La joute verbale entre le dirigeant nord-coréen Kim Jong-Un et le président américain Donald Trump se poursuit, quelques heures après l'annonce par Washington d'un renforcement de ses sanctions contre Pyongyang. Soumis à une forte pression à l'ONU, avec de nouvelles sanctions en vue, Pyongyang continue de défier le monde...
Quelques heures après que Washington eut annoncé un renforcement des sanctions contre Pyongyang, le leader nord-coréen a livré une contre-attaque verbale très personnelle contre le président américain qui l'avait qualifié à la tribune des Nations unies d'
"homme-fusée" et qui avait menacé la Corée de Nord de
"destruction totale".
Donald Trump est un homme
"mentalement dérangé" qui paiera
"cher" pour ses menaces contre la Corée du Nord, a affirmé vendredi Kim Jong-Un, tandis qu'un de ses ministres évoquait un possible essai de bombe H dans le Pacifique. Trump
"m'a insulté, moi et mon pays, sous les yeux du monde entier, et a livré la plus féroce déclaration de guerre de l'histoire", a déclaré le leader nord-coréen, selon une dépêche de l'agence officielle nord-coréenne KCNA, accompagnée d'une photo montrant Kim Jong-Un assis derrière un bureau et tenant une feuille de papier.
Je ferai payer cher à l'homme à la tête du commandement suprême aux Etats-Unis son discours. Je disciplinerai par le feu le gâteux américain mentalement dérangé.Kim Jong-Un, dirigeant nord-coréen, parlant de Donald Trump
En marge de l'Assemblée générale des Nations unies à New York, le chef de la diplomatie nord-coréenne Ri Yong-ho a déclaré aux journalistes que Pyongyang pourrait désormais envisager de faire exploser une bombe à hydrogène en dehors de son territoire.
"Je pense qu'il pourrait y avoir un essai de bombe H d'un niveau sans précédent, peut-être au-dessus du Pacifique", a-t-il dit, précisant que la décision revenait à Kim Jong-Un.
Sanctions imposées par Washington
Les déclarations incendiaires du dirigeant nord-coréen sont intervenues peu après que Donald Trump eut annoncé qu'il avait signé un ordre exécutif visant à interdire aux entreprises d'opérer aux Etats-Unis si elles travaillaient dans le même temps avec la Corée du Nord.
Donald Trump a ainsi donné son feu vert à d'éventuelles sanctions contre des
"personnes et sociétés qui financent et facilitent les échanges avec la Corée du Nord" dans plusieurs domaines dont la construction, l'énergie ou le textile.
"Les institutions financières étrangères sont maintenant averties qu'elles doivent choisir entre faire des affaires avec les Etats-Unis ou avec la Corée du Nord", a explicité le secrétaire américain au Trésor Steve Mnuchin.
Ce décret présidentiel ouvre la voie à des mesures qui pourront à l'avenir cibler notamment des banques, un moyen de faire pression sur la Chine pour qu'elle lâche définitivement Pyongyang. Washington refuse de négocier avec Pyongyang, en dépit des appels en ce sens lancés par la Chine et la Russie, qui tolèrent de moins en moins le ton belliqueux de Donald Trump.
"Les menaces répétées contre les Etats-Unis, et maintenant toute la communauté internationale" vont
"renforcer notre détermination" contre les ambitions nucléaires nord-coréennes, a assuré de son côté le secrétaire d'Etat américain Rex Tillerson lors d'une réunion du Conseil de sécurité des Nations unies sur la non-prolifération.
Sanctions internationales contre Pyongyang
Il s'agit de la dernière mesure en date pour tenter d'obliger la Corée du Nord à renoncer à ses programmes nucléaire et balistique interdits, qui ont connu une spectaculaire accélération ces derniers mois. Après avoir lancé deux missiles intercontinentaux en juillet, la Corée du Nord a réalisé le 3 septembre un sixième essai nucléaire, affirmant avoir testé une bombe H susceptible d'être montée sur un missile. Le Conseil de sécurité de l'ONU a voté dans la foulée un huitième train de sanctions contre Pyongyang.
Jeudi, Donald Trump a aussi salué une décision
"très courageuse" et
"inattendue" de Pékin: selon lui, la Banque centrale chinoise a ordonné à ses banques de juguler leurs échanges avec les Nord-Coréens. La Chine n'a pas confirmé dans l'immédiat une telle décision, qui serait un coup dur pour le régime nord-coréen, Pékin étant, et de loin, son principal partenaire commercial.
A Bruxelles, l'Union européenne a parallèlement trouvé un accord sur des sanctions supplémentaires interdisant aux entreprises européennes d'exporter du pétrole vers le pays reclus d'Asie de l'Est et d'y investir.
Ce nouveau tour de vis intervient seulement dix jours après l'adoption d'un huitième train de sanctions par le Conseil de sécurité de l'ONU, en réponse à un nouvel essai nucléaire de Pyongyang, son plus puissant à ce jour. Washington, qui souhaitait un embargo total sur l'approvisionnement en pétrole de la Corée du Nord, a dû revoir ses ambitions à la baisse pour obtenir l'aval de Pékin et Moscou, et ainsi l'unanimité des grandes puissances.
"Nous avons quelques indications selon lesquelles il commence à y avoir des pénuries d'essence", mais il faut
"du temps" pour que les sanctions marchent, a assuré Rex Tillerson.
Inquiétude et division face à l'escalade
Washington et ses alliés espèrent que ces pressions obligeront Pyongyang à négocier l'arrêt de ses programmes militaires. Au-delà de l'unité affichée pour adopter ces sanctions, les grandes puissances restent divisées sur la manière de mettre fin à la crise. Tout en condamnant les agissements de Pyongyang, la Russie et la Chine ont aussi mis en garde les Etats-Unis contre toute tentation militaire, lors d'allocutions devant l'Assemblée générale de l'ONU sur laquelle plane cette année le spectre d'une guerre avec la Corée du Nord.
A la tribune de l'ONU, le ministre chinois des Affaires étrangères Wang Yi a estimé que
"la négociation" était
"la seule solution" et a appelé tous les acteurs, Américains et Nord-Coréens en tête, à
"se réunir". Plus direct, son homologue russe Sergueï Lavrov a critiqué les menaces martiales américaines tout comme
"l'aventurisme de Pyongyang".
L'hystérie militaire mène non seulement à l'impasse mais aussi à la catastrophe.Sergueï Lavrov, ministre russe des Affaires étrangères
Le chef de la diplomatie russe a aussi relancé la proposition de Moscou et Pékin pour un double moratoire: arrêt des expérimentations nord-coréennes mais aussi des exercices militaires américano-sud-coréens. Washington a jusqu'ici rejeté cette idée.
Donald Trump s'est entretenu jeudi à New York avec le Premier ministre japonais Shinzo Abe et le président sud-coréen Moon Jae-In, dont les pays sont en première ligne face à Pyongyang.
M. Moon a plaidé à l'ONU pour un apaisement des tensions afin d'éviter
"un affrontement militaire accidentel". La Corée du Sud ne veut pas
"l'effondrement" de la Corée du Nord, a-t-il assuré, mais la communauté internationale doit
"riposter de façon plus vigoureuse" en cas de
"nouvelles provocations" nord-coréennes.
Mercredi, Shinzo Abe avait lui directement apporté son soutien à la position de Washington, qui répète que
"toutes les options sont sur la table", y compris militaires. Pour le dirigeant japonais, dont l'archipel a été récemment survolé à deux reprises par des missiles nord-coréens
"La gravité de la menace est sans précédent" et l'heure est à
"la pression" plus qu'au
"dialogue".