Jérusalem : massacre dans une synagogue

Benyamin Nétanyahou a promis une "riposte de fer" à la sanglante attaque de la communauté de Har Nof par deux Palestiniens. Un ministre a annoncé que les autorités israéliennes vont lever certaines restrictions sur le port d'armes afin de renforcer l'autodéfense. Ainsi les officiers de l'armée et "les gardiens d'école ou de jardins d'enfant" pourront ramener leurs armes à la maison.
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Jérusalem : massacre dans une synagogue
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Les faits

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“Rupture totale“ - Charles Enderlin, correspondant de France 2

18.11.2014
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18.11.2014Piotr Smolar (Le Temps)
Un tournant Une synagogue, à l’heure de la prière du matin. Un quartier ultraorthodoxe, parmi les plus célèbres d’Israël. La volonté de tuer le maximum de Juifs, à la hache, à coups de feu. L’attaque terroriste conduite à Jérusalem, mardi 18 novembre, dans la communauté de Har Nof par deux Palestiniens, qui a fait au moins quatre morts et plusieurs blessés, marque un tournant dans le cycle de violences ininterrompu depuis le début du mois de juillet. Elle conforte la droite israélienne dans son choix d’une ligne sécuritaire dure, sans négociations véritables avec l’Autorité palestinienne. Le premier ministre, Benyamin Nétanyahou, a promis de réagir avec une « main de fer ». Il a mis en cause les islamistes du Hamas et surtout le président Mahmoud Abbas pour ses « incitations » à la violence, qui seraient « ignorées de façon irresponsable » par la communauté internationale. Le chef de l’Autorité palestinienne a condamné cette attaque. La communauté ultraorthodoxe juive de Har Nof – nom signifiant « la montagne avec vue » – compte environ 20?000 habitants. Elle se situe sur les hauteurs ouest de Jérusalem. Elle accueille de nombreux immigrés anglo-saxons et compte un grand nombre de yeshivas (écoles d’étude de la Torah) et de lieux de prière. Mardi, peu après sept heures, c’est dans l’un des plus importants d’entre eux, composé de plusieurs bâtiments, la synagogue Kehilat-Yaakov, qu’ont pénétré deux Palestiniens. Selon les premiers éléments de l’enquête, ils étaient armés d’une hache, d’un couteau de boucher et d’un pistolet. Originaires du quartier de Jabel Moukaber, à Jérusalem-Est, selon plusieurs médias israéliens, ils ont été tués par des policiers, qui sont rapidement intervenus sur place. Des photos terribles de victimes, gisant au sol, enveloppées dans leurs châles de prière, ont rapidement circulé sur les réseaux sociaux, diffusées notamment par le porte-parole de l’armée, Peter Lerner. Un acte religieux et politique Le secrétaire d’Etat américain, John Kerry, a dénoncé un acte de « pure terreur qui n’a pas sa place dans le comportement humain ». De son côté, François Hollande a dénoncé « avec la plus grande force l’odieux attentat » perpétré mardi. Les dimensions religieuse et politique de cet acte sont imbriquées. Har Nof est l’un des foyers du parti ultraorthodoxe séfarade Shas. Ovadia Yosef, leader spirituel de cette formation, décédé en octobre 2013, était originaire de ce quartier. Ses funérailles avaient rassemblé des centaines de milliers de personnes. « Ils nous ont déclaré la guerre parce que nous sommes Juifs », a déclaré mardi Aryeh Deri, leader du Shas, qui réside aussi à Har Nof. Lisa Goldenhersh, 59 ans, enseignante dans une école pour enfants en difficulté, vit depuis 23 ans dans le quartier, avec son mari, avocat et comptable. Originaires de Saint-Louis, aux Etats-Unis, ils ont eu sept enfants. Mardi, Lisa Goldenhersh avait pris un jour de congé. Elle a été informée de l’attaque très rapidement, par des appels de proches et les médias, qui se sont précipités en masse sur les lieux de l’attaque. « Har Nof est une communauté très calme, très croyante, où la vie a toujours été paisible, dit-elle. C’est effrayant d’imaginer que des terroristes puissent pénétrer dans une synagogue pour faire un massacre pareil.» Le Hamas a salué cette attaque, appelant à d’autres opérations de la même nature. Le mouvement nationaliste islamiste a notamment affirmé qu’il s’agissait d’une réponse aux « crimes de l’occupation », et plus récemment à la mort d’un chauffeur de bus palestinien. Depuis plusieurs jours, l’attention des médias israéliens s’était détournée des violences urbaines, pourtant quotidiennes à Jérusalem Est. Soudain, le seul sujet d’importance semblait être les craquèlements dans la coalition gouvernementale et la perspective d’élections anticipées au printemps. Dimanche, pourtant, un chauffeur de bus palestinien de 32 ans, Hassan al-Ramoudi, père de deux enfants, a été retrouvé mort dans son véhicule, pendu, au terminal de Har Hotzvim. Sur les réseaux sociaux, côté palestinien, on a tôt fait de dénoncer un crime perpétré par des colons. Une autopsie a été conduite lundi, concluant à un suicide, mais ni la famille, ni plus généralement les Palestiniens n’ont accepté cette version. Les proches du défunt évoquent des traces de coups sur son corps. Dans la foulée, des affrontements ont éclaté dans plusieurs quartiers, à Sur Baher, Wadi al-Joz et Abu Diz. «Un symptôme» « Guerre », « massacre »: l’attaque contre la synagogue a provoqué, logiquement, un embrasement politique. Le patron de la police israélienne, Yohanan Danino, n’a pas emprunté les mêmes accents vengeurs que certains ministres, comme celui de l’économie, Naftali Bennett. « Nous n’avons pas actuellement de solution magique contre ce genre d’attaques », a-t-il reconnu. Ces dernières semaines, cinq Israéliens et un touriste étranger ont été tués à l’arme blanche et à la voiture bélier par des Palestiniens. Une demi-douzaine de Palestiniens ont aussi perdu la vie, dont les auteurs présumés de ces agressions. Xavier Abou Eid, conseiller de l’Organisation pour la libération de la Palestine (OLP), estime que «cette attaque terrible est un symptôme. Il ne faut pas s’attaquer aux symptômes, mais à la maladie, l’occupation israélienne. Le président Abbas a une position très claire en faveur d’une lutte non violente pour la reconnaissance de la Palestine et la fin de cette occupation.» Interrogé par Le Monde sur la fin possible de la collaboration sécuritaire entre l’Autorité palestinienne et les services israéliens, demeurée intense malgré les attaques verbales contre M. Abbas, Xavier Abou Eid se contente de dire: « La question est l’étude ».
>> Retrouvez l'article sur le site du quotidien suisse Le Temps