Fil d'Ariane
Le mouvement de colère, débuté dimanche 2 janvier, dans la ville de Janaozen, en province en raison d'une hausse des prix du gaz, s'est ensuite étendu à la plus grande ville du pays, Almaty, où il a viré à l'émeute. Les manifestants se sont emparés de bâtiments administratifs et brièvement de l'aéroport, tandis que les pillages se sont multipliés.
Face au chaos, la Russie voisine et ses alliés de l'Organisation du traité de sécurité collective (OTSC) ont annoncé jeudi 6 janvier l'envoi du premier contingent d'une "force collective de maintien de la paix" au Kazakhstan, à la demande de ce pays autoritaire d'Asie centrale.
Comprenant des troupes russes, bélarusses, arméniennes, tadjikes et kirghizes, leur mission sera de "protéger les installations étatiques et militaires" et "d'aider les forces de l'ordre kazakhes à stabiliser la situation et rétablir l'état de droit".
"Une force collective de maintien de la paix de l'Organisation du traité de sécurité collective (OTSC) a été envoyée au Kazakhstan pour une période limitée afin de stabiliser et de normaliser la situation", a indiqué cette alliance militaire dans un communiqué diffusée sur Telegram par la porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova.
Le président kazakh, Kassym-Jomart Tokaïev, a jusque-là échoué à calmer les protestations, malgré une concession sur le prix du gaz, la démission du gouvernement et l'instauration de l'état d'urgence et d'un couvre-feu nocturne dans le pays.
(Re)voir Kazakhstan : le président a limogé son gouvernement
Jeudi 6 janvier, la police a fait état de "dizaines" de manifestants tués alors que ceux-ci tentaient de s'emparer de bâtiments administratifs et de commissariats.
Le ministère de la Santé a rapporté plus d'un millier de blessés, dont 62 en soins intensifs. Treize membres des forces de l'ordre ont été tués, dont deux ont été retrouvés décapités, et 353 blessés, selon la télévision publique.
Les images diffusées dans les médias et sur les réseaux sociaux ont montré des scènes de chaos avec des magasins pillés et certains bâtiments administratifs investis et incendiés à Almaty, tandis que des tirs d'arme automatique pouvaient être entendus.
Sur fond de problèmes dans le fonctionnement de l'internet, la porte-parole de la Banque centrale Oljassa Ramazanova a annoncé la suspension du travail de toutes les institutions financières du pays.
Les aéroports d'Almaty, des grandes villes d'Aktobe et d'Aktau, et celui de la capitale Nur-Sultan, ne fonctionnaient pas jeudi 6 janveir après déjà l'annulation des vols la veille.
Résultat du chaos, l'uranium, dont le Kazakhstan est l'un des principaux producteurs mondiaux a vu son prix fortement augmenter, tandis que le cours des actions des entreprises nationales s'est effondré à la bourse de Londres. Le pays est une place forte du "mining" de Bitcoin, qui connaît également une forte chute.
Le président kazakh a introduit jeudi une série de mesures d'urgence visant à "stabiliser le travail des services publics, des transports et infrastructures", à renforcer la préparation des forces de sécurité et à rétablir le travail des banques.
L'exportation de certains types de produits alimentaires a été interdit afin de stabiliser les prix.
Kassym-Jomart Tokaïev avait assuré mercredi 5 janveir que des "gangs terroristes" ayant "reçu un entraînement approfondi à l'étranger" dirigent les manifestations.
"Des groupes d'éléments criminels battent nos soldats, les humilient, les traînant nus dans les rues, agressent les femmes, pillent les magasins", a-t-il dénoncé dans une allocution télévisée mercredi.
Au cours des nuits précédentes, la police avait tiré grenades assourdissantes et gaz lacrymogène contre la foule sans parvenir à l'empêcher de prendre le contrôle de certains bâtiments administratifs.
Des médias locaux et témoins sur les réseaux sociaux ont rapporté que les manifestants se sont notamment dirigés vers la mairie et la résidence présidentielle à Almaty, qu'ils ont incendié. Cinq chaînes de télévision ont vu leurs locaux être saccagés.
Il était impossible jeudi 6 janvier d'avoir une vision complète de la situation dans le pays, journalistes et témoins ne pouvant plus être joints par internet ou par téléphone, qui étaient coupés.
La colère des manifestants est notamment dirigée vers l'ancien président Noursoultan Nazarbaïv, 81 ans, qui a régné sur le pays de 1989 à 2019 et qui conserve une grande influence. Il est considéré comme le mentor du président actuel, Kassym-Jomart Tokaïev.
Le Kazakhstan, plus grande des cinq ex-républiques soviétiques d'Asie centrale et principale économie de la région, comprend une importante minorité russe et revêt une importance économique et géopolitique cruciale pour la Russie.
Moscou a appelé mercredi 5 janvier à résoudre la crise par le dialogue "et non par des émeutes de rues et la violation des lois".
Les Etats-Unis et l'Union européenne ont pour leur part demandé de la "retenue" à toutes les parties.