Selon
certains médias français, les Mexicains, après y avoir opposé une farouche résistance pendant sept ans, seraient désormais favorables à la libération de Florence Cassez. Sauf que ce n’est pas ce que les éditorialistes et les réactions de la population via les réseaux sociaux traduisent. Au contraire.
"Le Mexique se sent bafoué" analyse David Dorantes, directeur de publication de deux journaux du nord du pays. "Ce n’est pas la libération de la Française qui était en jeu. La question était de savoir si elle faisait partie d’un gang de kidnappeurs. Et pourtant, elle a été libérée sans être innocentée. Et tout ça dans la précipitation. Les Mexicains ne comprennent pas pourquoi elle a le droit de quitter le pays sans être déclarée innocente. Fallait-il qu’elle parte le soir même ? Cela faisait sept ans que cela durait et puis la nouvelle juge Olga Sanchez, en quelques tours de main, a plaidé pour sa libération immédiate. Je pense que le nouveau président, Enrique Peña Nieto, veut à tout prix améliorer ses relations diplomatiques avec l'étranger – qui avaient pris un coup dur avec Calderón - à commencer par la France."
"Et les victimes dans tout ça ?"
Et de poursuivre : "En ce qui concerne Florence Cassez, l’opinion publique n’a pas changé en sept ans. Ce qui a changé c’est la réflexion sur la répression du crime d'enlèvement. Alors que chaque Etat mexicain a sa propre législation, le nouveau président propose actuellement un code pénal fédéral pour ne plus se retrouver avec des aberrations juridiques. A Morelos, où habitait Florence Cassez, c’est l’Etat où les enlèvements sont le moins lourdement punis par la loi. Les analystes estiment que le nouveau dispositif judiciaire n’aurait pas joué en faveur de Cassez. Ce qui pourrait expliquer les manières expéditives de la juge. Et les victimes dans tout ça ? Nous avons beaucoup de questions mais peu de réponses."
"Ce que les éditorialistes et la population partagent, c’est la crainte que de futurs accusés se servent des mêmes arguments, les vices de procédure, pour s’en sortir. D’autant que les juristes pointent du doigt le manque de rigueur avec lequel les dossiers des accusés sont montés. C’est encore plus grave que sa libération" explique enfin David Dorantes.
L’affaire Cassez, symptomatique des injustices mexicaines
David Dorantes résume bien le sentiment national. De gauche comme de droite, la presse mexicaine est unanime. Comme lui, ses confrères ont fustigé la décision de la justice.
"Florence Cassez est probablement à l’abri de ce système dysfonctionnel, mais plus de 110 millions de Mexicains sont toujours exposés à toutes sortes d’abus de la part de la police, des préfectures ou des juges, que nous soyons des victimes ou des accusés" dénonce
dans ADN político, Miguel Carbonell, éditorialiste et chercheur en droit à l’Université nationale autonome du Mexique (Unam). Pour lui, l’affaire Cassez est symptomatique des injustices mexicaines.
Arnoldo Cuellar, journaliste politique du site d’information indépendant, Sin Embargo,
craint également que cette affaire ne fasse jurisprudence et ne profite au crime organisé. Il s’attaque aussi à la police mexicaine qui selon lui ne sort pas grandie de cet épisode judiciaire : "Quel que soit l’effort fait pour nettoyer les rangs de la police, on se heurte à l’indifférence de la classe politique qui, elle, ne fait rien pour assainir cette institution."
Les principaux titres de la presse papier ne sont pas plus tendres. "Elle part libre, mais pas innocentée",
titre l'édito d'El Universal. "Michelle Valadés, l’épouse d’Ignacio Abel Figueroa [commerçant kidnappé en 2005 par la bande des Zodiacos, dont le compagnon de Cassez, Israel Vallarta, faisait partie] criait derrière le convoi qui transportait la Française « Assassine!»", rappelle le quotidien.
Sur cette chaîne de télévision, Ezuquiel Elizalde, victime supposé du gang des Zodiacos, réagit à la libération de Cassez : "Le Mexique est dégueulasse".