Jungle de Calais : l’évacuation vue par les ONG

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Évacuation Calais
Des migrants quittent la Jungle de Calais lundi 24 octobre 2016 après s'être enregistrés pour rejoindre un centre d'accueil et d'orientation en France. 
© AP Photo/Emilio Morenatti
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Lundi 24 octobre 2016 a débuté le démantèlement du camp de migrants communément appelé la « Jungle de Calais » dans le nord de la France. Comment se passe l’opération qui doit durer toute la semaine ? Témoignages des associations France Terre d’Asile et Médecins Sans Frontières, présentes à Calais.
Soudanais, Ethiopiens, Erythréens, Afghans, ils rêvent de Grande Bretagne, ce sera n’importe où en France. Sur décision des pouvoirs publics français, une vaste opération de démantèlement de la « Jungle de Calais », le plus grand bidonville de France, a commencé lundi 24 octobre 2016. 

L’opération concerne entre 6000 et 8000 migrants, dont certains sont installés dans le camp depuis 18 mois. Quatre jours avant le démantèlement de la « Jungle de Calais », plusieurs ONG et élus britanniques ont exprimé leur inquiétude face au démantèlement et appelé le ministre de l’intérieur français Bernard Cazeneuve, à assurer la sécurité des migrants.
 

Sur la base du volontariat


« Pour l’instant, l’évacuation se passe de manière très paisible. Plusieurs personnes sont venues spontanément ce matin se faire enregistrer », explique Pierre Henry, Directeur général de France Terre d’Asile. L’enregistrement se fait dans un hangar à 300 mètres du camp : « L’ouverture était prévue à 8h00 mais dès 6h00, des migrants étaient présents pour commencer leur enregistrement », précise Franck Esnee, chef de mission à Médecins Sans Frontières (MSF).
 
Info Calais
Répartition prévue des migrants de Calais dans les centres d'accueil et d'orientation
© Martine Bruneau/TV5MONDE

Environ 1500 personnes sont parties en autocars depuis le début de la journée, direction des centres d’accueil et d’orientation (CAO) dans toute la France « C’est conforme à nos attentes, et finalement assez logique que ces personnes veuillent simplement fuir la misère, le froid, la violence qui peut régner dans ce bidonville », souligne Pierre Henry. « Ces migrants nous disent qu’ils sont contents de partir pour aller dans un lieu digne avec un toit sur la tête, des sanitaires, des douches, de quoi manger trois fois par jour et être accompagnés dans leur demande d’asile », poursuit-il. 
 
Les départs enregistrés ce matin sont tous des départs volontaires. Mais l’afflux dans la matinée a désorganisé le système d’enregistrement par files d’attente, contraignant l’évacuation prioritaire des personnes vulnérables et mineurs isolés, dont certains devront passer une nuit de plus dans la « Jungle ». Outre ce problème relevé par MSF, l’ONG se réjouit du bon déroulement jusqu’à présent de l’opération: « Nous saluons d’ailleurs le peu de forces de police visibles, évitant de ressentir trop d’oppression », ajoute Franck Esnee.  
 

Quelles suites ?


Pour l’instant, aucune résistance n’a été observée. « Nous verrons cela dans les prochains jours, car il est probable que certains (migrants) ne veuillent pas partir (malgré) la décision des pouvoirs publics de mettre fin à l’existence de ce bidonville. Je pense qu’ils feraient une grossière erreur de ne pas prendre l’offre d’hébergement qui leur est proposée. Nul n’a intérêt au maintien de cette structure : c'est ce que nous répéterons de manière intensive aux migrants présents », indique le Directeur général de France Terre d’Asile. 
 

Pour MSF, une question perdure néanmoins : celle des migrants qui ne veulent pas renoncer à leur projet de s’installer en Angleterre. « On doit être attentifs à ces personnes et être en mesure de leur offrir des possibilités », appuie Franck Esnee. Environ 1000 à 1500 migrants ont fui le démantèlement dans les dernières semaines, selon l’ONG. « Il ne faudrait surtout pas quitter le démantèlement pour entrer dans une chasse aux migrants dans les Hauts-de-France (région du Nord de la France), ce serait une erreur et donnerait lieu à une expression trop violente de la situation. On doit continuer de penser l’accueil et le transit des personnes à Calais et dans la région », affirme le chef de mission de MSF, qui craint par ailleurs la création de nouveaux campements. 
 

La question des mineurs isolés


La principale inquiétude de MSF ? La situation des enfants non accompagnés ou mineurs isolés. Après être évalués au faciès et quelques minutes d'entretien, certains mineurs risquent de ne pas être reconnus comme mineurs mais comme majeurs. Pour Franck Esnee, « s’ils continuent à se revendiquer mineurs, on doit pouvoir une fois en centre d’accueil et d’orientation, leur garantir un accompagnement juridique pour avoir accès à un juge pour enfants et faire un recours auquel ils ont droit. »

Le démantèlement laisse ainsi de nombreuses questions en suspend : « Il y a une opération humanitaire en cours mais nul ne prétend que celle-ci va régler la question migratoire à Calais. C’est une autre problématique qui devra mettre le gouvernement français et britannique autour d’une table pour faire en sorte que la relation soit plus équilibrée entre les deux pays », conclut ainsi Pierre Henry de France Terre d’Asile.