Le président russe Vladimir Poutine et son homologue chinois Xi Jinping se sont réunis le 21 mars à Moscou pour de nouvelles discussions consacrées au conflit en Ukraine et au renforcement de leurs relations
"stratégiques" face à l'Occident.
Voir : Russie-Chine : Xi Jinping en visite à Moscou
Vladimir Poutine a accueilli Xi Jinping sous les ors de la salle de réception Saint-Georges, au Grand palais du Kremlin, avec une poignée de main chaleureuse, avant de s'enfermer avec son hôte et des responsables des deux pays pour des négociations à huis clos.
La veille, les deux dirigeants s'étaient déjà rencontrés pour un premier entretien
"informel" de plus de quatre heures pendant lequel ils s'étaient affichés en contrepoids des Occidentaux, dont les rapports avec Pékin et Moscou sont tendus.
Avant sa nouvelle réunion avec Vladimir Poutine, Xi Jinping, qui effectue une visite d'État de trois jours, a souligné ce 21 mars qu'il faisait des relations
"stratégiques" entre la Chine et la Russie,
"deux grandes puissances", une
"priorité".
Il a en outre confié qu'il avait invité le chef de l'État russe, contre lequel un mandat d'arrêt a été émis la semaine dernière par la Cour pénale internationale, à lui rendre visite en Chine
"quand il le pourra cette année".
Le Premier ministre japonais à Boutcha
Hasard du calendrier ? Alors que Xi Jinping montre son soutien à Moscou, le Premier ministre japonais Fumio Kishida s'est déplacé, en miroir, en Ukraine pour une visite surprise qualifiée d'
"historique" par Kiev, qui y voit un
"signe de solidarité".
À peine arrivé, M. Kishida est allé dans la ville-martyre de Boutcha, près de la capitale, où des soldats russes sont accusés d'avoir commis des atrocités lorsqu'ils l'occupaient.
Le dirigeant japonais, qui était le seul chef d'Etat ou de gouvernement d'un Etat membre du G7 à ne pas encore avoir fait un déplacement à Kiev depuis le début du conflit en février 2022, doit également rencontrer le président ukrainien Volodymyr Zelensky.
"Cher ami"
La situation en Ukraine, justement, sera au coeur des pourparlers entre MM. Xi et Poutine, qui ont profité de leurs discussions
"informelles" le 20 mars pour mettre en scène leur entente, en se donnant par exemple du
"cher ami".
Au cours de ce premier entretien, le maître du Kremlin s'était dit prêt à discuter d'une initiative chinoise visant à stopper ce conflit, sur la base d'un document publié le mois dernier par Pékin et appelant en particulier à des négociations de paix.
Mais si la Chine se pose en intermédiaire en Ukraine, l'Occident juge qu'elle soutient trop Moscou pour être crédible. Washington accuse même les autorités chinoises d'envisager de livrer des armes à la Russie, ce qu'elles démentent.
D'autres, chez les Occidentaux, considèrent que Pékin pourrait s'inspirer de l'offensive russe en Ukraine pour prendre le contrôle de Taïwan.
Le 20 mars encore, le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, a affirmé que le monde ne devait
"pas être dupe face à toute décision tactique de la Russie, soutenue par la Chine ou tout autre pays, de geler le conflit (en Ukraine) selon ses propres conditions".
Il appartient à l'Ukraine de décider quelles sont les conditions acceptables pour toute solution pacifique.
Jens Stoltenberg, secrétaire générale de l'OTAN
Antony Blinken a souligné que Xi Jinping s'était rendu en Russie trois jours à peine après l'émission du mandat d'arrêt de la CPI visant Vladimir Poutine, ce qui, d'après lui, laisse à penser que la Chine n'éprouve pas le besoin de
"tenir pour responsable le président (russe) des atrocités infligées à l'Ukraine".
Pour sa part, l'Ukraine, prudente sur les intentions chinoises, a exhorté le 20 mars Xi Jinping à "
user de son influence sur Moscou pour qu'il mette fin à la guerre d'agression".
Xi doit dialoguer "directement" avec Zelensky
Ce 21 mars, depuis Bruxelles, le secrétaire général de l'OTAN, Jens Stoltenberg, appelle la Chine à dialogie directement avec le président ukrainien Volodymyr Zelensky si elle veut que son plan de paix soit pris au sérieux.
"Il appartient à l'Ukraine de décider quelles sont les conditions acceptables pour toute solution pacifique", a rappelé Jens Stoltenberg au cours d'un point de presse au siège de l'Alliance atlantique à Bruxelles pour la présentation du rapport d'activités de l'Otan en 2022.
"La Chine doit comprendre le point de vue de l'Ukraine et dialoguer directement avec le président Zelensky", a-t-il soutenu.
"Toute solution de paix pour l'Ukraine doit être fondée sur le respect de l'intégrité territoriale et de la souveraineté de l'Ukraine", a-t-il insisté.
"Un cessez-le-feu ou toute solution qui ne respecte pas la souveraineté et l'intégrité territoriale de l'Ukraine ne sera qu'un moyen de geler la guerre et de permettre à la Russie de reconstituer ses forces et d'attaquer à nouveau. Ce ne sera pas une paix juste et durable", a-t-il averti.
Jens Stoltenberg a par ailleurs une nouvelle fois exhorté Pékin à ne pas fournir d'armes à la Russie.
"Nous n'avons pas de preuves que la Chine fournit des armes à la Russie", a-t-il rappelé.
"La Chine ne doit pas fournir d'aide létale à la Russie. Ce serait soutenir une guerre illégale, prolonger la guerre et soutenir l'invasion illégale de l'Ukraine. C'est quelque chose que la Chine ne devrait pas faire", a-t-il plaidé.
L'Otan et la Chine ne sont pas partenaires. Toutefois, l'Alliance atlantique ne considère pas ce pays comme un adversaire, est-il précisé dans le rapport paru mardi.
"Le nouveau concept stratégique adopté par l'Alliance au sommet de Madrid en juin 2022 identifie la Russie comme la menace la plus importante pour notre sécurité, avec le terrorisme, et indique clairement que la Chine défie nos intérêts, notre sécurité et nos valeurs", a encore dit Jens Stoltenberg.
Accord sur le gaz
Interrogé par l'AFP, l'expert français Antoine Bondaz, un spécialiste de la diplomatie chinoise, pense que Pékin cherche à promouvoir dans le dossier ukrainien une
"image de facteur de stabilité (...) particulièrement auprès des pays non-occidentaux", tout en essayant de
"délégitimer les régimes démocratiques".
Ces dernières années, la Chine et la Russie se posent en effet en tant que contrepoids géopolitiques de la puissance des États-Unis et de leurs alliés.
Mais outre les considérations stratégiques, les questions économiques seront au cœur des discussions ce 21 mars entre Vladimir Poutine et Xi Jiping
La visite du président chinois en Russie intervient au moment où cette dernière a massivement réorienté son économie vers la Chine, face aux lourdes sanctions occidentales dont elle est la cible.
Comme un symbole de cette intégration économique croissante, le géant russe Gazprom a annoncé ce 21 mars avoir livré la veille une quantité
"record" de gaz via le gazoduc transfrontalier
"Force de Sibérie".
"Les entreprises russes sont en mesure de répondre à la demande croissante de la Chine en énergie", a déclaré Vladimir Poutine. Selon lui, l'objectif est de livrer à la Chine au moins 98 milliards de mètres cubes de gaz russe et 100 millions de tonnes de GNL russe d'ici 2030.
Selon le Kremlin, Xi Jinping et Vladimir Poutine doivent signer plusieurs documents ce 21 mars, notamment une déclaration commune portant sur l'approfondissement des relations économiques entre leurs deux pays d'ici à 2030.