Le jour même où l’UMP, le parti conservateur au pouvoir en France, lance
un débat controversé sur la laïcité et l’islam,
l’Institut des cultures d’islam réplique par l’art et le festif en organisant une soirée déjantée et en inaugurant l’exposition du
photographe Martin Parr sur la Goutte d’Or, quartier populaire et métissé de Paris, situé à deux pas du Sacré coeur. « C’est une sorte de pied de nez, lance et assume la directrice Véronique Rieffel. Il est temps d’arrêter de montrer l’islam du doigt. Ici, nous revendiquons une bienveillance sans tomber dans l’angélisme. Nous posons les problèmes de manière non pas stigmatisante mais constructive ».
LA MAUVAISE REPUTATION Le photographe britannique Martin Parr de la
prestigieuse agence Magnum ne connaissait pas la Goutte d’Or avant d’y mettre les pieds. C’est sur une invitation de l’Institut qu’il a accepté d’y séjourner en janvier dernier. Il faut dire que ce quartier, à l’exception de son marché Dejan regorgeant de produits exotiques, est le plus souvent ignoré des touristes et des Parisiens eux-mêmes. Il a toujours eu « mauvaise réputation », indique Véronique Rieffel, et depuis quelque temps il est même devenu l’objet d’une polémique en France en raison des prières pratiquées par des centaines de musulmans sur la voie publique chaque vendredi midi. Marine Le Pen, la dirigeante de l’extrême droite française à la tête du Front National, a été l’une des premières à monter au créneau en dénonçant une nouvelle forme « d’ occupation ». Puis des apéros « pinard-saucisson », ouvertement dirigés contre les musulmans, ont été organisés dans ce même coin de la capitale. C’est donc dans cette ambiance tendue que Martin Parr a dû travailler. Il l’avoue lui-même, cela n’a pas été simple. « La France est sans doute le pays occidental où les droits photographiques sont les plus restrictifs puisqu’il y a une loi qui ne me permet pas de photographier tout ce que l’on veut et qui exige des autorisations avant publication. Toute le monde veut protéger ses droits et gagner de l’argent. Et ce quartier de Paris est certainement la zone de France la plus difficile à photographier. Faire ce reportage était un énorme défi. » Pour faciliter la prise de contact, l’Institut des cultures d’islam s’était chargé en amont de caler tous les rendez-vous avec les associations, les lieux de cultes, les commerçants et les personnalités du quartier. Le séjour de Parr s’apparentait donc plus à une visite guidée qu’à une réelle immersion d’autant qu’il n’a passé que quatre jours à la Goutte d’Or. Dans ces conditions, on aurait pu craindre un travail bâclé. Mais c’est tout le contraire. Le résultat est réjouissant.