"Jour du dépassement" : ce 28 juillet, l'humanité a consommé l'intégralité de ce que la planète peut produire en un an

Ce jeudi 28 juillet, l’humanité vient de consommer l’intégralité des ressources que la planète peut reconstituer en un an. La planète vit ce "jour du dépassement", un "déficit écologique".  Et cette date avance inexorablement. Qu'est ce que le "jour du dépassement" ?  Comment se calcule t-il ?  Quelles sont les solutions possibles pour sortir de ce déficit écologique ? Réponses avec Laetitia Mailhes porte-parole de Global Footprint Network en France et Pierre Cannet, Directeur de plaidoyer chez WWF France. 
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Depassement
Un incendie consume des terres récemment déboisées par des éleveurs de bétail près de Novo Progresso, dans l'État de Para, au Brésil, le 23 août 2020.
AP Photo/Andre Penner
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Cette année encore, l’humanité vit à crédit.  Actuellement il faudrait l'équivalent de 1.75 Terres pour régénérer ce que l'humanité consomme. Le "jour du dépassement" permet d'illustrer cette "dette écologique" de l'humanité à l'égard des ressources naturelles. 

Qu'est-ce que "le jour du dépassement" ? 

Nous consommons autant que si nous avions 1 planète 75 à notre disposition. 
Laetitia Mailhes, porte-parole de Global Footprint Network en France.
Laetitia Mailhes travaille pour Global Footprint Network.  L'ONG a inventé et a popularise la notion de "jour du dépassement".  "Le jour du dépassement indique une date dans l’année à partir de laquelle l’humanité a consommé toutes les ressources écologiques que la planète est capable de produire durant une année entière", explique Laetitia Mailhes. 
Empreinte écologique
Quantité de "biocapacité" exploitée en un an
Rapport commun Global Footprint Network et WWF
"Cette année cette date tombe le 28 juillet. Cela veut dire que durant les 156 jours qu’il reste d’ici le 31 décembre notre consommation de ressources renouvelables va consister à grignoter le capital naturel de la planèteCette date est aussi une autre manière de dire que nous consommons 75% davantage que ce que la planète peut produire de manière durable. Formulée différemment, nous consommons autant que si nous avions 1 planète 75 à notre disposition" poursuit la spécialiste.  

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Du 28 juillet au 31 décembre 2022, l’humanité s’apprête donc à consommer des ressources que la planète ne pourra pas régénérer. "Par exemple nous savons que nous émettons plus de CO2 que ce que les océans et les forêts sont capables d’absorber provoquant ainsi le réchauffement du climat. Nous détruisons les ressources halieutiques
en prélèvant davantage de poissons que ce que les écosystèmes marins sont capables de régénérer. Nous déforestons aussi plus vite que nous plantons d’arbres. Nous érodons davantage de sols arables que nous n’en développons", illustre Laetitia Mailhes.  
 

Comment calcule t'on "le jour du dépassement" ? 

Pour calculer le "jour du dépassement" il faut effectuer un ratio entre deux données, "la biocapacité" d'une part  et "l'empreinte écologique" d'autre part. Calculer le "jour du dépassement" implique donc de comprendre le sens de ces données. 

"La "Biocapacité" désigne la capacité des espaces biologiquement productifs existants à produire les ressources que nous utilisons", explique Laetitia Mailhes. Il s'agit donc des espaces naturelles mobilisables pour produire des ressources nécessaires à l'assouvissement des besoins humains (denrées alimentaires, textiles, énergie....). Au sein des organisations internationales, les ressources de la  "biocapacité" se calculent en "hectares globaux". Actuellement la "biocapacité" de la terre est évaluée à 12.1 milliard d'hectares globaux selon l'ONG Global Footprint Network. 

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L’autre élément de l’opération est « l’empreinte écologique ». Laetitia Mailhes définit cette notion comme "la surface de tous les espaces qui sont nécessaires à la production des ressources écologiques utilisées par les demandes concurrentes de l’humanité". L'empreinte écologique correspond donc à la surface effectivement utilisée chaque année pour assouvir les besoins humains. Cette surface s'exprime également en "hectares globaux". Actuellement "l'empreinte écologique" de la terre est estimé à 21 milliards d'hectares globaux. 

Pour calculer le "jour du dépassement" Global Footprint Network commence par calculer le nombre de "jours durables" dans une année.  Les "jours durables" correspondent au nombre de jours au cours desquels l'humanité consomme l'intégralité des ressources régénérables en une année.

Puis l'ONG soustrait le nombre de "jours durables" au nombre de jours dans une année pour déterminer le nombre de jour "à crédit". Durant les "jours à crédit" l'humanité consomme des ressources  que la planète ne peut reproduire.

En 2022, il faut 209 jours pour épuiser les ressources renouvelées dans l'année. Les 156 jours avant le 31 décembre sont donc "à crédit". Global Footprint Network soustrait donc les 156 jours "à crédit" à partir du 31 décembre et obtient ainsi la date du 28 juillet 2022.
 
Jour du dépassement calcul
Comment est calculé le jour du dépassement ? 
Biocapacité = Ce que la planète peut régénérer en un an (en hg)
Empreinte écologique = Ce que l'humain consomme en un an (en hg)
TV5Monde
 
Jour du dépassement calcul
Comment est calculé le jour du dépassement 
TV5Monde
   

Une évolution continue du "jour du dépassement"

 
 En 2022 la date intervient deux mois plus tôt qu'il y'a 20 ans. 
Laetitia Mailhes, porte-parole de Global Footprint Network en France
La date du 28 juillet pour désigner le "jour du dépassement" en 2022 pourrait évoluer ces prochaines années. "Chaque année nous calculons à nouveau la date du Jour du Dépassement pour toutes les années précédentes", avance Laetitia Mailhes. "Nous établissons ces calculs sur la base de l'édition la plus récente des Comptes nationaux d’Empreinte et de biocapacité, publiée sur data.footprintnetwork.org. Il est donc fréquent que la date annoncée pour l’année en cours soit modifiée dans les calculs que nous effectuons l’année suivante".  
 
Evolution jour du dépassement
Évolution du "jour du dépassement" de la Terre depuis 1971. 
Rapport commun Global Footprint Network et WWF France "Jour du dépassement de la Terre 2022"
Si cette date du 28 juillet est importante, elle n'est toutefois pas primordiale selon la porte parole France de l'ONG. "Ce que nous nous évertuons à expliquer c’est que la date précise, le jour précis pour une année donnée, est finalement moins important que la tendance générale qui se dégage au fil du temps" rappelle en effet Laetitia Mailhes. 

"Nos chiffres démontrent que nous avons basculé dans la "dette écologique" au début des années 1970. Depuis lors l’humanité épuise de plus en plus tôt les ressources biologiques de la terre. En 2022 la date intervient deux mois plus tôt qu’il y’a 20 ans". C'est cette tendance générale qu’il convient de retenir selon la porte-parole.   
 

Les principaux facteurs du "dépassement" 

 
Notre système agricole et alimentaire a perdu la tête.  
Pierre Cannet, responsable communication WWF France. 
La "cause majeure du dépassement" réside dans un "système agricole et alimentaire non-soutenable" selon un rapport commun des deux ONG, Global Footprint Network et WWF France. 

À lire : Rapport commun Global Footprint Network et WWF France

Pierre Canet au sein de WWF  cherche à faire connaître les conclusions de ce rapport.
"Il y a aujourd’hui une responsabilité centrale de l'alimentation dans l’empreinte écologique" affirme ainsi Pierre Cannet. "30 % de l'empreinte écologique totale est lié à l'alimentation" selon le spécialiste. Plus important encore selon le membre du WWF France, l’alimentation mobilise "55% de la Biocapacité de la planète". "Ce chiffre signifie que la moitié de la planète terre en terme de surface productive est utilisé pour nourrir l’humanité" insiste Pierre Cannet.

L'environnementaliste dénonce un "système agricole et alimentaire qui a perdu la tête". "Notre système agricole et alimentaire se fonde sur une surconsommation des ressources naturelles" explique-t-il. 

Ce système est considéré comme un "facteur majeur du dépassement" en raison des grandes quantités de ressources naturelles qu'il détruit. "80% de la déforestation mondiale est dûe aux besoins agricoles. L'agriculture représente également 70% de l'utilisation d'eau douce et les systèmes alimentaires mondiaux rejettent 27% des Gaz à effet de serre (GES)" selon les données du rapport. 
 
Conséquences des systèmes alimentaires
Les travers du système agricole et alimentaire mondial. 
Rapport commun Global Footprint Network et WWF France


Comment inverser la tendance ?

 
Si nous sommes capables chaque année de faire reculer de 6 jours la date du dépassement alors nous serons capables d’éliminer le déficit écologique d’ici 2050. 
Laetitia Mailhes, porte-parole de Global Footprint Network en France​.
Pour faire face à la surexploitation des ressources naturelles et lutter contre le "déficit écologique" Global Footprint Network vient de lancer un mouvement intitulé "#Move the date". "Selon nos calculs, si nous sommes capables chaque année de faire reculer de 10 jours la date du dépassement alors nous serons mieux en mesure de nous maintenir en-deca du plafond des 1,5oC d'augmentation moyenne des températures préconisé par le GIEC. Si nous sommes capables capable chaque année de faire reculer la date de 6 alors nous aurons éliminé le déficit écologique avant 2050.
 

Dans l'objectif de "ramener la date du dépassement au 31 décembre", les deux ONG identifient trois transformations majeures devant être menées. 

La première de ces transformations est "la modification des régimes alimentaires vers une réduction de consommation de protéines animales". En effet la quantité de "Biocapacité" réservée à la production animale est beaucoup trop élevée selon les représentants de WWF France. Ces derniers mobilisent l’exemple des productions céréalières de l’Union européenne dont "au moins la moitié est utilisée pour l’alimentation animale". 

La réduction de céréales liée à la production animale permettrait de réduire le "déficit écologique"selon les chiffres apportés par Global Footprint Network. "Réduire la consommation mondiale de viande de 50 % et remplacer ces calories par un régime végétarien, permettrait de retarder de 17 jours la date du dépassement" selon les estimations de l’ONG. 
 
Nous avons besoin de la prise de conscience de chacun et de chacune dans la manière de se positionner vis-à-vis de ces enjeux.Laetitia Mailhes, porte-parole de Global Footprint Network en France​.
Les deux ONG appellent également à stopper "la conversion des espaces naturels". Elle représente "l'un des plus importants facteurs d'émissions au niveau mondial soit environ 12% des sources annuelles de Gaz à effet de serre dans le monde (GES)" selon les ONG. Pour lutter contre les GES Global Footprint Network préconise "le reboisement de 350 millions d'hectares de forêts". Cette action permettrait de "retarder la date du dépassement de 8 jours". 

Enfin les deux ONG préconisent une transformation de la production vers "l’agroécologie". Le système alimentaire actuel implique un gaspillage massif. "Jusqu’à 40 % des aliments produits dans le monde ne sont jamais consommés" selon les chiffres du rapport. À l'inverse "la réduction du gaspillage alimentaire de 50% permettrait de retarder de 13 jours la date du dépassement" selon les deux organisations. 

"L'avenir est très bien compris à ce jourLe monde est modelé par le réchauffement climatique et la concurrence pour les ressources écologiques. Les solutions existent. Encore avons-nous besoin de la prise de conscience de chacun et de chacune dans la manière de se positionner vis-à-vis de ces enjeux, à commencer par les décideurs, résume Laetitia Mailhes.