Fil d'Ariane
Ils sont nés entre 1927 et 1939, et vivent pour la plupart en région parisienne. Ce samedi matin, ils retrouvent, à l’Elysée, une nationalité qu'ils avaient perdue voici 57 ans, en 1960, à l'indépendance des colonies. La cérémonie de ce 15 avril, à la veille de la commémoration de l’offensive du Chemin des Dames, est l'aboutissement d’une pétition initiée l'an dernier par Aïssata Seck, petite-fille d’un ancien combattant sénégalais. "Ces Français par le cœur sont dans des situations terriblement précaires. Munis de simples cartes de séjour, ces retraités n’ont d'autre choix que de rester seuls sur le territoire français. Partir finir leur vie au Sénégal, près de leurs familles, signifierait perdre leurs faibles pensions ; un choix matériellement impossible", explique-t-elle.
La République française les a appelés, la République française doit les reconnaître comme ses enfants et leur garantir une fin de vie digne et paisible.
Aïssata Seck
La pétition de Aïssata Seck a recueilli 60 000 signatures, dont celles de nombreuses célébrités. Suite à cette mobilisation, François Hollande s’était engagé, en décembre 2016, à ce que ces dossiers de naturalisation soient examinés "avec rapidité et bienveillance". D'autres devraient suivre au cours des prochains mois, même si l'Elysée précise que seules quelques dizaines de personnes sont concernées.
Ce 15 avril 2017, François Hollande remet à 28 tirailleurs sénégalais leur certificat de nationalité française.
Ces tirailleurs appartiennent à la dernière génération d'une longue lignée de combattants africains engagés volontaires ou enrôlés dans les rangs de l'armée française.
En 1857, ils intègrent les rangs de l'armée française à l’initiative du gouverneur du Sénégal, Louis Faidherbe, et y resteront jusqu'au début des années 1960. Si les premiers régiments ont été formés au Sénégal, ces soldats noirs à la célèbre chéchia rouge sont originaires de toutes les colonies françaises, de l'Afrique de l'Ouest et du centre, jusqu'à Madagascar, et ce sont les régions correspondant aux actuels Mali, Burkina Faso et Guinée qui ont fourni les plus gros effectifs.
Né dans l'actuelle République centrafricaine, Georges Koudoukou avait choisi, lui, de s'engager volontairement en 1916 dans le régiment des tirailleurs. Il a ensuite poursuivi sa carrière militaire dans l'Hexagone avant de prendre part aux opérations de la France libre en Syrie. Blessé à Bir Hakeim, en 1942, il n'a jamais été retrouvé. Aujourd'hui, une avenue de Bangui porte son nom. Portrait :
Ils sont impliqués dans toutes les phases de la conquête coloniale en Afrique, puis dans celle de Madagascar, vers 1890, et dans ce que l'on appelle la "pacification" du Maroc, à partir de la fin du XIXe siècle. Ils servent l'armée française dans ses pages les plus glorieuses, comme la libération de Toulon ou le débarquement de Provence, mais aussi dans des moments plus sombres, comme la répression du soulèvement du Constantinois en Algérie en mai 1945 ou la répression à Madagascar en 1947.
Plus de 200 000 tirailleurs participent à la Première Guerre mondiale, 150 000 à la Seconde, et 60 000 interviennent en Indochine. A la fin des guerres coloniales, et pour pouvoir faire vivre leurs familles restées au pays, beaucoup choisissent de s’installer en France.
Le premier jour de l'offensive d'avril 1917 fait 1 400 morts parmi les soldats noirs. Un massacre qui vaudra au général Charles Mangin, commandant de la sixième armée, le surnom de "boucher des Noirs". Quelque 8 000 tirailleurs périront dans la bataille. Il faudra attendre 2007 pour que leur soit édifié un mémorial sur le site de la bataille, près de Laon.
Le Comorien Ali M'Houdadi est un rescapé de cette bataille de sinistre mémoire. Portrait :