Fil d'Ariane
En février 2011, un professeur des écoles résidant à Paris publiait sur son profil Facebook la photo de L'origine du Monde de Gustave Courbet, renvoyant à un documentaire sur l'histoire du tableau. La réaction de Facebook était alors radicale. Au lieu de retirer simplement la publication, le réseau social supprimait le compte de l'instituteur.
Surpris par cette censure, l'instituteur avait envoyé plusieurs emails de réclamation. Sans réponse de la part de Facebook, il avait déposé une assignation pour atteinte à la liberté d'expression auprès du Tribunal de grande instance de Paris. Quatre années auront été nécessaires pour que la procédure aboutisse...
Dans une ordonnance du 5 mars 2015, le TGI de Paris juge abusive la clause exclusive de compétence de la Déclaration des droits et responsabilité de Facebook. Cette clause, obligatoirement signée par les utilisateurs lors de leur inscription, désigne la justice californienne comme étant la seule habilitée à trancher les litiges.
Or les conditions d'utilisation sont difficilement lisibles, et en plus, comme l'explique le jugement « le contrat souscrit est un contrat d’adhésion dans la mesure où l’utilisateur n’a aucune capacité de négociation ». Pour la justice française, la clause d’adhésion qui oblige le souscripteur à saisir une juridiction lointaine, à engager des frais sans aucune proportion avec l’enjeu économique du contrat souscrit, est de nature à dissuader le consommateur d’exercer tout recours à l’encontre de Facebook. Elle instaure « un déséquilibre entre les parties » et constitue de fait une clause abusive.
Le fond de l’affaire sera examiné par le TGI de Paris le 21 mai.
C’est une première manche gagnée par David contre Goliath
L’avocat de l’instituteur, Me Stéphane Cottineau, se félicite de cette « vraie victoire : c’est une première manche gagnée par David contre Goliath ». Il espère que l’aura du TGI de Paris permettra à la décision du 5 mars de faire jurisprudence pour les autres « géants du Net qui utilisent l’implantation à l’étranger de leur siège social, principalement aux Etats-Unis, pour tenter d’échapper à la loi française ».
En 2012, un arrêt rendu par la Cour d’appel de Pau dans une affaire opposant Facebook à un internaute estimait déjà que les tribunaux français étaient compétents dans ce domaine.
De son côté, Facebook n’a pas encore commenté la décision du tribunal mais précise que ses critères ont évolué depuis l’affaire de L’origine du monde en 2011. « La publication de contenus artistiques, à l’exception de photographies montrant des nus » sont désormais acceptés.
Plus de détails ici sur le fonctionnement de la censure sur Facebook.