Fil d'Ariane
Moscou communique largement dessus, images d’un char léopard détruit à l’appui. Les autorités de Kiev se montrent elles plus discrète. La contre-offensive ukrainienne, annoncée depuis des mois, a commencé, mais le pays est loin d’avoir abattu toutes ses cartes et maintient l'incertidude sur sa stratégie.
Selon les analystes militaires, l'Ukraine n'a pas encore lancé le gros de ses forces dans sa grande contre-offensive, et qu'elle teste actuellement encore le front avec des attaques ciblées pour en déterminer les points faibles.
AP
Forte d'armements occidentaux et après des mois de préparation, l'Ukraine a lancé début juin une offensive pour reconquérir une partie des territoires occupés par la Russie.
Ce lundi 12 juin, les Russes affirment avoir repoussé des offensives ukrainiennes dans le sud. Dans le même temps, Kiev a annoncé la reprise de Blagodatné, Makarivka, Neskoutchné et Storojevé.
(Re)voir : La Russie affirme avoir repoussé l'offensive ukrainienne
La zone dans laquelle l'armée ukrainienne a gagné un peu de terrain est à la frontière des fronts Est et Sud. Elle est située à une dizaine kilomètres au nord des principales lignes fortifiés russes, faites notamment de tranchées et de pièges antichars.
Un succès militaire ukrainien d'ampleur dans cette région permettrait de rompre le pont terrestre reliant la Russie à la péninsule annexée de Crimée.
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Mais selon les analystes militaires, l'Ukraine n'a pas encore lancé le gros de ses forces dans sa grande contre-offensive. Elle testerait actuellement encore le front avec des attaques ciblées pour en déterminer les points faibles. Kiev ne révèle pas le nombre d'hommes lancés sur le terrain, ni le type d'armes actuellement utilisées.
Comme à son habitude, l'armée russe affirme infliger de son côté de très lourdes pertes aux Ukrainiens. Elle ne communique pas sur ses pertes.
Moscou veut instaurer du doute du côté occidental.
Général Jérôme Pellistrandi
« Nous pouvons faire un parallèle avec le 6 juin 1944, où la presse allemande, qui était bien sûr sous contrôle stricte de l’appareil nazi, n’a pas nié le débarquement », analyse lui le général Jérôme Pellistrandi.
« Du côté russe, on dit que la contre-offensive a lieu et que les forces de Moscou résistent et qu’elles infligent des pertes extrêmement importantes aux Ukrainiens, en jouant sur les images. Cette bataille de la communication contribue directement à la bataille terrestre. Il faut instaurer du doute du côté occidental. »
« Lorsque l’on montre une image de char léopard en piteux état, le message, est celui que les Occidentaux ont fourni du matériel, mais qu’il est détruit. À l’égard de l’opinion publique russe, un message est aussi délivré. Celui selon lequel la Russie est attaquée par les occidentaux et qu’elle se défend bien », explique Jérôme Pellistrandi.
Du côté ukrainien, la volonté est la même, bien que la stratégie diffère. Les autorités ont juré de garder le silence sur leurs objectifs, stratégies et tactiques.
Kiev cherche à conserver le soutien des Occidentaux tout en adoptant une communication plus restreinte, selon le rédacteur en chef de la Revue Défense nationale. L’intérêt est ici de conserver l’effet de surprise sur le champ de bataille. « La ligne de front fait à peu près 1000 kilomètres. Cela ne veut pas dire que les Ukrainiens sont sur ces 1000 kilomètres, mais ils regardent là où ils peuvent progresser le plus rapidement, tout en maintenant les Russes dans l’incertitude. »
Toujours maintenir le brouillard de la guerre.
Général Jérôme Pellistrandi
Les Ukrainiens espéreraient ainsi que le moral des troupes russes, ne sachant pas à quoi s’attendre, baisse voir s’effondre au contact des troupes ukrainiennes.
« Lorsqu’on annonce la composition de l’équipe, au dernier moment avant le match, c’est pour désorganiser la défense de l’équipe adverse. Nous sommes dans le même genre de cas de figure. Toujours maintenir le brouillard de la guerre », continue Jérôme Pellistrandi.
C’est maintenant que les pertes vont être les plus élevées pour les forces ukrainiennes.
Général Jérôme Pellistrandi
Mais la partie n’est pas gagnée d’avance pour les Ukrainiens. Kiev, jusqu’alors en position défensive, pouvait « infliger des pertes importantes à l’adversaire, tout en préservant ses forces ». Désormais en position offensive, elle risque, selon le général Jérôme Pellistrandi, de perdre beaucoup plus de soldats. « C’est maintenant que les pertes vont être les plus élevées pour les forces ukrainiennes. »
Reste à savoir comment réagiront les forces russes lorsque Kiev mènera davantage de troupes et de son matériel militaire dans des combats d’envergure. Les semaines qui viennent s'annoncent déterminantes. Pour le haut gradé français, un échec partiel de l’offensive ukrainienne serait « dramatique pour les Ukrainiens mais aussi pour la sécurité européenne ».