La campagne française contre le djihadisme fait un flop

Lancée la semaine dernière par le gouvernement français pour lutter contre l'embrigadement djihadiste auprès des jeunes sur le web, la campagne Stop Djihadisme amuse la presse anglo-saxonne et fait un flop sur les réseaux sociaux. 
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Infographie : radicalisation djihadiste
Présentation des signes avant-coureurs du radicalisme dans le cadre de la campagne Stop Djihadisme. 
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Le site www.stop-djihadisme.gouv.fr s'ouvre sur un clip où défilent des images « chocs » de massacre et de torture, après un bref passage sur une page Facebook. Reprenant les codes de la propagande terroriste, la vidéo cherche à démonter les slogans les plus souvent employés par les islamistes. « Sacrifie-toi à nos côtés, tu défendras une juste cause » laisse place à « en réalité, tu trouveras l’enfer sur terre et mourras seul, loin de chez toi ». Ou encore « Rejoins-nous et viens aider les enfants syriens » est contrecarré par un « Tu seras complice de massacres de civils. » Le tout se terminant avec cette phrase : « Les discours d'embrigadement djihadistes font chaque jour de nouvelles victimes », suivi du mot-dièse #stopdjihadisme. 

http://www.dailymotion.com/swf/x2fpywn_stopdjihadisme-ils-te-disent_news
Vidéo réalisée dans le cadre de la campagne française contre la propagande djihadiste.

Vidéo peu convaincante

Une vidéo qui se veut pédagogique mais laisse sceptique la presse anglo-saxonne. Dans un article moqueur, titré « La France dévoile un campagne de propagande anti-djihadiste », Foreign Policy s'amuse du « faux style documentaire » et épingle le ridicule des messages censés révéler « les deux versions de la vie en Syrie, celle des djihadistes dans leur califat auto-proclamé et celle du gouvernement français. » Pour le magazine américain,  « cette campagne semble osciller entre l'auto-caricature et l'extrême sérieux ».

Sur les réseaux sociaux, les parodies ont vite fleuri. La plus réussie est certainement celle de Topito (vidéo ci-dessous). Reprise des codes graphiques, de la typographie et du montage pour dénoncer les mensonges de la télé-réalité et faire réfléchir à ses effets sur les spectateurs. 

Video youtubeFace au succès de sa dernière campagne, le gouvernement réitère cette semaine avec un nouveau spot choc visant nos plus jeunes. Un message dur, mais que nous nous devions de faire entendre.

La bonne baguette française...

Infographie : radicalisation djihadiste
Présentation des signes avant-coureurs du radicalisme dans le cadre de la campagne Stop Djihadisme. 

Au-delà de la vidéo, c'est l'infographie, mettant en scène « les premiers signes qui peuvent alerter », qui fait le plus gausser. Une sorte de guide pour repérer ceux et celles qui seraient sur le point de basculer dans le radicalisme. Neuf attitudes sont ciblées, chacune résumée par un pictogramme bleuté aux formes douces et arrondies. La plus raillée ? Le changement de régime alimentaire illustré par la célèbre baguette française.  

« Si vous vivez en France et que vous ne mangez pas de baguette, il y a des chances pour que vous soyez un terroriste », lance le site américain Quartz en tête de son article et rappelle dans la légende de la photo que « les djihadistes ne mangent pas de foie gras non plus. » Même types de plaisanteries sur Twitter : « Le gouvernement vous invite à vous méfier de ceux qui ne mangent pas de baguette ! » ou encore « Avant je mangeais ce pain fait-maison. Mais j'ai arrêté #jemesuisdéradicalisé » 

Dans son blog sur le site du Washington Post, le journaliste Ishaan Tharoor se permet de souligner que « tout cela a du sens, mais ne représente pas vraiment un guide infaillible pour repérer la radicalisation d'un djihadiste en devenir ». Comme lui, la plupart des sites insistent sur ce caractère très généraliste des critères, assortis d'une certaine prudence. « Chaque situation est spécifique, l'identification d'un ou plusieurs signes n'implique pas forcément une radicalisation », précise l'infographie. « Les créateurs semblent avoir compris que reconnaître des extrémistes n'est pas sans risque de se tromper », ironise le site i100, rattaché au quotidien britannique The Independent. « De quelle manière exactement une personne en France est-elle donc supposée définir la différence entre "nous” et «"eux” ? », interroge le magazine américain The Atlantic.

Le site d'actualités françaises à destination des anglophones The Local craint pour sa part « que la suspicion puisse tomber sur tous les nouveaux parents ». Arrêter d'écouter de la musique (pour ne pas réveiller son enfant), changer de régime (« ce qui est exactement ce qui arrive» aux parents condamnés à «de la purée de légumes abandonnée »): autant de parallèles sarcastiques choisis par le site d'actualité pour moquer la campagne française. 

Détournement militant

Et là aussi, l'infographie gouvernementale est parodiée dans tous les sens. Celle publiée par Christian Delarue sur son blog Mediapart ne manque pas de mordant : « Radicalisation machiste, les premiers signes qui peuvent alerter ». Ici, les signes avant-coureurs sont « ils coupent la parole et parlent fort » ou encore « ils refusent de faire les tâches ménagères »...

Autre détournement militant : « Dérive autoritaire. Les premiers signes qui doivent alerter ». L'infographie parodique est cette fois-ci relayée par Jérémie Zimmermann, l'un des co-fondateurs de La Quadrature du Net, qui défend un Internet libre et ouvert. En slogan: « agir contre la menace gouvernementale ».