Londres 2012 : coup d'envoi ce vendredi. Mais à quel prix ? Athènes, Pékin, Londres, Rio… Les villes du monde entier se livrent à une compétition redoutable pour décrocher l’organisation des Jeux Olympiques. Pour quel profit ? Cette grande fête du sport vire parfois au gouffre financier.
Les Jeux Olympiques sont devenus une course aux milliards pour les pays hôtes candidats à leur organisation / Photo AFP.
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Que faire d’un bassin de canoë-kayak, d’une piste de bobsleigh ou d’un stade de taekwondo quand ces sports sont très peu pratiqués dans le pays hôte ? Passés les quinze jours de festivités et des compétitions, que deviennent les multiples infrastructures sportives ? Ces coquilles vides livrées aux herbes folles coûtent des millions à entretenir faute de les utiliser ou de les reconvertir. Pour la Grèce, la facture s’est alourdie depuis les JO d’été d’Athènes en 2004. Marina, installations de softball et de hockey délaissées, coûtent 50 millions d’euros d’entretien par an à l’État. Et donc, aux contribuables. « Nous avons exagéré avec ces infrastructures, c’était trop lourd pour nous, et nous avons échoué à planifier pour l’après-Jeux », déclarait à l’AFP Panagiotis Bitsaxis, secrétaire général aux Sports. Une somme qui s’ajoute aux quelque 13 milliards d’euros payés par la ville dans l’organisation des Jeux. Cette dépense a participé au déficit grec. « Les JO d’Athènes ont surtout révélé l’incapacité de gestion de la Grèce », constate Michel Desbordes, professeur du marketing du sport à l’ISC (Institut Supérieur de commerce de Paris). Pour mettre fin à ces surcoûts, la ville cède la gestion des équipements sportifs à des investisseurs privés ou des fédérations sportives locales.
Le bassin de canoe¨-kayak construits à Helle´nikon pour les JO de 2004 d'Athènes / Photo AFP AngelosTzortzinis
Coup de projecteur Les villes candidates multiplient souvent les prouesses architecturales. Même si la facture augmente, ce qui compte, après tout, c’est le coup de projecteur incomparable que s’offre le pays hôte pendant 15 jours. La rentabilité des Jeux varie alors selon la saison. Aux Jeux d’été, de nombreuses épreuves sont payantes, contrairement aux JO d’hiver qui sont « très compliqués à rentabiliser car les pistes de bobsleigh, de tremplin de saut ne peuvent pas être réutilisées partout. Et beaucoup d’épreuves sont gratuites comme le ski alpin, le ski de fond. Il y a aussi moins de billetterie et moins de gens qui se déplacent », explique Michel Desbordes. Les budgets annoncés dans les dossiers de candidatures couvrent rarement les dépenses engendrées ensuite. « Le Comité International Olympique et les fédérations fixent des objectifs liés aux sports inscrits au programme olympique et qui supposent des infrastructures répondant à un cahier des charges très précis », explique Françoise Papa, enseignante-chercheur sur la médiatisation du sport et des événements olympiques à l'université de Grenoble.
Le budget opérationnel - fonctionnement des stades, cérémonie d’ouverture, transport des athlètes - est contrôlé par le Comité local d’organisation (COJO) et alimenté par la billetterie ou encore les droits de retransmission par exemple. Il ne doit pas dépasser plus de 2,5 millions d’euros. S’ajoute ensuite le budget des infrastructures décidé par la ville et qui dépend des équipements déjà en place. Le pays hôte peut aussi choisir d’investir pour les JO en vue d’un développement urbain et régional à plus long terme. « C’est l’occasion de construire de nouveaux équipements qui auront une utilité sociale », affirme Michel Desbordes.
Cérémonie de clôture des JO de Pékin le 24 août 2008 / Photo AFP
Rénover une ville C’est ce qu’a fait Barcelone en investissant dans de nouvelles infrastructures publiques. La cité catalane a bénéficié : de rénovation d’anciens quartiers et de sites industriels, de périphérique souterrain, d’aménagement ferroviaire et aéroportuaire. A l’instar de Pékin où de nouvelles lignes de métro construites pendant les JO désengorgent aujourd’hui le trafic routier. Mais l’atout de Barcelone, c’est la reconversion d’équipements sportifs olympiques. Le village qui accueillait les athlètes a été transformé en 1 800 appartements en front de mer, les stades et la piscine accueillent aujourd’hui divers événements artistiques et sportifs. Les Jeux participent parfois à véhiculer une image flatteuse du pays hôte : « A Pékin, on observe un phénomène intéressant. Il n’y a pas vraiment plus de tourisme international mais davantage de tourisme national qui s’est développé autour des infrastructures olympiques », raconte Françoise Papa. « Les Jeux de Barcelone en 1992 ont profondément changé l’image de la ville. Ils ont montré une certaine modernité de l’Espagne », explique Michel Desbordes. L’amortissement des investissements de la cité catalane - plus de 9 milliards d’euros- n’a pourtant été atteint qu’en 2007… soit 15 ans après l’organisation des JO. Mais cette exposition internationale a un coût.
L'athlète Usain Bolt, surnommé l'homme le plus rapide du monde / Photo AFP
La course aux milliards Les budgets n’ont cessé de s’envoler depuis les JO de Sydney en 2000 qui n’avaient coûté que 4 milliards d’euros. Depuis, c’est la course aux milliards avec Athènes en 2004 (13 milliards d’euros), Pékin en 2008 (40 milliards d’euros) et Sotchi en 2014 (24 milliards d’euros prévus). Ils s’annoncent comme étant les JO d’hiver plus chers de l’histoire. En 2003, le CIO a adopté 117 mesures afin de raisonner les velléités financières et architecturales des pays organisateurs. Ces mesures permettent au Comité de limiter le nombre d’athlètes et de sports en compétition. Les investissements privés allègent alors la facture. « Aux Etats-Unis, l’apport du privé est très important, en Europe ce sont plutôt des fonds publics. Comme à Athènes, les JO représentent un déficit public », explique Françoise Papa. « Après c’est aux villes d’assumer la soutenabilité de leurs investissements ». L’histoire des JO peut servir de leçon. En 1976, le fiasco financier de Montréal anéanti les ardeurs olympiques des pays candidats à l’organisation des Jeux. Montréal mettra 30 ans à rembourser sa dette. En 1984, seule Los Angeles se porte candidate à l’organisation des Jeux et signe la premier succès commercial avec un bénéfice de 300 millions de dollars. La compétition entre les villes candidates reprend.
Le stade olympique de Londres dont la reconversion reste encore inconnue / Photo AFP
Faire briller la vitrine Le Premier ministre britannique David Cameron le promet : les JO d’été de Londres rapporteront 13 milliards de livres (16 milliards d’euros) à l’économie anglaise – investissements étrangers, contrats, tourisme, ventes - durant les quatre prochaines années. Une manne qui doit aider le Royaume-Uni à se relever de la récession qui frappe, à nouveau, le pays depuis le premier trimestre 2012. Mais la raison a des limites que le gigantisme olympique ignore. David Cameron a doublé le budget de la cérémonie d’ouverture pour faire briller cette vitrine internationale.
Londres, cette année, se targue de contenir ses ardeurs architecturales. La capitale anglaise se pose en modèle plus responsable non seulement en termes de développement durable, mais aussi de dépenses. Le village olympique a été construit dans le quartier déshérité de Newham. Une fois les JO terminés, ils seront transformés en un complexe immobilier. Le Comité d’organisation de Londres a même consacré tout un service à la reconversion des équipements sportifs après les Jeux. Un même site est utilisé pour plusieurs compétitions et le nombre de place dans les stades devrait ensuite être réduit. Le but est d’assurer le rendement et la pérennité de ces infrastructures après les olympiades. Mais il faudra attendre la fin des Jeux pour voir si oui ou non le pays organisateur tient ses promesses budgétaires. Crise oblige, la tendance au gigantisme est revue à la baisse. « Cela a changé la donne. Les organisateurs sont comptables devant l’opinion publique des choix qu’ils font », conclut Françoise Papa. L’Italie a décidé de passer son tour pour les prochains JO. La crise a été plus forte que la mégalomanie olympique.
Les Jeux Olympiques en chiffres
2818 appartements ont été construits pour accueillir les participants 10 490 sportifs inscrits pour participer aux JO 24h sur 24 : le service anti-dopage est ouvert constamment
Les sites olympiques à Londres
La reine des Jeux
La reine Élisabeth d’Angleterre pâtit elle aussi des mesures d’austérité du pays. Pour pallier l’amputation de ses revenus, elle loue une partie de ses demeures pendant les Jeux olympiques. Le Comité olympique russe va ainsi investir le domaine de Kensington, résidence à Londres du Prince William et son épouse Kate. Buckingham reste silencieux quant aux tarifs de location. Mais le journal anglais The Daily Telegraph a annoncé dans ses pages une caution de 316 000 euros déjà versées par les Russes. Pour ceux dont le budget est un peu plus serré, reste le parc du château de Windsor. Habituellement, lieu de chasse à courre, il sera transformé en terrain de camping de 300 emplacements. Les visiteurs devront débourser 50 euros pour y planter leur tente.
Domaine de Kensington à Londres / Photo AFP Miguel Medina
Et Paris aussi !
Candidate malheureuse aux JO 2012, Paris se prépare pour les Jeux de 2024 en vue d’une nouvelle candidature. La région Ile-de-France poursuit la réalisation de nombreux équipements sportifs : base nautique en Seine-et-Marne, vélodrome dans les Yvelines, piscine olympique en Seine Saint-Denis. La note de tous ces équipements s’élèvent à 136 millions dont 82 millions à la charge de la région. Lors de la candidature de Paris en 2005, la note de l’organisation des Jeux s’élevait à 4,4 milliards d’euros. Une somme bien obsolète aujourd’hui quand celle des JO de Londres atteint 11,5 milliards d’euros. « On peut miser sur un minimum de 7 milliards d’euros », répondait Denis Masseglia, président du Comité National Olympique Sportif Français (CNOSF) à l’AFP.