Ce lundi 1er juillet 2013, la Croatie devient le 28ème membre de l’Union européenne. Alors que l’Europe est en crise, que peut-elle attendre de son intégration ? Que peut-elle apporter à l’Union ? Analyse de Gaëlle Perio-Valero, spécialiste des Balkans et chercheuse associée à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS).
En Croatie, avis partagés sur l'entrée dans l'Union européenne
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Entretien avec Gaëlle Perio-Valero, chercheuse à l’IRIS, spécialiste des Balkans.
30.06.2013Propos recueillis par Anna Ravix
Dans quel état d'esprit sont les Croates à la veille de leur entrée dans l'Union européenne ? Leur état d'esprit, c'est un enthousiasme mesuré et prudent. Parce que la procédure d'intégration a été longue, cela leur a permis de bien vérifier et de bien comprendre les enjeux de cette intégration européenne, et surtout parce qu'elle se fait à un moment qui n'est pas évident pour l'Union européenne, en période de crise, politique mais aussi économique. Mais ce n’est pas plus mal, car contrairement à certaines autres intégrations où il y avait l'idée que rentrer dans l'UE allait être une solution miracle, les Croates rentrent aujourd'hui dans l'Union avec beaucoup de lucidité. Ils s'attendent aussi à ce que ça ne soit pas toujours aussi facile. Qu'est ce que leur adhésion à l'Europe peut apporter aux Croates ? Ce qu'elle apporte à tous les autres pays et aux États membres de l'UE et qu'on a tendance à oublier aujourd'hui : d'abord la paix et la sécurité. Il ne faut pas oublier qu'à l'origine l'UE est surtout là pour arrêter les guerres et travailler à un partenariat entre voisins. Et ça, c'est la première chose qui va marquer l'entrée de la Croatie parce qu'il ne faut quand même pas oublier qu'il y a 22 ans ce pays était encore en guerre. D'un autre côté, qu'est ce que la Croatie peut apporter à l'Europe ? Déjà, la Croatie arrive avec ses 4,5 millions d'habitants. Ce n’est pas un nombre d'habitants qui doit faire peur, au contraire. Ce qu'elle apporte aussi ce sont des valeurs à un moment de crise économique où on se demande parfois le bienfondé de l'Union européenne. C'est un pays profondément européen, géographiquement, culturellement, qui finalement revient dans une histoire commune et dans un avenir commun.
Les pays membres de l'Union européenne / AFP
Au niveau économique, les Croates n’ont ils pas peur de la crise et de l’austérité? Un jeune sur quatre en Europe est au chômage (55% en Espagne, 58% en Grèce). Ça fait peur mais en même temps, ça ne fait pas si peur que ça aux Croates. Ils ont actuellement un taux de chômage situé entre 15 et 16%, mais ils sortent aussi, non seulement d'une guerre mais aussi d'un système communiste. Donc l'austérité, ils connaissent. On aurait même des choses à apprendre des pays des Balkans occidentaux sur leur façon de gérer l'austérité. Ils la subissent de manière chronique depuis 1991 et ils ont été également soumis par la pression européenne à une cure d'austérité, à des privatisations. Donc ils connaissent, ça ne leur fait pas peur. Et puis ce n'est pas non plus la même économie que l'Espagne ou que la Grèce. C'est une économie de service, à 73%, donc on n'est pas tout a fait dans les même enjeux. Beaucoup de voix s'élèvent, comme à chaque nouvel élargissement de l'UE, pour dire que nous sommes déjà trop nombreux et que l'intégration de nouveaux entrants va entrainer davantage l'Europe dans la crise. Effectivement, ce sont des voix qu'on entend, qui sont plutôt majoritaires d'ailleurs, parce que c'est aussi une tentation de replis. En période de crise on n'a pas envie d'ouvrir les portes. Mais quoi qu’il arrive, la Croatie rentre lundi, et c’est l’aboutissement d’un long processus. Il n y a pas à avoir de crainte à ce niveau là. Il ne faut pas oublier que l'UE est la deuxième économie mondiale, c'est bien la preuve qu'être ensemble, rend plus fort. Et ça rend plus fort également dans les tempêtes. Les Croates l'ont bien compris. Au moment d'une crise mondiale, il vaut mieux être avec 25 partenaires que tout seul. Personnellement, je me réjouis beaucoup de l'entrée de la Croatie dans l'UE, je trouve que c'est un bon signe, malgré tout ce qu'on peut en dire. C'est un bon signe pour la santé et pour l'avenir de l'UE.
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