La chanteuse franco-malienne Rokia Traoré a rejoint le Mali malgré son contrôle judiciaire

Samedi 9 mai, la chanteuse franco-malienne Rokia Traoré est arrivée à Bamako, malgré une interdiction de quitter le territoire français et en pleine pandémie de coronavirus. L'artiste ambassadrice de bonne volonté des Nations unies avait été arrêtée lors d'un passage à Paris le 10 mars et placée sous contrôle judiciaire depuis le 25 mars. Elle devait être remise à la justice belge dans le cadre d'une procédure qui l'oppose au père de sa fille dont elle est séparée.
 
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Rokia Traoré
Rokia Traoré lors du Festival de Cannes, le 15 mai 2015, à la montée des marches du film "Irrational man" de Woody Allen.
© AP Photo/Thibault Camus
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L’artiste annonce elle-même son retour à Bamako sur son compte Facebook, assumant complètement sa démarche et remerciant ses nombreux soutiens :
"De retour à Bamako, la quête de justice continue", a-t-elle écrit le 12 mai.

Une issue diplomatique

Le chef de la diplomatie malienne, Tiébilé Dramé, a évoqué "l'arrivée à Bamako le 9 mai dernier de l'artiste Rokia Traoré" lors d'une rencontre avec les ambassadeurs de Belgique et de France au Mali, dans un communiqué.

Le ministre Dramé a "saisi l'occasion pour inviter toutes les parties au dialogue en vue de privilégier l'intérêt de l'enfant, âgé de 5 ans". Dramé a par ailleurs "invité M. Jan Goossens, père de l'enfant, et son avocat à venir au Mali dès que les conditions le permettront pour poursuivre la recherche d'un juste compromis", selon la même source.
 
Ce lundi 18 mai, le gouvernement malien, qui avait auparavant exprimé sa "solidarité" avec la chanteuse, "encourage les avocats des deux parties à se rapprocher pour trouver une solution équilibrée."

Un feuilleton judiciaire

Rokia Traoré est opposée à son ex-compagnon et père de son enfant Jan Goossens, dramaturge et directeur artistique du Festival de Marseille, depuis leur séparation, durant l’été 2018. Les parents ont la garde partagée de leur fille de 5 ans. Mais la chanteuse s’est refusée à ce que son compagnon puisse garder l’enfant pour les vacances d’été 2019.

Le parquet belge décide en septembre 2019 de confier l’enfant à son père. La chanteuse conteste, certificats de scolarité et attestations de domicile à l’appui, pour prouver que sa fille vit avec elle depuis des années à Bamako. Bruxelles ne retient pas ces éléments. L’artiste ne remet pas sa fille à son père : elle accuse son ex-compagnon de s’être livré à des attouchements sexuels sur leur fille de cinq ans

(RE)lire : Rokia Traoré, du drame privé à l'affaire publique
 
La justice belge accuse Rokia Traoré  d'"enlèvement, séquestration et prise d'otage", suite au non-respect du jugement rendu fin juin 2019 et exige la remise de l'enfant à son père.  Problème : la justice malienne, quant à elle, a accordé la garde exclusive à Rokia Traoré.
 
Le 20 janvier 2020 Rokia Traoré, ambassadrice de bonne volonté des Nations unies, donne un concert à l’Unesco à Paris, pour inaugurer la 17ème édition de la Semaine du son. La soirée de gala est retransmise en direct dans 80 pays. Le lendemain elle a rendez-vous dans le bureau d’un juge d’instruction de Bruxelles pour tenter de trouver une issue à la bataille sur la garde de leur fille. Elle repart à Bamako.
 
Et c’est lors d’un nouveau passage en France, en transit à Roissy depuis Bamako vers Bruxelles, où elle se rend pour une audience dans le cadre de la procédure qui l'oppose à son ex-compagnn, que la chanteuse est arrêtée, le 10 mars, à sa descente d’avion, à la demande des autorités belges. Elle est incarcérée à Fleury Mérogis où elle entame une grève de la faim. Un comité de soutien se constitue, en France et au Mali :

(Re)voir : Rokia Traoré incarcérée, ses amis se mobilisent :

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Rokia Traoré est libérée et placée sous contrôle judiciaire le 25 mars. L’avocat général avait expliqué ne pas pouvoir la remettre aux autorités belges à cause de l’épidémie de Covid-19.

Un départ concerté ?

La chanteuse et guitariste affirme sur Facebook avoir quitté la France par un vol privé.

Selon les termes du mandat d'arrêt prononcé par la justice belge, Rokia Traoré risque cinq ans de prison. Selon une source policière française, elle a quitté le pays de façon régulière depuis l'aéroport du Bourget (au nord de Paris). Et d'après une source judiciaire interrogée dimanche 17 mai, le parquet général de la Cour d'appel de Paris était en attente d'éléments pouvant attester que Rokia Traoré n'avait pas respecté son contrôle judiciaire. Si cela est avéré, il requerra sa révocation auprès de la chambre de l'instruction, qui pourra ordonner un mandat d'arrêt contre elle.

Rokia Traoré conteste la décision de la justice belge de confier la garde exclusive de l'enfant à son père. Selon son avocat, une décision de la justice malienne a accordé à la chanteuse la garde de sa fille.  "C'est une mère aux abois qui a peur qu'on lui arrache son enfant, c'est pour cela qu'elle est partie au Mali, où elle habite", a déclaré son avocat Kenneth Feliho.