Kurdes de France : “Nous sommes tous liés les uns aux autres“

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Kurdes de France : “Nous sommes tous liés les uns aux autres“
Depuis la mi-septembre, les rassemblements pour la défense des Kurdes de Kobané se multiplient en France. Ici, à Marseille, le 7 octobre. (Photo AFP/Boris Horvat)
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En France, les manifestations de soutien aux Kurdes de Kodané assiégés se multiplient. Des associations culturelles ou politiques lancent des appels aux dons et enjoignent la communauté internationale à agir davantage sur le terrain.
"C’est le côté humain qui nous dit d’agir pour affirmer que nous nous soutenons et que nous devons tous être solidaires les uns les autres, si nous voulons être efficaces." Murat Polat est chargé des relations extérieures au Conseil démocratique kurde de France. "Nous", ce sont les 200 000 Kurdes qui habitent en France. Depuis le début du siège de Kobané, troisième ville kurde de Syrie, des associations kurdes multiplient les rassemblements, manifestations et les appels aux dons, en soutien à tous ceux qui sont "là-bas", sur le terrain, face aux djihadistes du groupe "Etat islamique". 
 
Pour Murat Polat, cette solidarité dépend de plusieurs causes : "Pendant très longtemps, la politique internationale a cherché à diviser les Kurdes. Nous avions du mal à nous coordonner et nous avons parfois été ennemis entre nous. Mais aujourd’hui, notamment et surtout grâce à l’Organisation de libération kurde, de quel parti ou pays que nous soyons, nous sommes tous liés les uns aux autres. C’est pourquoi, aujourd’hui, quelque chose qui se passe à Kobané me concerne, et concerne aussi un Kurde d’Allemagne ou du Canada. Enfin, la frontière entre la Syrie et la Turquie est artificielle. Certaines familles se trouvent de part et d’autre de cette frontière."
 
En France, 80% des Kurdes sont des réfugiés. C'est, après l'Allemagne, le pays d'Europe où ils sont le plus nombreux. Alors, compare Ludovic, un manifestant de 24 ans interrogé par l'AFP, "c’est comme si vous demandiez à un juif s’il est sensible à la Shoah..."

Appel au dons et quête de soutiens politiques

Dans l'Hexagone, cette solidarité se traduit en partie par des appels aux dons. Médicaments, vêtements, couvertures, dons en argent... les demandes d'ordre humanitaire sont multiples. Reste, une fois la collecte effectuée, à ce que toutes ces aides parviennent à destination. Une tâche qui, de prime abord, peut sembler compliquée alors que l'armée turque déployée le long de la frontière syrienne limite considérablement l'accès à Kobané. Pourtant, pour Murat Polat, cela reste possible : "Il y a aussi bien de jeunes Kurdes de Turquie qui forcent le passage pour rejoindre les combattants du YPG, que d'autres filières via la Turquie, le Kurdistan irakien, voire la Syrie. Nous y arrivons, même si ce n’est pas toujours sans difficulté."
 
Au-delà de ces dons et de la multiplication des rassemblements, les Kurdes de France cherchent des soutiens, notamment politiques. "C’est une question d’humanisme, insiste Murat Polat. Aujourd’hui, si on veut faire face à un massacre, on n’a pas forcément besoin d’être Kurde pour se mobiliser. Alors, à notre niveau à nous les Kurdes et à tous ceux qui sont impliqués, ce que nous pouvons faire, c'est aller voir nos élus, nos députés, notamment socialistes, vu que c'est le Parti socialiste qui est au gouvernement aujourd'hui, pour faire pression sur ce gouvernement. Nous pouvons leur dire qu'il est de leur devoir d'agir pour éviter ce massacre."
 
"Agir". Pour lui-même et les Kurdes qui nourrissent les cortèges manifestant en France, l'aide fournie aux assiégés de Kobané doit aller plus loin. Si les frappes aériennes américaines sur les positions djihadistes se sont poursuivies ce jeudi pour soutenir les combattants kurdes qui contrôlent encore pour l'instant la ville, ils enjoignent les gouvernements occidentaux à déployer davantage de moyens militaires. "Aujourd’hui, c’est une guerre qu’il y a à Kobané. C’est d’une aide militaire dont elle a besoin, par des attaques aériennes plus intenses et coordonnées, et la fourniture d’équipements militaires pour faire face aux chars et aux canons."
Kurdes de France : “Nous sommes tous liés les uns aux autres“
Les manifestations se déroulent dans plusieurs villes de France, dont la capitale, Paris. Ici, le 7 octobre (Photo AFP/ Stéphane de Sakutin)

Des affrontements en Allemagne

B.W. (avec AFP)
Parmi les pays d'Europe, l'Allemagne est celui qui accueille le plus de Kurdes. Des incidents s'y sont déroulé lors de manifestations, à Hambourg et à Celle, au nord de Hanovre, opposant Kurdes et militants islamistes. Les derniers en date se sont produits dans la nuit de mercredi à jeudi à Hambourg), sans atteindre toutefois les proportions de la nuit précédente.
 
Une personne a été blessée lors de heurts, après une manifestation pacifique ayant rassemblé près de 1 300 personnes pour dénoncer les attaques du groupe "État islamique" contre des villes kurdes en Syrie, a indiqué un porte-parole de la police de Hambourg.
 
Au total 1 300 policiers avaient été mobilisés dans la ville portuaire du nord de l'Allemagne - où vivent environ 35 000 Kurdes -, après les affrontements de la veille qui avaient fait 14 blessés, dont quatre graves. A Celle, neuf personnes, dont quatre membres de forces de l'ordre avaient été blessées dans des heurts similaires.
 
Ces violences ont ravivé les craintes d'une importation des conflits syrien et irakien en Allemagne, dont la communauté kurde, forte de plus d'un million de personnes selon l'association des Kurdes d'Allemagne, est considérée comme la plus importante en Europe.
Selon le quotidien allemand Frankfurter Allgemeine Zeitung paru jeudi, la chancelière Angela Merkel s'est inquiétée de la passivité de la Turquie face à l'organisation "Etat islamique" qui pourrait avoir des conséquences sur la situation sécuritaire en Allemagne.
                  
L'Allemagne compte également la plus grosse communauté turque à l'étranger, avec près de trois millions de personnes turques ou d'origine turque, selon les statistiques officielles.