Fil d'Ariane
Le Kosovo est la proie de fortes tensions provoquées par l'élection de maires albanais dans des localités à majorité serbe. La minorité serbe refuse de reconnaître l'autorité du gouvernement kosovar. Des heurts ont éclaté dans le nord du pays blessant une trentaine de soldats de l'Otan. L'Union européenne tente d'apaiser la situation sans succès.
Des soldats polonais appartenant à la KFOR montent la garde près de la mairie de Zvecan dans le nord du Kosovo ce 30 mai 2023.
Le chef de la diplomatie de l'Union Européenne, Josep Borrell, a appelé ce 30 mai Serbes et Kosovars à "désamorcer les tensions immédiatement et sans condition" après les heurts qui ont blessé une trentaine de soldats internationaux.
Josep Borrell s'est entretenu au téléphone avec le Premier ministre du Kosovo, Albin Kurti, et le président serbe, Alexander Vucic et les a avertis que les États membres de l'UE "discutent de possibles mesures à prendre si les parties continuent de résister aux mesures proposées en vue d'une désescalade" .
De nombreux membres de la communauté serbe, majoritaire dans quatre villes du nord du pays, ne reconnaissent par l'autorité de Pristina et sont fidèles à Belgrade. Les Serbes ont boycotté les municipales d'avril dans ces localités, ce qui a abouti à l'élection de maires albanais avec une participation de moins de 3,5%.
Ces édiles ont été intronisés la semaine dernière par le gouvernement d'Albin Kurti, faisant fi des appels à l'apaisement lancés par l'Union Européenne et les États-Unis.
Le 29 mai à Zvecan, les manifestants serbes avaient été dans un premier temps repoussés par les forces kosovares qui ont fait usage de gaz lacrymogène. La KFOR avait ensuite tenté de séparer les deux parties avant de commencer à disperser la foule. Des protestataires avaient répliqué en lançant des pierres et des cocktails Molotov en direction des soldats. Une trentaine d'entre eux ont été blessés et Belgrade a fait état de dizaines de blessés parmi les protestataires.
Pristina a organisé ce scrutin pour combler le vide laissé par la démission massive des Serbes en novembre des institutions locales communes. Ces derniers protestaient entre-autres choses conte l’interdiction pour les Serbes vivant au Kosovo d'utiliser des plaques d'immatriculation délivrées par Belgrade.
Des centaines de policiers serbes intégrés à la police kosovare, ainsi que des juges, procureurs et autres fonctionnaires avaient quitté leurs postes pour protester contre cette décision désormais suspendue.
Ignorant les appels insistants à la retenue de l'Union européenne et des Etats-Unis, le gouvernement kosovar a intronisé ces élues la semaine dernière, ce qui a mis le feu aux poudres.
La bataille des maires touche en fait à la question de l'indépendance du Kosovo proclamée en 2008, après une guerre durée plus de dix ans et qui fit environ 13.000 morts, en majorité des Kosovars albanais.
Le Kosovo est reconnu par une centaine de pays, dont la plupart des Occidentaux, et depuis peu par Israël.
Pour le Premier ministre kosovar Albin Kurti, la souveraineté est intangible et rien ne peut être discuté sans que la réalité de l'indépendance ne soit reconnue.
Mais de nombreux Serbes considèrent le Kosovo comme leur berceau national et religieux. Belgrade n'a jamais admis l'indépendance, pas plus que la Russie et la Chine, ce qui prive Pristina d'une place à l'ONU. Cinq membres de l'Union européenne sont également sur cette ligne.
Le jeune État a cependant été admis au sein de la Banque mondiale, du Fonds monétaire international, du Comité international olympique, de la Fédération internationale de football et de l'Union des associations européennes de football.
La minorité serbe compte environ 120.000 personnes (sur une population de 1,870 000 habitants), largement fidèles à Belgrade, dont un tiers résident dans le nord du Kosovo, près de la frontière avec la Serbie qui les soutient financièrement. Les autres membres de la minorité sont dispersés dans une dizaine d'enclaves.
Dans ces zones, le drapeau serbe flotte partout, les gens utilisent le dinar serbe. Toute intervention policière est source de tensions. Les habitants du nord du Kosovo ne paient ni l'eau, ni l'électricité, ni les impôts, un manque à gagner de dizaines de millions d'euros.
Un accord de 2013 prévoyant la création d'une association de dix "municipalités" où vit la minorité serbe est resté lettre morte, Belgrade et Pristina ne s'entendant pas sur leurs compétences. Nombre de Kosovars albanais craignent la création d'un gouvernement parallèle contrôlé par Belgrade.
La Russie appelé l'Occident à mettre fin à sa "propagande mensongère" sur les violences au Kosovo en réclamant des "mesures décisives de désescalade".
"Il faut des mesures décisives de désescalade et non pas des demi-mesures", le ministère russe fait allusion à celles proposées par les États-Unis.
Créer une "Communauté des municipalités serbes" est "la condition clé pour un dialogue qui seul peut donner une chance d'assurer la stabilité et la sécurité dans la région", souligne la diplomatie russe.
"Il n'est pas encore trop tard pour faire machine arrière dans cette histoire d'élections municipales truquées le 23 avril, si les Occidentaux sont vraiment préoccupés par la paix et la stabilité", à rajouté le Kremlin. "Une grande explosion menace (de se produire) au cœur de l'Europe", a affirmé le 29 mai le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov, lors d'une visite au Kenya.
Alors que la guerre fait rage en Ukraine attaquée par la Russie, l'Union Européenne a multiplié les pressions sur les deux camps pour qu'ils s'accordent et éviter ainsi un autre conflit en Europe.
Depuis les bombardements de l'Otan qui mirent fin en 1999 au conflit entre forces serbes et guérilléros kosovars, les relations entre Pristina et Belgrade vont de crise en crise.