La Belgique va fournir à la Cour internationale de justice son interprétation de la Convention sur le génocide 

Dans le cadre d’une plainte portée devant la Cour internationale de justice par l'Afrique du Sud contre Israël, la Belgique a annoncé qu’elle allait donner son interprétation de l'article 2 de la Convention de 1948 des Nations Unies sur la prévention et la répression du crime de génocide.

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Cour internationale de justice de La Haye

Des manifestants pro-palestiniens devant la Cour internationale de justice de la Haye, aux Pays-bas, le 19 février 2024. 

 

(AP Photo/Peter Dejong)
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Dans le débat sur le risque de génocide du peuple palestinien dans la bande de Gaza par Israël, la Belgique a officiellement décidé d'apporter sa contribution. 

Partie signataire de la Convention de 1948 sur la prévention et la répression du crime de génocide, la Belgique a annoncé par la voix de sa ministre des Affaires Etrangères, qu'elle allait fournir à la Cour internationale de justice de la Haye (CIJ), le tribunal de l’ONU chargé de régler les différends entre États, son interprétation d'un génocide. 

"Il ne s’agit pas ici de prendre parti pour ou contre l’une ou l’autre partie, mais de renforcer l’universalité des conventions internationales", a déclaré Hadja Lahbib, la ministre des Affaires Étrangères belge au quotidien Le Soir. "La politique étrangère de la Belgique doit continuer à s’illustrer comme fervent défenseur du respect du droit international, c’est dans cet esprit que je demande une intervention. Parce qu’il ne peut y avoir de double standard quand il s’agit de vie humaine". 

Qu'est ce que la Convention de 1948 sur le génocide ?

Cette convention dont l'article 1 définit et codifie le crime de génocide, oblige les États parties à « prendre des mesures » afin de le prévenir et de le réprimer. Elle précise que la définition de génocide s’applique aussi bien en temps de guerre qu’en temps de paix, et est aujourd’hui ratifiée par 153 États, dont Israël. 

L’article 2 de la Convention de 1948 définit le génocide par les actes commis dans l'intention de détruire, ou tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux. Parmi ces actes, la convention liste : 
- Le meurtre de membres du groupe
- L’atteinte grave à l'intégrité physique ou mentale de membres du groupe
- La soumission intentionnelle du groupe à des conditions d'existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle
- Les mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe
- Le transfert forcé d'enfants du groupe à un autre groupe.

Plainte de l'Afrique du Sud

Les États signataires peuvent saisir la CIJ s’ils estiment qu’un génocide est en train de se produire. Le 29 décembre 2023, Pretoria avait donc engagé une action en justice à l'encontre d'Israël, qu’elle accuse de violer la Convention de 1948.

L’Afrique du Sud demande de « cesser de tuer et de causer de graves atteintes mentales et physiques au peuple palestinien de Gaza, de cesser de lui imposer délibérément des conditions de vie destinées à entraîner sa destruction physique en tant que groupe et de permettre l’accès à l’aide humanitaire ».

La CIJ avait étudié une première fois cette plainte. Dans son ordonnace du 26 janvier 2024, elle avait appelé Israël à faire tout son possible pour empêcher tout acte de génocide contre le peuple palestinien et à améliorer l’accès à l’aide humanitaire aux habitants de Gaza. Dans une nouvelle requete déposée le 6 mars, l’Afrique du Sud a demandé davantage de mesures d'urgence à la CIJ contre Israël. 

Intervention belge 

C’est dans ce contexte que la Belgique va, elle aussi, donner son interprétation de l'article 2 de la Convention de 1948. Dans une tribune publiée le 17 janvier 2024 dans le journal belge La Libre, un collectif de professeurs de droit international expliquait pourquoi une intervention belge devant la CIJ serait justifiée, et pourquoi le pays pourrait même y jouer un « rôle crucial »

Selon eux, la Belgique, ainsi que tous les États signataires de la convention, « ne sont pas seulement liés par l’interdiction du génocide, mais ont également le “devoir d’agir” dès qu’ils ont connaissance de l’existence d’un risque sérieux que le génocide soit commis ».

De plus, ces deniers indiquent que « la Belgique a toujours souligné l’importance de protéger l’infrastructure humanitaire à Gaza – pour éviter la faim et punir la violence contre les services médicaux ».

Les experts signataires de cette tribune estiment donc qu’une « intervention devant la Cour internationale de justice pourrait avoir l’avantage de mettre en lumière la catastrophe humanitaire en cours ».

L’éclairage de la Belgique pourrait également, selon ces professeurs, permettre de distinguer si Israël fait preuve d’une « intention génocidaire ». Alors que dans sa plainte, Pretoria présente un « schéma systématique de déshumanisation », Israël invoque des objectifs militaires et le droit à se défendre. 

Un message symbolique 

La ministre a par ailleurs ajouté que la Belgique allait également intervenir dans une autre affaire de possible génocide contre la minorité Rohynga au Myanmar, qui est accusé par la Gambie à la CIJ.

Selon le quotidien Le Soir, la décision de la Belgique envoie avant tout un message symbolique, celui d’un pays qui refuse « de détourner le regard du massacre qui continue à se dérouler à Gaza ».