Fil d'Ariane
La Belgique devient un partenaire supplémentaire du programme Scaf du futur avion de combat européen développé par la France, l'Allemagne et l'Espagne. Mais les négociations entre les différents partenaires sur le partage des tâches industrielles s'annoncent compliquées à l'horizon.
Le 17 juin 2019, lors du salon du Bourget, l'Espagne, la France et l'Allemagne dévoilaient une maquette de l'avion de combat européen du futur.
"Je suis heureux de pouvoir vous confirmer la rejointe prochaine par la Belgique du programme Scaf, initialement comme observateur", a annoncé le président français Emmanuel Macron, "saluant une évolution majeure".
Le Conseil des ministres belge avait donné son aval vendredi 17 juin pour que la Belgique rejoigne cet ambitieux projet lancé en 2017 et visant à remplacer les Eurofighter allemands et espagnols ainsi que les Rafale français à partir de 2040.
Programme phare de la coopération franco-allemande en matière d'industrie de défense, que l'Espagne a ensuite rejoint, ce programme témoigne de la volonté européenne de rester dans la course face aux Américains et à un programme concurrent, le GCAP (ex-Tempest) qui rassemble le Royaume-Uni, l'Italie et le Japon.
Lancé en 2017, le Système de combat aérien futur (Scaf), dirigé par la France, est un "système de systèmes". Il s'articule autour de l'avion avec des drones accompagnateurs, le tout connecté avec les autres moyens militaires engagés dans une opération.
L'ampleur du projet - 100 milliards d'euros, selon les experts - est telle qu'il ne pouvait se concevoir qu'au niveau européen, le mener à l'échelle nationale n'étant pas envisageable.
Mais il a longtemps peiné à avancer, bloqué de nombreux mois sur la répartition de la charge de travail entre industriels représentant les intérêts des différents pays.
Un accord a été conclu le 1er décembre entre le français Dassault Aviation et son partenaire Airbus qui représente les intérêts de Berlin et Madrid. Celui-ci a permis d'enclencher la phase dite 1B du programme visant à développer les technologies qui seront embarquées à bord d'un démonstrateur, sorte de pré-prototype, qui doit voler en 2028-2029.
La phase 2, qu'il reste à négocier, prévoit la construction proprement dite du démonstrateur et ses essais en vol. Ces deux phases représentent un investissement total de près de 8 milliards d'euros, selon le ministère français des Armées.
La Belgique conservera ce statut d'observateur "dans un premier temps puisqu'on est dans une phase relativement complexe" de conception et de production qui ne se prête pas à une participation plus directe, a précisé l'Elysée.
La participation de la Belgique au programme permettra à ses industriels - qui poussaient à rejoindre le Scaf ou le GCAP - de participer aux discussions pour les suivantes.
Bruxelles est prêt à y injecter 360 millions d'euros, dont 10% à charge des industriels, a rapporté l'agence Belga.
Comme l'Allemagne, la Belgique a opté pour le F-35 américain dans le cadre de la mission nucléaire de l'Otan. Mais plus tardivement que d'autres pays européens qui ont pu obtenir quelques retombées industrielles du méga-programme américain.
Fin mai, le patron de Dassault Aviation Eric Trappier s'était dit opposé à un "élargissement rapide" à d'autres partenaires.
"On fait la phase 1B, on obtient un contrat phase 2 avec les mêmes, parce que sinon, on rouvrira tout le partage des tâches" entre les trois pays, avait-il affirmé devant des sénateurs. "Je ne vois pas pourquoi je donnerais du travail aux Belges aujourd'hui", avait-il ajouté.
"Le Scaf (...) aura à un moment donné d'autres partenaires. Mais je pense qu'il faut faire chaque chose en son temps", a de son côté estimé vendredi le président d'Airbus Guillaume Faury lors de l'évènement Paris Air Forum.
Olivier Andriès, le patron de l'entreprise Safran, qui est parmi d'autres chargé du moteur du futur avion, s'est lui montré ouvert à l'entrée de la Belgique dans le programme. D'autant que son entreprise est bien implantée dans le pays.
"L'Allemagne a aussi acheté des F-35 et on accepte de collaborer avec elle. Pour moi, ce n'est donc pas un argument pour repousser la Belgique. On ne peut pas avoir de logique variable", a-t-il déclaré au journal belge L'Echo.
Selon une source française, l'entrée de la Belgique comme observateur s'est faite "en bonne intelligence" avec les industriels, car cela ne change rien à la répartition des tâches. Dans l'immédiat.