Fil d'Ariane
"Sans honte", "indécent", un "bras d'honneur" : un concert de critiques s'est élevé ce samedi en France et au Portugal sur l'ex-président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, qui va rejoindre la banque d'affaires américaine Goldman Sachs.
En France, plusieurs voix de gauche, jusqu'au sein du gouvernement, ont protesté contre son embauche par une banque à la réputation sulfureuse, notamment en raison de son rôle dans la crise des subprimes en 2008, et parce qu'elle avait aidé, au début des années 2000, l'Etat grec à masquer ses déficits pour rester dans l'euro.
Le secrétaire d'Etat français au Commerce extérieur, le socialiste Matthias Fekl, s'est indigné sur Twitter :
Desservir les citoyens, se servir chez Goldman Sachs: #Barroso, représentant indécent d'une vieille Europe que notre génération va changer
— Matthias Fekl (@MatthiasFekl) July 8, 2016
Les eurodéputés PS français ont, eux ,jugé "scandaleux" ce "nouveau pantouflage, qui ressemble fort à un conflit d’intérêt". "Nous exigeons une révision des règles pour empêcher de tels recrutements d’anciens Commissaires européens", ont-ils écrit dans un communiqué.
Même indignation à Lisbonne, dans les rangs du parti socialiste au pouvoir et de ses alliés de la gauche radicale : "Cette nomination montre que l’élite européenne dont fait partie Barroso n'a aucune honte", a réagi Pedro Felipe Soares, chef de file parlementaire du Bloc de gauche.
José Manuel Barroso n'est pas le premier ancien commissaire indélicat. En 2010, l'Irlandais Charlie McCreevy quittait son poste pour rejoindre un fond spéculatif six mois plus tard. Le comité d'éthique de la commission estimait alors que le délai d'un an n'était pas respecté et qu'il existait un risque de conflit d'intérêt. Il avait dû démissionner. Explications :
José Manuel Barroso, lui, n'a enfreint aucune règle, puisqu'au delà de 18 mois après la fin de leur mandat, rien n'oblige aujourd'hui les anciens membres de la Commission à rendre des comptes, a pour sa part souligné cette institution.
Premier ministre du Portugal de 2002 à 2004, José Manuel Barroso a occupé la présidence de la Commission européenne de 2004 à 2014, période durant laquelle l'Europe, secouée par la crise financière de 2008, était perçue comme libérale et sans grand dessein. La banque Goldman Sachs a annoncé vendredi l'avoir engagé pour la conseiller, alors que la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne devrait avoir des impacts sur le monde financier.
"Après avoir passé plus de trente ans dans la politique et le service public, c'est un défi intéressant et stimulant qui me permet d'utiliser mes compétences dans une institution financière mondiale", a expliqué M. Barroso à l'hebdomadaire portugais Expresso. "Si l'on reste dans la vie politique, on est critiqué pour vivre aux crochets de l’Etat, si l'on va dans le privé, on est critiqué pour tirer profit de l'expérience acquise dans la politique", a-t-il ajouté, balayant tous les reproches.
Mais la presse française estime que cette nomination tombe au plus mal. " L'image de l'Union européenne qui n'est pas folichonne en ce moment, n'avait pas besoin de cela", écrit ce samedi l'hebdomadaire français L'Obs.
"C'est, au pire moment, un symbole désastreux pour l'Union et une aubaine pour les europhobes", renchérit le quotidien de gauche Libération, qui dénonce sur son site internet un "bras d'honneur à l'Europe".
La présidente du parti d'extrême droite Front national, Marine Le Pen, estime sur Twitter que la nouvelle n'a rien d'étonnant :
#Barroso chez #Goldman Sachs : rien d'étonnant pour ceux qui savent que l'UE ne sert pas les peuples mais la grande finance. MLP
— Marine Le Pen (@MLP_officiel) July 9, 2016