Fil d'Ariane
Cette 16ème visite du premier ministre canadien sur le sol américain depuis son arrivée au pouvoir vise à augmenter les échanges commerciaux entre le Canada et les Etats-Unis. Mais aussi à promouvoir le libre-échange alors qu’entrent dans une phase cruciale les négociations pour renouveler l’ALENA, l’Accord de Libre-Échange nord-américain qui lie les Américains, Canadiens et Mexicains.
Une phase cruciale, car les États-Unis ont fixé au 17 mai la date butoir pour qu’une nouvelle entente puisse être signée en 2018. Pourquoi le 17 mai ? Questions de logistique par rapport aux membres du Congrès et aux élections de mi-mandat qui se tiennent en novembre prochain.
Si une entente intervient entre les trois partenaires après le 17 mai, ce seront les membres du Congrès issus de ces élections qui devront voter et non pas ceux actuellement en poste. Ce qui pourrait changer bien des choses, surtout si les démocrates gagnent.
Soyons réalistes : rien ne sera conclu le 17 mai. Les parties sont rentrées en fin de semaine dernière dans leur pays respectif après des séances intenses de négociations. « Nous avons fait de bons progrès, des progrès considérables, a déclaré le 11 mai Chrystia Freeland, ministre canadienne des Affaires étrangères, nous prévoyons nous rencontrer à nouveau quand ce sera nécessaire, et ce sera bientôt ». Chrystia Freeland, qui pilote de main de maître la délégation canadienne et manie avec perfection la main de fer dans un gant de velours, a précisé que la date limite du 17 mai n’allait pas influencer le Canada à signer n’importe quoi : « Ce que nous voulons, c’est une bonne entente. Pas n’importe quelle entente. Les négociations prendront le temps qu’il faut pour parvenir à une bonne entente ».
Du côté américain, on continue de chauffer le chaud et le froid sur ces pourparlers et bien malin celui qui pourrait prédire si l’ALENA va survivre ou non. Encore la semaine dernière, le président Trump a qualifié l’accord de « terrible » alors qu’il rencontrait des cadres d’entreprises du secteur automobile : « Le Mexique et le Canada ne veulent pas perdre la poule aux œufs d’or. Mais moi, je représente les États-Unis. Je ne représente ni le Canada ni le Mexique. L’ALENA a été une catastrophe pour les États-Unis. Nous verrons si nous pouvons en venir à une entente raisonnable ».
La question du secteur automobile est justement l’un des enjeux clés de ces négociations. C’était le principal sujet des discussions la semaine dernière à Washington. Les États-Unis veulent que les pièces des automobiles vendues sur le continent proviennent davantage des usines américaines : ils réclament une proportion de 50%, ce qui est loin de convenir aux Mexicains où plusieurs des géants de l’industrie automobile nord-américaine ont des usines de production.
Du côté canadien, c’est le principe de la « gestion de l’offre » qui pose plus problème : les Américains réclament un libre accès au marché agricole canadien pour leurs produits, plus spécifiquement pour le lait, les œufs et la volaille. Des mécanismes limitent en effet l’accès de ces produits américains au marché canadien, et le gouvernement Trudeau l’a dit et répété, cette question de la « gestion de l’offre » n’est pas négociable.
C’est dans ce contexte que le premier ministre Trudeau effectue cette visite dans le nord-est des États-Unis : il va vanter de nouveau les mérites du libre-échange auprès de tous les interlocuteurs qu’il va rencontrer. Dans son discours devant l’Economic Club de New York, il vante les avantages de venir investir au Canada.
Mêmes messages lors de ses rencontres avec des grandes entreprises américaines comme Honeywell, PepsiCo et AppNexus, ainsi qu’avec des entrepreneurs en innovation technologique au MIT ( Massachussets Institute of Technology ) de Boston.
Un voyage à vocation économique donc pour le premier ministre canadien qui a déclaré, avant son départ, qu’il croyait toujours en la conclusion imminente de ces négociations de l’ALENA : « Il y a tout à fait un possible dénouement imminent qui serait bon pour les États-Unis, bon pour le Canada, bon pour le Mexique — et nous sommes très près. Nous allons continuer au cours des prochains jours à travailler dur pour tenter d’y arriver. Nous savons qu’une entente n’est pas conclue tant qu’elle n’est pas conclue. Et nous continuerons de demeurer optimistes et déterminés dans nos efforts de résolution ».