La contre-attaque chinoise n'a pas tardé. Pékin menace de restreindre ses exportations de terres rares, ces métaux indispensables dans les produits de haute technologie dont elle détient le quasi-monopole mondial. Une réponse aux attaques de Washington contre le groupe Huawei.
La Chine détient le quasi-monopole de la production de ce qu'on appelle les terres rares. Une domination qui place les autres nations en position de dépendance. Il y a quelques jours, Pékin menaçait à mots couverts de couper ses approvisionnements si les États-Unis ne modèrent pas leurs accusations d'espionnage contre le groupe de télécommunications chinois Huawei.
Que sont les terres rares ?
Les terres rares sont un groupe de 17 minerais appelés par exemple néodyme, dysprosium ou lanthane. Ils sont utilisés partout : dans nos ordinateurs, nos téléphones, nos voitures, nos ampoules et sont indispensables pour la fabrication des éoliennes et de certains armements, comme les missiles longue portée.
Autant dire qu'ils sont incontournables aujourd'hui.
Les États-Unis ont récemment classé les terres rares comme hautement stratégiques pour l'économie et la défense nationale.
D'où viennent les terres rares ?
Des gisements de terres rares se répartissent un peu partout sur la planète. Ces minerais sont même présents en plus grande quantité que l'or et l'argent dans la croûte terrestre. "ll y en a en Afrique, en Asie, en Australie, en Europe et en Amérique du Nord comme du Sud, affirme Johann Tuduri, géologue au BRGM (Bureau de Recherches Géologiques et Minières) en France. On peut même trouver sur certains continents, plus de terres rares qu'en Chine, c'est le cas par exemple au Groenland."
La ressource n'est donc pas si rare contrairement à ce que ce que son nom laisse entendre. Pourtant, c'est la Chine qui produit aujourd'hui environ 80% des terres rares consommées dans le monde.
Pourquoi la Chine a-t-elle le monopole ?
Ce quasi-monopole s'est installé à la fin des années 80. A l'époque les Etats-Unis et d'autres pays occidentaux délaissent leurs mines de terres rares. Non seulement elles sont jugées très polluantes, mais surtout elles ne sont plus compétitives face aux exploitations chinoises.
"Nous, l'Occident, raconte Guillaume Pitron, journaliste, auteur de "La guerre des métaux rares" (éditions Les liens qui libèrent), pouvions produire ces terres rares et d'autres métaux rares nous-mêmes mais nous avons préféré fermer nos usines ou ne pas en ouvrir de nouvelles , fermer des mines ou ne pas en ouvrir d'autres, et laisser cette production partir vers la Chine, qui, selon une logique de spécialisation minière, est devenue le producteur à 80%, 85% voire 90% des terres rares aujourd'hui."
Sauf qu'à mesure que les innovations technologiques se développent, ces 17 minerais deviennent incontournables. C'est seulement récemment que les Occidentaux ont réalisé leur dépendance aux exportations de la Chine.
Les Etats-Unis peuvent-ils trouver d'autres sources ?
Si Pékin décidait de fermer complètement le robinet de terres rares du jour au lendemain, les producteurs de produits technologiques mais aussi l'armée américaine se retrouveraient le bec dans l'eau. Même si les ressources existent ailleurs qu'en Chine.
Guillaume Pitron rappelle que "le temps minier est très long. Ce n'est pas en quelques mois qu'on ouvre une mine. Tout cela prend du temps et en réalité les Américains n'ont pas vraiment les moyens de substituer 100% de leurs approvisionnements qui viennent de Chine par d'autres approvisionnements à parts égales provenants d'autres sources."
Le géologue Johann Tuduri confirme que les Américains "ne peuvent pas du jour au lendemain rouvrir une mine et produire autant qu'ils ont besoin de ces terres rares. Il va falloir qu'ils montent progressivement leurs capacités d'exploitations et de traitement. Ils ont les gisements dans le sous-sol mais ces gisements ne sont pas des mines. Tout cela peut prendre jusqu'à 5 ans."
Les États-Unis ont déjà rouvert leur exploitation de Mountain Pass en Californie depuis 2012. Et Washington vient de dévoiler, ce mardi 4 juin, une stratégie en six points pour s'assurer un approvisionnement en terres rares.