La France, pays des droits de l'Homme... et des animaux ?

Faut-il créer une Déclaration des droits de l'animal ? La réponse est positive pour les auteurs de l'essai "L'animal est-il un homme comme les autres" Aurélien Barrau et Louis Schweitzer, invités de TV5MONDE. Alors que prévoit aujourd'hui la loi française pour protéger l'animal ? Depuis quand est-il considéré comme un "être sensible" ?
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En France, les animaux ont un statut juridique nouveau depuis 2015. Un statut équivoque.

La première référence aux animaux dans la législation française remonte à 1850. A l'époque, la loi Grammont interdit les mauvais traitements et les punit de "cinq à quinze francs" et de "un à cinq jours de prison" contre des animaux domestiques. Mais cette loi limite son application à l'espace public, "les actes de cruauté étant parfaitement admissibles en privé" à l'époque selon l'encyclopédie Universalis.


>>> Regardez l'entretien avec Aurélien Barrau et Louis Schweitzer, auteurs de "L'animal est-il un homme comme les autres" :
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Le philosophe Aurélien Barrau et Louis Schweitzer, président de la Fondation "Droit animal, éthique et science", étaient sur le plateau de TV5MONDE le 20 avril 2018

L'interdiction des mauvais traitements dans le domaine privé n'interviendra qu'un siècle plus tard, en 1959, sous le gouvernement du général de Gaulle. Enfin, une disposition apparaît dans le code rural en 1976 précisant que "tout animal étant un être sensible doit être placé par son propriétaire dans des conditions compatibles avec les impératifs biologiques de son espèce."
 

"Des êtres doués de sensibilité"

Un progrès incontestable à l'époque pour  les défenseurs des animaux. Néanmoins, nos amies les bêtes restent alors considérées comme un bien, meuble ou immeuble.

Une évolution plus marquée intervient le 16 février 2015. L'Assemblée nationale inscrit alors pour la première fois un droit des animaux dans le code civil, considéré comme le fondement de tout le droit français.  L'article 515-14 ne contient que deux phrases, presque contradictoires : "Les animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité. Sous réserve des lois qui les protègent, les animaux sont soumis au régime des biens".

D'un côté, la loi reconnaît le caractère "sensible" de ces "êtres vivants". De l'autre, elle maintient les animaux dans leur statut de chose. Dans la deuxième phrase, il est subtilement précisé que l'animal "est soumis au régime des biens", sans forcément en être un. 
 

Prison ferme

Il n'empêche que cette loi a eu des effets concrets dans les tribunaux. Selon la présidente de la Fondation 30 millions d'amis, qui milite en faveur des animaux,, Reha Hutin, citée par Le Monde, "les magistrats sont moins frileux pour appliquer les lois : nous assistons régulièrement à des condamnations à de la prison ferme, ce qui était exceptionnel par le passé."

Exemple concret : le 19 avril 2018, le tribunal correctionnel de Blois (Loir-et-Cher) a infligé 6 mois de prison ferme à la propriétaire d'un chien. La jeune femme de 32 ans avait abandonné son animal dans son ancien appartement. L'épagneul breton avait fini par mourir attaché et entravé.
 

Anti-spécisme

Aujourd'hui, nombre de militants de la cause animale réclament une législation plus claire. Certains souhaitent par exemple donner aux animaux le statut de personne morale, comme les associations ou les entreprises. C'est la solution que soutient Jean-Pierre Marguénaud, professeur de Droit privé et auteur du premier livre regroupant l'ensemble des textes de loi concernant les animaux, "Le Code de l'animal". Des textes jusqu'ici dispersés dans sept codes différents (code civil, code pénal, code rural, de l'environnement, etc.).
 

Eviter à la gazelle d'être dévorée par le lion

Se posera ensuite la question de la limite. Faut-il aller jusqu'à légiférer sur les animaux comme on légifère sur l'être humain ? Certains militants radicaux l'envisagent. Comme les partisans de l'anti-spécisme, qui dénoncent l'asservissement des animaux pour les besoins humains.

La notion de spécisme se réfère à l'idée de séparer les espèces : d'un côté l'humain, de l'autre l'animal, que l'on peut à l'envie utiliser pour des expériences scientifiques ou enfermer dans des zoos. L'équivalent du racisme pour les défenseurs de cette cause et qui pousse ses militants à envisager que l'animal doit être protégé même à l'état sauvage.

L'un des auteurs de La Révolution antispéciste, Thomas Lepeltier, cité par Le Temps, estime par exemple que l'Homme devrait intervenir pour éviter à la gazelle d'être dévorée par le lion.
 

Et ailleurs dans le monde ?

La législation n'est pas plus développée concernant les animaux dans les autres pays européens. Le Droit des animaux est en revanche largement étudiée en Espagne, en Finlande, au Royaume-Uni mais aussi aux Etats-Unis ou au Canada en tant que discipline à part entière.

La Suisse a instauré en 2003 un droit spécifique en cas de divorce et de dispute autour de la garde du chat ou du hamster, par exemple. Cet article du code civil suisse stipule que le tribunal doit prendre en compte le bien-être de l'animal pour décider de l'attribution de la garde : "le juge attribue en cas de litige la propriété exclusive à la partie qui, en vertu des critères appliqués en matière de protection des animaux, représente la meilleure solution pour l'animal".