Le coup d'envoi de la convention républicaine a été décalé de 24 heures en raison d'un ouragan...
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Après des mois d’une interminable précampagne électorale, les républicains américains se retrouvent le mardi 28 août à Tampa, en Floride, pour désigner officiellement le duo qui les représentera à l’élection présidentielle le 6 novembre prochain. Ce ne sera une surprise pour personne : le candidat républicain à la présidentielle 2012 sera Mitt Romney, avec Paul Ryan pour colistier. Alors si le suspense est levé depuis déjà plusieurs mois, en quoi la convention du parti reste-t-elle un moment clé de la période préélectorale ? Eléments de réponse avec Thomas Snegaroff, historien et spécialiste des Etats-Unis.
Après des primaires particulièrement longues et clivantes, le véritable enjeu de la convention de Tampa est aujourd’hui de réunifier les républicains. L’heure est venue pour le parti de se mettre en ordre de marche pour aborder la campagne, qui ne commencera officiellement qu’après la désignation des candidats. Objectif numéro un : définir une plate-forme commune qui, pour l’instant, est restée très vague. « En France, l’équivalent du parti républicain regrouperait trois ou quatre partis distincts, avec des points de vue très différents sur les questions économiques et sociales, comme l’avortement ou l’assurance-maladie, explique Thomas Snegaroff. D’habitude, c’est plutôt le parti démocrate qui est divisé ; cette fois ce sont les républicains. Après s’être opposés pendant huit mois, ils doivent maintenant se ranger en ordre de bataille derrière Mitt Romney. »
Qui va parler ? Quand ? Où ?
La convention sert également de révélateur du poids politique acquis ou perdu par chacun à l’issue des primaires. Alors qu’elle ne dure que trois jours, les places à la tribune sont chères. Or la plupart des vaincus aux primaires, comme Michele Bachman, Rick Perry ou Herman Cain, n’auront pas voix au chapitre, discrédités par leurs gaffes et leurs dérives ultra conservatrices.
Grosse déception aussi pour le jeune sénateur de Floride Marco Rubio, chef de file de l’électorat latino, que l’on attendait en fin de convention, juste avant Romney. « C’est d’ailleurs le vote latino qui pourrait faire pencher la balance, précise Thomas Snegaroff. A cet égard, le choix de Tampa, en Floride, est très judicieux. Dans ce swing state, l’électorat d’origine hispanique est très puissant et pourrait bien, cette fois, avoir la peau d’Obama. »
C’était sans compter avec l’affaire Todd Akin et le point épineux de l’avortement, qui a plongé Mitt Romney dans l’embarras. « D’autant plus qu’il n’a jamais été d’accord avec l’interdiction totale de l’IVG, explique Thomas Snegaroff. Mais pour s’assurer la majorité absolue à la convention, il a dû se droitiser, en signant notamment une plate forme qui pose l’interdiction de l’avortement sans condition. » Un incident dont Mitt Romney se serait bien passé, lui qui cherche à faire oublier sa réputation de versatilité politique.
Ann Romney jouera un rôle central dans cette convention de Tampa
Réparer les pots cassés, peaufiner l’image du candidat
Ce n’est donc pas le sénateur Rubio, mais Ann Romney, la femme de Mitt qui introduira son mari. « C’est une première et un choix décisif pour rattraper les récents dérapages à l’égard de l’électorat féminin, mais aussi pour présenter le candidat sous un jour favorable, insiste Thomas Snegaroff. L’appartenance de la famille Romney à l’Eglise mormone ne passe pas auprès de certains électeurs. Et pour Mitt Romney, il est important de ne s’afficher qu’avec une seule épouse. »
Consacrer les étoiles montantes
Si Marco Rubio s’est fait voler la vedette in extremis, son discours annoncé évoquait à tous un épisode-clé d’une autre convention, démocrate, celle-ci : en 2004 c’est à un jeune sénateur de l’Illinois inconnu du nom de Barack Obama qu’avait incombé de prononcer le discours annonçant la candidature du John Kerry. « Souvent, la convention est le moment pour les jeunes loups de fendre l’armure et d’exister médiatiquement et politiquement, » explique Thomas Snegaroff.
Tampa : une convention « fermée »
Cette convention ne sera pas « ouverte », car l’on sait déjà que Mitt Romney va dépasser le seuil fatidique des 1144 délégués acquis à sa cause et obtenir la majorité absolue nécessaire pour représenter le parti à l’élection. « Les déchirements au sein du camp républicain existent et trouvent même un écho sur certains sites internet, qui appellent à ne pas voter pour Mitt Romney, mais sans le mettre en danger, » affirme Thomas Snegaroff.
En 1924, John Davis fût désigné candidat après 103 tours de scrutin !
Des conventions ouvertes à haut risque
La dernière convention ouverte – autrement dit une convention qui débute sans que le nom du futur candidat soit connu – remonte à 1976. Gerald Ford, le président sortant, avait fini par remporter l’investiture à quelques voix près sur Ronald Reagan, mais il avait ensuite perdu l’élection face au démocrate Jimmy Carter. « Ce genre de configuration est en effet catastrophique, explique Thomas Snegaroff. Car elle révèle les clivages qui déchirent le parti et annonce souvent une défaite face au camp adverse le jour du scrutin présidentiel. » Plus récemment encore, en 1980, chez les démocrates, Ted Kennedy avait donné bien du fil à retordre à Jimmy Carter, même en convention fermée. Résultat de l’élection : une victoire écrasante du républicain Ronald Reagan.
Une convention ouverte peut durer très longtemps, puisque les tours de vote se succèdent jusqu’à ce qu’un candidat potentiel obtienne la majorité absolue. Ainsi, en 1924, avait-il fallu 103 tours avant que les démocrates ne désignent John Davis – par la suite largement battu par Calvin Coolidge. « Evidemment, les enjeux sont tels que des alliances politiciennes se forment pour éviter la catastrophe, » précise Thomas Snegaroff.
Et pourtant, il est déjà arrivé que la situation soit trop tendue pour qu’un consensus soit possible. « Souvenons-nous de la convention démocrate de 1948. Le parti présentait une plate-forme fondée sur les droits civiques. Or à l’époque, les démocrates du Sud étaient encore farouchement ségrégationnistes, au point qu’ils ont fait sécession en pleine convention pour créer leur propre parti. Ces dixiecrats n’ont duré que quelques mois, rappelle Thomas Snegaroff, mais cette année-là, les clivages révélés par la convention étaient allés très loin. »
La grand-messe de Tampa reste d’abord une obligation formelle définie par les statuts du parti, afin qu’il demande officiellement à un candidat de le représenter pour l’élection présidentielle et de désigner son vice-président potentiel. « Là encore, on sait depuis quelques jours que ce sera Paul Ryan. Rappelons qu’en 2008, McCain avait sorti Sarah Palin de son chapeau à la veille de la convention ! » se souvient Thomas Snegaroff.
Pendant 72 heures, le parti républicain aura toute l’attention des médias braquée sur lui et devra en faire le meilleur usage. La convention est un temps fort d’enthousiasme peut-être un peu contraint, mais important avant une campagne très courte qui ne dure que neuf semaines aux Etats-Unis. Le discours final du candidat désigné demeure un moment essentiel, surtout face à un président sortant. « Il y a fort à parier que Romney passera en tête des sondages dès vendredi matin, et ce jusqu’à la convention démocrate, qui se tiendra du 4 au 6 septembre prochain, » prévoit Thomas Snegaroff.
La convention républicaine 2012 en chiffres
2286 délégués
2125 suppléants
15 000 journalistes
50 000 participants
10 000 manifestants au moins
4 000 policiers
50 millions $ de coûts financés par le gouvernement fédéral