, ont pris dimanche midi la décision exceptionnelle de clore les portes de l'église construite sur les lieux présumés de la crucifixion et du tombeau du Christ. Une affiche placardée : "trop c'est trop" , "halte aux persécutions".
Durant trois jours, des milliers de pèlerins et de touristes du monde entier ont trouvé les vastes battants de bois fermés. Les précédents de fermeture ont été très rares au cours du quart de siècle écoulé et sont restés limités.
Taxes fatales
Les chefs des Églises dénoncent la décision récente de la municipalité israélienne de Jérusalem de leur faire payer des impôts sur une partie de leurs biens immobiliers, et plus généralement « une attaque systématique contre les Chrétiens de Terre sainte, en violation flagrante du statu quo existant ».
Ni l'Empire ottoman, ni les autorité du mandat britannique, ni le régime jordanien n'ont jamais imposé de tels prélèvements, observent les religieux.
La taxation, se défendent les autorités israéliennes, ne toucherait pas le Saint-Sépulcre mais les propriétés non cultuelles.
Mais à Jérusalem, ce « non-cultuel » des organisations religieuses est vaste. Il ne se résume pas, comme suggéré, aux marchands de pacotille qui prospèrent depuis la nuit des temps dans l'ombre du pèlerinage mais recouvre un grand nombre de structures d'hébergement, d'hospice, d’hôpitaux, d'école ou d'institutions savantes telle l'illustre Ecole biblique et archéologique française de Jérusalem.
Les arriérés sont chiffrés par la mairie à quelque 150 millions d'euros. Autant d'argent qui ne financerait plus leurs importantes œuvres sociales, disent les Eglises.
Outre leur rôle en la matière, ces multiples organismes sont aussi une importante source d'emploi pour la population arabe chrétienne de Jérusalem. Leur subite et forte imposition ne serait pas sans conséquences. Elle aurait également pour effet de pousser les congrégations à abandonner une partie de leur patrimoine foncier.
Lois d'expropriation
Ce qui rejoint l'autre source de la colère des patriarches, plus directement politique encore : une proposition de loi qui permettrait à l'Etat hébreu d'exproprier des terres vendues par l’Église orthodoxe à des investisseurs privés.
Le texte, qui prévoit de compenser financièrement les investisseurs, prétend rassurer les habitants qui craignent de voir les investisseurs les expulser pour des programmes plus rentables.
Il complique en fait, selon les chrétiens, la cession de gré à gré de terrains par les Églises à des investisseurs privés tout en facilitant à l'inverse leur rachat par l’État israélien.
Les responsables religieux vont jusqu'à comparer le projet aux « lois de même nature, adoptées contre les juifs pendant les périodes sombres de l'Europe. »
Soupçons
Plus globalement, les Églises fustigent une volonté d'amoindrir la présence chrétienne à Jérusalem et de porter atteinte à un statut quo millénaire.
Le Saint-Sépulcre se trouve à Jérusalem-Est, la partie palestinienne de Jérusalem annexée par Israël. L'annexion est considérée comme illégale par la communauté internationale.
Après sa reconnaissance unilatérale par Washington comme capitale de l’État hébreu, les Palestiniens, non sans raisons, voyaient dans la double affaire des taxes et de la loi d'expropriation un nouveau pas dans la « judaïsation » de la cité. Ville « trois fois sainte » réclamée par deux peuples, dont le sort final reste en théorie à négocier, rendue en pratique chaque jour plus israélienne et indivisible.