La Croatie vote pour ou contre son intégration dans l'Europe

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La Croatie vote pour ou contre son intégration dans l'Europe
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Le 22 janvier, les Croates devront se prononcer par référendum sur l'adhésion de leur pays à l'Union européenne. A quelques jours du scrutin, l'opinion publique est très divisée. Décryptage avec Jacques Rupnik, directeur de recherches au CERI - Sciences Po à Paris et spécialiste de l'Europe centrale.

“L'Europe est admirable de loin, inquiétante de près“

“L'Europe est admirable de loin, inquiétante de près“
Jacques Rupnik est également conseiller à la Commission européenne.
Quel est le rôle de ce référendum dans le processus d'adhésion à l'Union européenne ? Il n'y a pas d'adhésion possible sans adhésion du peuple. Tous les pays du dernier élargissement en 2004 ont fait des référendums. L'adhésion à l'UE comporte des abandons de souveraineté importants, il faut donc la légitimer par la population. Si les Croates votent non ce dimanche, la procédure d'adhésion sera abandonnée, en tous cas dans l'immédiat. L'opinion croate est divisée. Il y a un contraste entre le fait que les principales forces politiques - y compris le parti nationaliste - sont favorables à l'entrée dans l'UE, et qu'une large partie de la société - peut-être une majorité - y est hostile. C'est un phénomène que l'on observe dans les autres pays des Balkans. Plus un pays approche de l'adhésion, moins sa population est favorable à l'UE. L'Europe est admirable de loin et inquiétante de près. La Croatie [adhésion prévue en 2013, NDLR] est la plus eurosceptique, l'Albanie la plus enthousiaste [dépôt de candidature en 2009, NDLR]. N'est-ce pas étonnant d'être eurosceptique avant d'être européen ? Non, car à ce moment-là l'Europe n'est plus une idée mais une réalité, et cette réalité est très contraignante, pour votre économie par exemple. En Croatie, il y a plusieurs raisons à cet euroscepticisme. D'abord la guerre d'indépendance [1991 à 1995, NDLR] à laquelle l'Europe a assisté en spectateur, sans aider les Croates. Ensuite, l'obligation d'arrêter et de livrer au Tribunal Pénal International le général Gotovina, que les Croates - la population mais aussi Ivo Sanader, Premier ministre à l'époque - considèrent comme un héros national. Enfin, l'idée que la Croatie vient à peine de conquérir de haute lutte la souveraineté de son Etat, et que déjà on lui demande de la fondre dans un ensemble supranational. Certains y voient une nouvelle Yougoslavie ! La crise actuelle que traverse l'Europe fait-elle peur ? Absolument ! Tout le monde voit dans quel état est l'Union européenne ! Est-ce que vous avez envie d'adhérer à un ensemble dont le coeur est en décomposition ? L'adhésion de la Grèce [premier pays des Balkans à avoir intégré l'UE en 1981, NDLR] s'avère être un échec. Ce pays, qui pendant trente ans a été le plus grand bénéficiaire des aides européennes, a mené en bateau ses partenaires et menti sur ses comptes. S'il y a un éclatement de l'euro et du projet européen, la Grèce y aura largement contribué. Cela n'est pas la meilleure carte de visite pour donner envie à d'autres pays des Balkans de rejoindre l'UE ! Pensez-vous que le "non" l'emportera au référendum ? C'est possible ! On ne sent pas un grand élan européen en Croatie ! Si on regarde les sondages des deux-trois dernières années, on voit la montée progressive de l'euroscepticisme. Cependant il est possible que la campagne référendaire, l'adhésion des partis et des médias convainquent la population. Mais si le "oui" l'emporte, ce sera une majorité relativement courte.

Les pays des Balkans et l'Europe

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